« Tu veux savoir un truc drôle ? Ce gros connard m’a envoyé ça. »

Posé dans le nouveau salon tout neuf de notre colocation, je lève les yeux vers Mordred et saisit son téléphone. Attend, quel gros connard ? Y’en a une chiée dans l’école.

Je plisse yeux en lisant puis les écarquille au fur et à mesure. Oh. CE gros connard-là.

« J’ai été mis au courant de vos agissements à l’encontre de l’école. Votre sursis vient de sauter. Je ne veut pas savoir vos motivations ou votre alibis. Je refuse dorénavant de vous prodiguer mon enseignement. En mettant l’école en danger, vous me prouvez une fois de plus que vous n’en êtes pas digne. Je signe dès que possible la rupture de ce tutorat.

Prouvez moi Arraw que vous pourriez mériter de nouveau une ultime chance. Nous verrons alors.

H E Andreatus »

H. E. Andréatus, you STINK.

Enfin ouais il a été en classe d’aide, tout ça tout ça, mais « Vous n’en êtes pas digne » woooow redescend vieux chnoque c’est pas comme si t’étais un exemple. Et c’est pas comme si arrêter d’enseigner à quelqu'un qui sort de classe d’aide allait contribuer à l'entraîner sur une meilleure pente, j’veux dire justement c’est tout l’intérêt d’apprendre et s’améliorer non ?

Ah, mais ouiiii pardon. T’es un vieux connard élitiste de merde, c’est vrai. Tu m’avais dit que tu voulais plus ou moins " tailler des diamants quitte à briser ce qui les constitue".
Hahaha. Bon sang, Mordred l’arrêt de ce tutorat est la meilleure chose qui puisse t’arriver, j'espère que tu t'en rends compte.

« Mais quel sac à merde. M’enfin, certes t’as fait les classes d’aide, mais sérieux, digne de quoi, il c’est vu l’autre con en cours, tch. J’sais pas si son tutorat en valait la peine, mais, oh boi, c’est mieux pour toi s’il te fout la paix ce gars est franchement flippant sur sa vision de l’éducation. »

Après tout il s’était jamais vraiment caché d’être en connard. Ni en cours. Ni en entretien. Ni en conseil de discipline.

« Digne de quoi, puis quel enseignement, quel tutorat. Ce connard n’a donné aucune nouvelle après le conseil de discipline, à vrai dire ce mail ne change rien. ... Après, les cours valent la peine. Les cours. Pas le reste. »

Ouais alors pour les nouvelles j’sais pas si c’était juste pour le ghost ou par incapacité mécanique depuis son lit d’hôpital. Bon, prévenir via les infirmier.e.s que vue sont état le tutorat était suspendu, ça n’aurait pas été impossible par contre. Surtout s’il a encore l’énergie d’écrire des conneries pareilles par mail.

Quoi qu’il en soit, il aurait toujours pu faire comme son frère. Nous balancer nos quatre vérités franco et dire à Mordred qu'il voulait mettre fin au tutorat direct si c'était son but ? Au lieu de chercher des excuses et de laisser traîner ? Ça aurait été vachement plus clair. Aussi rude qu’avait été ce moment, Philophae avait eu l’infini mérite d’être complètement transparent dès le début. Mais ce n’est pas comparable. Ils ne sont pas comparables.

«  Hmm. L’était pas trop en état d’en donner, je pense. M’enfin, sont état change rien au fait que ce soit un salaud. Tu vas le reckt, rassure-moi ? »

Il récupère son portable et le frotte sur sa manche.

« Son état lui fait de belles excuses, il ne l’a pas empêché de se proposer comme tuteur. »

Ah oui. Y’a quiproquo là, il a vraiment rien dit. Mordred range son portable et ajoute.

« Le quoi ? »

Bon, double problème de communication.

« Le tej. Enfin le jeter, le virer vu les conneries qu’il débite. Ce type est pas sain, je vois même pas pourquoi il est prof. »

Le vioque est tellement terne que tout ce qui le rend encore visible c’est cette infime possibilité de briller à travers les autres en les modelant à son image. Rien a battre de les aider à avancer, à se découvrir, connaître sa propre efficacité, et à apprendre à s'en servir. Ce à quoi il aspire s’approche plus d’une vision de l’élite toute tracée par son snobisme notoire. Tu mérites tellement mieux.

Je me permets cependant une précision.

« Ah et son état actuel j’entends, pas son état pas ouf de d’habitude. Il a fait une sorte de malaise, enfin en un peu plus vénère. Il doit encore être à l’infirmerie, je pense. Mais s’il a la force de t’envoyer ça et d’être à nouveau un gros con, c’est que ça va mieux.

- Le virer ? Mais ses cours... Sain ou pas, il n’y en a pas beaucoup avec cette qualité. Hm. J’avais plutôt dans l’idée de lui dire ce que je pense. Et j’en ai rien à faire de son malaise.

- Non, mais son malaise on s’en fout, mais de toi non. Genre... Sérieux, il a l’air de t’apporter plus de négatifs que de positif. Fait comme tu le sens, mais juste dire ce que tu penses c’est p't’être prendre le risque que le dude revienne, non ? »

Jette-moi cette merde à la poubelle sérieux. Son énième chance elle vaut que dalle, j'vois pas ce qu'il pourrait t'apporter à part des emmerdes.  Y’a des tas de profs plus cool dans cette école, tu trouveras bien un moyen d’avoir un tutorat sur mesure.

« Comment ça ? Je vois pas pourquoi il apporterait du positif alors que je n’en apporte pas non plus. »

Je fais les gros yeux.

Oh dear. T’as les capacités argumentaires de tout remettre en question efficacement sauf ce qui concerne ta propre préservation ou bien ?

De base quand quelqu’un est aussi mauvais que Harold l’est, en générale, on cherche pas à savoir ce qu’on lui apporte, on s’barre.

Ensuite.

« Peut-être parce que genre, c’est un prof et que c’est supposé être son MÉTIER d'accompagner des jeunes de façon safe ? T’as pas à lui devoir quoi que ce soit, lui en revanche, il est censé te fournir un cadre pour évoluer dans de bonnes conditions, t’épanouir, t’apprendre des trucs. Sauf ton respect Mordred, ça m’a franchement pas l’air d’être le mood du tutorat du peu que tu me montres. »

Il a l’air de bugger. Ça va p’t’être pas être si facile que ça de lui faire comprendre.

« Il n’est pas présent, il n’y a pas de 'mood'. »

J’affiche une mine sceptique. Fuck. Le message est tombé à côté non ?

« Je sais que je ne lui dois rien, et t’en fais pas, son mail m’énerve. C’est du foutage de gueule. »

Bon. J’vais pas insister sur le reste il doit avoir trop de trucs a process, et l’important c’est qu’il se laisse pas faire.

« Ouai. Clairement, fais-toi entendre. Et si t’as besoin d’aide pour le goumer hésite pas, j’suis là. »

Je réfléchis un instant, une idée se pointant dans un coin de ma tête pour alléger un peu l’ambiance. Quitte à bitcher un max sur H. E. Andréatus, autant le faire bien. C'est-à-dire
en se foutant de sa gueule nous aussi.

« T’sais quoi, j’lui ai piqué des bouteilles en début d’année. Le genre, de méga valeur. Ça te dit d’en prendre une et l’éclater sur son perron ? Ou de la renverser sur ses dossiers ?
- Je veux pas me vanter, mais je suis pas trop nul avec les mots, là-dessus ça devrait aller. J’ai déjà une idée définie de ce que je pourrai lui dire. Tu veux pas plutôt la boire et lui envoyer une lettre anonyme pour décrire si c’était bon ou pas ? »

J’hausse un sourcil amusé à sa première phrase. À la seconde je ris carrément.

« Gros t’es franchement doué pour les lettres, bien sûr qu’il faut que tu te vantes si tu peux démolir quelqu’un en joute verbale, c’quoi ce principe. »

Il rit et ajoute.

« C’était une imitation de modestie. »

Aah, j'me disais aussi. Belle imitation. J'y ai tellement cru que j'ai trouvé ça un peu flippant.
J’en étais où déjà ? Ah oui. La critique. Quel génie du mal.

« Excellente idée la critique anonyme by the way, on savourera le cognac du seum en l’honneur de ton mail. »

Harold Escargoth Andréatus, compte sur moi pour mentir et décrire avec précision Ô combien chaque gorgé de cette bouteille a été une révélation.

Avec un sourire en coin, je claque les mains sur la surface du canapé et me tourne vers Mordred et le pointe du doigt d'un air déterminé.

« Aaand now my friend, let’s destroy these fuckers. »

Il a l’air un peu moins sûr d’un coup.

« Ça a quel goût, le cognac ? Let’s destroy this fucker right here right now? 
- Ça a le goût de punch. » Mon expression se fait rieuse. Quoi, c’est de bonne guerre, il avait bien kiffé le jus d’orange. « Plus sérieusement, j’ai jamais goûté un truc a plus de 100 balles la gorgée, j’espère bien que c’est bon. »

J’hausse ensuite les épaules avec un peu plus de chill pour répondre à la question importante.

« When you are ready, i guess? »

« Ben plus sérieusement, t’as à peine répondu à la question. On verra en goûtant. » Il hoche la tête suite à l’interrogation « I am, i just need a computer and to put aside my grudge. Not an easy task. »

Certes. Mais on va faire en sorte que tu puisses dignement cracher ton sel, c’est tout un processus à ne pas négliger.

« J’nous prépare des verres pour fêter ta victoire. »

Je pars pour prendre les verres puis reviens deux secondes après. Je me suis déconcentré. J’ai oublié de lui répondre.

« Noo, you don’t need to put aside your grudge, but throw out all of this on… » J’effectue un petit mouvement spectaculaire « Tutus. »

Il pouffe de rire et commence à aller chercher son PC.

« Je sais pas si c’est ton geste ou le surnom qui ont anéanti la crédibilité qu’il restait à ce connard, et la tienne par la même occasion »

Hééé, cette attaque perso, t’as pas honte, c’est lui qu’il faut pointer du doigt. Je mime le fait d’être profondément blessé par ses propos.

« Comparer ma street cred a la sienne. Comment oses-tu ? »

Il fait semblant d’avoir pitié avant de lever les yeux au ciel et je souris en allant chercher les verres, la subliiime bouteille et de tout posé sur la table.

« Pour après, hein, sinon j’sais pas ce que tu vas lui écrire, mais si l’efficacité s’ra peut-être la même, le message doute. »

Il regarde la bouteille et ajoute.

« C’est joli pour faire joli ou il y’a une vraie raison au prix ? »

Arf si tout le budget est passé dans le packaging ça serait terriblement décevant. Mais bon après tout cette bouteille c’est aussi, et avant tout, le prix d’une petite victoire contre Andréatus Junior. Merci, Jean-Glue d’avoir fait ton gros forceur pour que je lui pourrisse l’existence, tu avais raison depuis le début.

« Aucune idée. Comme tous les trucs de riche j’imagine que c’est pas justifié, mais sait-on jamais, la vie est pleine de surprises. J’te laisse écrire tranquille ? »

Il hoche la tête


« Oui, ça ne devrait pas être très long de toute façon. »

Je vais me poser dans un coin pour lire en lui faisant un petit signe d’encouragement de loin.

« Jcompte sur toi. Anéantis-le. »