Vous voulez que je parle de mon enfance ? Heh, original. Vous avez tous le même manuel que vous faites circuler ou y'a quelques psys qui, des fois, tentent d'innover ?

Allez, parlons de mon enfance, ça va être marrant. J'suis né en Écosse, dans un coin paumé du West Dunbartonshire. Vous voyez pas où c'est ? Pas choqué. C'pas loin de Glasgow, si vraiment ça vous travaille.

Mon père avait bougé de son Espagne natale depuis quelques années. Il s'était pris de passion pour les whiskies. Me d'mandez pas d'où ça lui est venu, mais c'était son grand truc. Donc, ouais, il bossait dans une distillerie, j'serais bien infoutu de dire laquelle. Et il a trouvé ma mère qui vivait dans le coin. Elle bossait dans un zoo, à Glasgow, pour le coup. Il a fermé y'a quelques années, d'ailleurs.

Enfin, bref, les deux se sont trouvés, m'ont eu et j'ai grandi là bas. C'étaient des mages, évidemment. Elle pouvait manipuler les émotions, il pouvait influer sur la décomposition des être vivants. Ils avaient pas reçu d'entraînement digne de ce nom, à part sur comment cacher leurs pouvoirs. C'est donc ce qu'ils m'ont appris à faire quand ils se sont rendu compte que l'électricité statique était pas vraiment la raison pour laquelle les gens se prenaient des châtaignes quand ils venaient tirer les joues de la gamine. Ouais, la gamine, j'crois que c'est marqué dans l'dossier, j'ai fait une transition quand j'avais 20 ans et j'vous suggère de pas faire de remarques.

Ouais, ma magie s'est réveillée assez jeune, j'devais avoir 3 ou 4 ans. Un beau bordel, ça. Mais j'imagine que mes parents ont pas trop mal géré, vu qu'on s'est pas fait repérer. 'Fin, pas tout de suite. Il a fallu une dizaine d'années de plus pour que ça parte en vrille.

J'ai donc vécu ces 15 premières années sans gros problèmes. Y'avait bien les classiques de ma situation, j'cramais les robes et les poupées qu'on m'filait, mes parents m'engueulaient quand j'utilisais la magie, même à la maison alors que de leur côté, ils se gênaient pas pour faire les cons à leur boulot.

A l'époque, j'en avais un peu ras le cul qu'on m'impose des trucs qui f'saient pas sens, j'savais pas ce qu'était la transidentité et j'avais une idée assez limitée du concept de mage. J'savais juste qu'il fallait pas qu'on me voie faire certains trucs. J'pense que c'est pour ça que j'suis parti sur des manip magiques assez discrètes.

Mais, donc, quand j'avais 15 ans. Un jour, j'suis posé dans ma chambre à rien branler comme tout bon ado. Puis mes parents débarquent, me disent de prendre ma valise et qu'on partait. On était des mages planqués, donc évidemment, on avait prévu de quoi partir à n'importe quel moment. J'ai jamais su ce qui avait merdé pour qu'on se fasse repérer, pas sûr que ça change grand chose, au final.

On s'est vite rendus compte qu'on avait pas beaucoup d'avance, ces salauds nous ont rattrapé en une heure. Ils ont arrêté la bagnole et nous ont foutu à terre. On a essayé de se débattre et comme des cons on a utilisé nos magies respectives. Mes parents ont été considérés comme inutiles pour les camps. Butés sur place, une balle dans la tête chacun. Moi, par contre, j'faisais de l'électricité, c'était pratique. Donc ils m'ont foutu dans leur camion après m'avoir bien tabassé. Le voyage a été un peu flou, j'savais qu'on m'emmenait aux camps et mes parents venaient de clamser sous mes yeux. Pas la meilleure journée. Puis y'a eu une explosion, tout le monde s'est arrêté et des gusses sont sortis des fourrés et ont commencé à se battre avec mes kidnappeurs. Et les ont défoncé. En ont gardé deux en vie et m'ont récupéré dans un sale état.

Mes sauveurs m'ont ramené, m'ont soigné puis ont essayé de me refourguer en tant qu'élève à Leoska. J'leur ai dit d'aller s'faire foutre et que j'resterai me battre avec eux. J'avais la rage et j'voulais pas me planquer. J'voulais plus me planquer, c'est comme ça qu'on s'était fait niquer la première fois.

Quand ils ont compris que j'allais pas les laisser faire, ils ont voulu me décourager en me faisant subir leur entraînement et en me foutant la pression. C'est cette rage qui m'a fait tenir. Ils voyaient une énième gamine qui veut jouer à l'adulte. Quand ils ont commencé à bouffer leurs molaires pendant les combats contre moi, ils ont changé d'avis.

J'ai passé le reste de mon enfance à apprendre à me battre et à bouffer d'la discipline jusqu'à c'que j'en pisse chaque matin. Y'avait des mages rouges qui filaient des coups de main pour fortifier le corps, donner plus de muscles, des trucs comme ça. C'est avec eux que j'ai fait ma transition. C'était pas la voie la plus facile, mais bon, quitte à envoyer chier la vie tranquille de l'académie, autant le faire jusqu'au bout. Puis j'en avais marre qu'on me voit comme une gamine.

Les premières années, j'étais tenu éloigné de leurs "missions". Les plans de récup' des gamins dans les camps. J'ai gueulé, au début, évidemment. Puis j'ai vu les retours de mission foirées. Quand sur les dix gusses qui partaient, y'en avaient que deux qui revenaient, et dans un sale état. Des gens qui me filaient branlée sur branlée en entraînement, disparus en moins d'une journée. J'ai commencé à fermer ma gueule. Ça m'a fait du bien.

Voilà, c'était ça, mon enfance. Une gosse tranquille dans un coin paumé, puis ses parents qui crève, elle qui rejoint un groupe armé, elle qui devient il et qui apprend ce dont il a besoin pour pas être une merde.

J'vous ferai bien le récit de la suite, comment j'ai commencé à aller en mission, les récits des combats héroïques contre l'oppresseur, la description de chaque cicatrice, leur histoire. Comment avec seulement trois potes, des guns custom et beaucoup de connerie, on a réussi à libérer une trentaine de gamins.

Mais franchement, j'ai la flemme aujourd'hui, la plupart de ces gens sont morts et la séance est terminée. J'ai une patrouille qui commence dans une demi-heure et j'aime pas être à la bourre.

...

Ouais, on a fait du progrès aujourd'hui, j'imagine. Vous avez appris à pas commenter toutes les deux phrases et j'ai eu la patience de pas partir en plein milieu.

A la prochaine.