Je suis une fille qui a grandi à la campagne ! Une petite dernière qu'on attendait pas dans une famille d'agriculteurs nombreuse. J'ai grandi entourée de frères et soeurs beaucoup plus âgés que je n'aurais pas vraiment côtoyé à cause de la différence d'âge ...

Avant même qu'ils ne soupçonnent mon pouvoir, je crois pouvoir dire que je n'étais pas très aimée. Plus une gêne qu'autre chose pour mes frères et soeurs, mon père semblait plutôt ignorer mon existence et seule ma mère m'a toujours témoigné un semblant d'affection. Est-ce que c'est parce que je suis la seule à avoir les cheveux noirs dans une famille où ils sont tous blonds comme les blés ... ?  Est-ce que c'est parce que je n'étais pas prévue ... ? Je ne sais pas.

Consciente d'être une gêne pour les autres, j'ai toujours été plutôt solitaire. Je regardais les autres enfants de mon école jouer avec envie mais j'ai hérité de mon passé une certaine timidité. Je rêvais pourtant de moi aussi rire et courir après les ballons. Je voulais participer aux jeux des autres. Mais ca ne m'arrivait pas beaucoup.

Je passais alors mon temps à me promener. Sur les terres de la ferme où on cultivait céréales et où on élevait vaches laitières et poulets. Ou plus loin. Je prenais mon vélo et allait m'égarer dans les bois ou près des ruisseaux. Pas grand monde à la maison ne faisait attention à moi, tant que je rentrais à l'heure pour les repas et ne faisait pas de vagues à l'école.

Il y a quelques années, mon pouvoir a commencé se manifester. Des plantes poussaient parfois dans mon sillage. On pouvait me suivre à la trace au milieu des prairies, de belles touffes de marguerites apparaissaient sitôt que je levais une semelle. Ma mère effrayée à tout fait pour le cacher, même à mon père.

Le secret a tenu quelques années. Mais d'une façon ou d'une autre il a été éventé. J'ai un jour été réveillée en pleine nuit par ma mère affolée.  Elle m'a fait rassembler mes affaires à la hâte. Elle m'a entrainée pour fuir par l'arrière de la ferme pendant que au loin je voyais mon père ouvrir le grand portail à plusieurs fourgons noirs.

"Ils viennent te chercher ! Tu dois t'en aller !" m'a dit maman. Je savais malheureusement de qui ils parlaient. Elle me mena jusqu'à un chemin détourné à l'arrière de la ferme où c'est un autre véhicule qui m'attendait. Une étrangere le conduisait. Ma mère en larmes me dit adieu, me poussant presque dans la voiture alors que celle-ci démarrait déjà. Elle n'a eu que le temps de me mettre dans les mains ma médaille de baptême, me disant de la garder à tout prix. Toujours. (Oui ma famille était comme ça ... ma maman surtout ...).

L'étrangère m'emmena jusqu'à l'académie de Leoska ... elle m'expliqua des choses ... je crois ... je ne sais plus ... je garde de cette nuit là un souvenir flou et traumatique. Le jour où ma vie bascula.  Je n'avais même pas l'impression d'être moi même, comme si tout ce qui se passait arrivait à quelqu'un d'autre et que j'y assistais de manière diffuse et cotonneuse.

Pourtant le lendemain, je me réveillais bel et bien dans un endroit nouveau. Seule et déracinée. C'était il y a quelques mois à peine, et j'ai encore à peine à croire à ce qui m'arrive.