T’as l’air con, avec ce pull de Noël. Il est confortable et il tient chaud, certes, mais janvier est déjà là, Noël est fini. Rien ne devrait donc t’obliger à porter un vêtement en lien avec cette période de l’année. Un vêtement aux motifs plus douteux que certains de tes délires hallucinatoires. Mais voilà, tu dois le porter. Astrid, l’élève à qui tu vas faire du soutien, t’a dit que ça l’aiderait à se concentrer. Si tu l’as d’abord pris au premier degré, comme beaucoup d’autres choses qu’on te dit, tu as quand même vaguement songé au fait que ça pouvait être une blague. Ça te semble bizarre et tu ne vois pas ce qu’il y a de drôle, mais c’est une éventualité. Malgré ton doute, tu as mis ce pull. Résultat, tu es mal habillé pour cette première séance de soutien. Ça fera peut-être plaisir à Astrid de voir que tu portes son cadeau, faut voir le positif.

Tu arrives en avance à la bibliothèque, comme toujours lorsque tu as un rendez-vous. Il n’y a pas trop de monde pour une fin de journée, ça te permet de trouver une place confortable sans trop de gens autour. Tu profites de ton avance pour aller saluer Odette, rendre des livres et faire le tour des rayons pour en emprunter d’autres. Tu finis bientôt avec une pile conséquente sur la table, que tu entames en attendant Astrid. « Même si elle laisse place à des nouveautés, des surprises ou provoque des courts-circuits, la sociabilité en ligne reproduit cependant globalement les grands traits de la vie relationnelle des individus. Les jeunes présentent une identité unifiée qui s’attache à un cercle d’amis dans lequel il mélange un peu tout le monde sauf bien sûr, les parents. Ils adoptent un style expressif commun, le « cool » qui envoient l’image d’un quotidien heureux, festif, drôle et excitant. » Ah, soit, tu ne vis pas dans cette réalité là.

Bien que tu ne vois pas l’heure passer grâce à ta lecture, il te suffit d’un coup d’œil à l’horloge pour noter le retard d’Astrid lorsqu’elle arrive. Ça t’embête mais tu n’en dis rien, te contentant d’un sourire aimable.

« Bonjour, comment tu vas ? »

Tu écartes les livres pour les mettre en bout de table et ainsi dégager l’espace pour ses affaires. Les tiennes sont déjà sorties, posées sur la table sans qu’une feuille ne dépasse, sans qu’un crayon ne soit de travers.

« On peut faire un point sur ton niveau, si tu veux, et on verra ensuite par quoi on commence. A moins que tu aies apporté une matière en particulier ? Ou alors tu as une préférence ?  »

Astrid n’est pas seulement en retard, elle a également un sens du style plus désastreux que le tien. Ce pull ne te va pas très bien. Regard complice, rire. Tu les identifies sans saisir pourquoi elle les a appliqué ici, alors tu te contentes d’un remerciement sobre. Tu sais que tu vas avoir du travail, Balzamina t’a donné assez d’informations. Si elle veut s’améliorer et qu’elle l’affirme d’elle-même, ce travail devrait néanmoins porter ses fruits. Tu apprécies qu’elle se montre investie, jusqu’à ce qu’elle dise avoir oublié ses affaires. C’est une blague ? Elle se moque de toi, c’est pas possible… Comment veut-elle s’améliorer si elle ne fait pas le stricte minimum ? Ton sourire s’altère, devient une grimace agacée l’espace d’un instant.

« D’accord, je vois. Les oublis arrivent, ce n’est pas grave dans la mesure où nous sommes dans une bibliothèque. On peut trouver des manuels, des documents sur ce chapitre. Je me souviens bien de la bibliographie que j’avais établie à ce moment-là, je reviens. »

Tu t’éloignes rapidement pour aller chercher les ouvrages en question. Le soucis, c’est que tu as un très bon niveau et que tu as toujours cherché à aller plus loin. Certains documents ne seront pas accessibles pour Astrid, d’autres, plus simples, sont à ajouter à la liste. Tu remanies donc la biblio sur le tas pour finalement revenir avec une dizaine de livres classés par niveau de difficulté. Vous n’allez pas tout voir aujourd’hui, évidemment, mais ça donne une base pour travailler puisqu’elle a oublié ses affaires.

« Bien ! Ce livre devrait pouvoir t’aider à revoir les principes clés de manière simple, on va donc s’en servir aujourd’hui. On peut également le croiser avec celui-là car la simplicité du premier le rend parfois trop léger en terme de contenu. Est-ce que tu peux me faire un résumer de ce que vous avez déjà vu, ou ce dont tu te souviens ? Tu peux t’aider des livres. »

Tu les lui donnes, puis tu te rassois.

« Ah, avant toute chose. J’ai accepté de faire du soutien car Madame Dulac me l’a demandé. Elle m’a rapidement parlé de ta difficulté à te mettre au travail. On ira à ton rythme, et pour ça il ne faudra pas hésiter à communiquer sur tes besoins, sur la vitesse d’avancement aussi. Par contre, je te demanderai un minimum d’implication et de cohérence dans ce que tu dis. Tu ne peux pas vraiment t’améliorer si tu oublies tes affaires, et je ne parle même pas du retard. Cependant, si tu as un souci, n’hésite pas à m’en parler. On adaptera. »

Si tu devais noter son investissement, tu partirais sur un -40. Plus sérieusement, ça prend deux secondes de mettre une alarme sur son portable pour ne pas oublier les rendez vous. Ou alors elle n’y a pas pensé non plus ? Elle s’excuse à plusieurs reprises, au cas où tu n’as pas compris la première fois. Elle fournit également d’autres informations, que tu notes dans un coin de ta tête et qui adoucit légèrement ton avis sur son investissement.  Légèrement, hein, c’est pas miraculeux. Elle enchaîne ensuite sur le sujet qui la chiffonne, en résument grossièrement les catégories de magies. Tu suis son raisonnement jusqu’au parallèle avec Star Wars.  Comment la force fonctionne, déjà ?

« Bon, c’est pas très grave pour l’oubli. Je peux t’envoyer un message avant le cours si ça t’aide à y penser. De ton côté, essaie de prévenir si tu ne peux pas venir. »

Maintenant, les explications sur la magie.

« Concernant la magie blanche et noire, je ne sais pas si l’exemple de la force est pertinent. Il l’est peut-être, c’est juste que je n’ai pas vu les films depuis longtemps. Il y a le côté obscur, et le bon côté, et les deux ont une exploitation différente de la force ? Ce qui définit  l’obscur ou le bon est la manifestation de l’énergie, la mentalité de la personne qui l’utilise, ou les deux ? »

Si la comparaison l’aide, autant que tu la comprennes correctement.

« On peut différencier la magie blanche et noire entre le bien et le mal, si on veut, et c’est  la nature du pouvoir qui va déterminer sa catégorie. Un pouvoir bénéfique à autrui se classe en magie blanche. Les pouvoirs de spiritisme peuvent aussi entrer dans cette catégorie, et ceux qui ne sont ni de la magie rouge, ni de la magie verte, mais qui ne font aucun mal s’y rangent aussi. La magie noire concernera des pouvoirs qui blessent, qui manipulent ou influencent autrui... Disons que s’il y a une action qui atteint l’intégrité, le libre arbitre, les fonctions d’une personne de manière négative, on parle de magie noire. Tout n’est pas foncièrement mauvais, cela dit, et la différence entre magie blanche et magie noire peut être très fine. »

Tu ouvres le premier livre à une page proposant des schémas explicatifs, pour qu’elle ait un support plus visuel si jamais l’explication orale reste floue.

« Il ne faut cependant pas se dire que les mages blancs et les mages noirs sont à l’image de leur magie. Ils ne sont pas tous gentils ou tous méchants, et il y a beaucoup de nuances dans l’utilisation de la magie. Tu as des questions ? C’était assez clair ou je dois éclaircir d’autres points ? »

Tu prends le papier qu’elle te donne pour le coller à ton agenda, à la date d’aujourd’hui. Ainsi, tu ne l’oublieras pas dans ta poche ou ailleurs et tu te rappelleras d’ajouter le numéro à ton répertoire lorsque tu regarderas tes devoirs pour le reste de la semaine. L’agenda remis à sa place sur le côté de la table, tu observes le schéma pour essayer de comprendre ce qui lui échappe. Ce n’est pas compliqué, pourtant, c’est l’exacte représentation graphique de ce que tu viens de dire. Ou alors, c’est parce qu’il est trop simple. Il exclue toutes les nuances… De quoi embrouiller, au final.

Astrid poursuit son explication et ça te fait sourire. Vous allez pouvoir approfondir le sujet et aborder les aspects plus compliqués.  

« On peut faire mal avec d’autres magies que la magie noire, tout comme on peut ne pas en faire. Elles ne sont pas essentiellement faites pour ça, tu vois ? Quelqu’un qui a un pouvoir de télékinésie, admettons, peut blesser avec les objets qu’il manipule. Il ne blessera pas à chaque fois. C’est une possibilité, pas l’utilisation en elle-même. Sauf si c’est un choix personnel, et là c’est encore différent. On y reviendra plus tard, je tiens d’abord à rebondir sur ton exemple. Tu parles d’une personne qui ne veut pas être soignée, soit. Cependant, l’action de la soigner reste positive. La magie aide la personne, qu’elle le veuille ou non. »

Tu te tais deux secondes pour être sûr qu’elle n’a pas décroché, puis enchaîne aussitôt.

« Il y a donc la magie, son effet, mais aussi l’utilisateur. A Leoska, on utilise la classification par couleur pour déterminer comment la magie impacte le monde et autrui. C’est tout. On classe le pouvoir d’une personne, pas la personne. La magie verte impacte l’environnement, la rouge le corps, la blanche ce qu’il y a de bénéfique et la noire ce qu’il y a de négatif, c’est ce qu’on a dit tout à l’heure. Parfois le classement est difficile car des magies peuvent entrer dans plusieurs couleurs. Ce sont des grandes catégories, et bien sûr que tu peux faire mal avec de la magie rouge ou de la magie verte. Même de la blanche si tu gères mal le processus de guérison, par exemple. Faire mal ou non est la responsabilité de l’utilisateur, ça ne veut pas dire que c’est de la magie noire pour autant. D’ailleurs, c’est réducteur d’associer la magie noire à l’idée d’avoir mal, c’est autrement plus varié que ça. Certaines magies vertes et rouges font beaucoup plus de mal que certaines magies noires quand elles sont utilisées à mauvais escient. La différence, c’est que la magie noire enlève une liberté, ce qui n’est pas forcément le cas avec les autres. Dans le cas d’un soin sans consentement, tu as contraint la personne avant de la soigner. Ce n’est pas ta magie qui l’oblige à être soignée. »

« Genre si la magie noire c’est une tronçonneuse. » Hm-hm, ok, ça semble bancal dès le début mais qu’elle poursuive. « Le mage choisit de couper un arbre pour se réchauffer ou couper des humains pour se venger. » Euhm. Tu la fixes durant toute sa comparaison, essayant tant bien que mal de déterminer si elle va quelque part avec son analogie pourrie. Tu es sceptique. Très sceptique. Tu tentes de ne rien montrer mais tu ne t’attendais pas à ce qu’elle associe la magie noire avec une tronçonneuse. Ça pourrait être cohérent, si elle n’était pas aussi perdue en parlant. Tout comme toi, elle n’a pas l’air de comprendre. C’est son exemple, et elle bug dessus. Elle reconnaît d’elle-même qu’il est « chelou ». Chelou, mal construit, mal amené, oui.

Elle se rattrape vite après ça, résumant clairement ce dont vous parliez. Enfin… C’est bien ça, mais tu vas chipoter sur un détail. Tout de même content qu’elle ait compris tes explications, tu lui souris et valides son propos.

« Tout à fait ! C’est correct pour le classement des types de magie. Par contre, fais attention à tes propos. On ne « s’en fiche » pas, de ce que fait le mage. Ses actions ne sont pas prises en compte pour déterminer le type de magie, voilà tout. Dire qu’on s’en fiche, c’est ignorer d’autres questions, déjà d’une, et c’est peut-être trop… réducteur, de deux. Il faut être précise dans ce que tu dis, et tu amélioreras nettement ton niveau si tu emploies le bon vocabulaire et les bonnes formulations. Ça se travaille, ça passe par une bonne connaissance du sujet. En tout cas, tu as compris l’essentiel et c’est très bien. »

Pas suffisant, mais vous commencez tout juste donc tu ne t’en formalises pas.

« Tant qu’on y est, sache que j’appuierai sur ce genre de détail tout le temps. Les négliger, c’est perdre en qualité dans ta démonstration. D’ailleurs, tu as donné le parfait contre-exemple avec ta comparaison de tronçonneuse en montrant que tu n’étais pas convaincue par ce que tu avançais. Ce n’était pas stupide pour autant, disons que ça se tient, mais le ton n’y était pas. »

Pour dire les choses gentiment.

« Tu as pu prendre des notes ? Est-ce que tu as d’autres questions sur les différents types de magie ? »

D’accord… Elle a mal pris tes précisions. Il n’y avait pourtant là aucune volonté de la vexer, c’était des faits exposés pour l’aider à s’améliorer. Si elle réagit comme ça à chaque critique, vous allez être très embêtés. Tu pars du principe qu’il en faut pour faire mieux, et tu ne cesseras pas juste parce qu’elle est susceptible. D’autant plus qu’avec son niveau, ce ne sera ni la première, ni la dernière. Même quand elle aura surpassé ses difficultés, il y aura toujours quelque chose à redire. Il vaut mieux qu’elle s’y fasse dès maintenant.
Sa protestation quant à la prise de notes t’est difficilement compréhensible. Tu lui as seulement demandé si elle avait pu en prendre… Agacé, tu retiens une réponse désagréable ainsi qu’un soupir qui en aurait trop dit.

« Je sais que tu vas me dire que c’est utile pour quand je relirais. » Alors pourquoi tu m’emmerdes? Respire. L’objectif ici, c’est de l’aider. C’est votre premier cours, vous faites connaissance. Elle a l’air chiante, mais pas si pire.

« Bien sûr. On fait ses séances pour que je t’aide avec les cours, ça comprend aussi la prise des notes, l’organisation, le travail personnel si tu en as besoin. Je ne voulais pas te vexer. Il n’y a pas d’intérêt à utiliser des mots de 15 syllabes, pas tout le temps. Tout ce que je te demande, c’est de formuler de manière précise avec tes mots. Tu aurais pu être plus à l’aise sans prise de notes, je ne sais même pas ce que tu as compris de cette question. »

Ce n’est pas très important et tu préfères passer à la suite sans perdre de temps.

« Pour en prendre, il faut identifier les éléments importants. Est-ce que tu y arrives ? Pour que je sache si on va devoir travailler dessus en plus du reste. Ensuite, la prise de notes en elle-même est particulière à chacun, tu devras trouver ce qui te permet de mieux retenir et qui soit le plus clair pour toi. Personnellement, j’utilise beaucoup de couleurs et j’ai mes abréviations. »

Tu cherches un cours assez parlant dans tes affaires, et tu le lui donnes. Pour une prise de note, la feuille est excessivement propre et organisée. L’écriture est calée au millimètre. Ce n’est pas le cas de tous tes cours, les migraines et hallucinations ne permettant pas toujours ce perfectionnisme. Plus que tout ça, Astrid doit surtout regarder l’organisation des notions, les abréviations, flèches et couleurs.

« Par rapport à notre sujet, il faut déjà séparer les quatre types de magie. Tu peux faire un tableau, des cartes heuristiques, des listes, réserver une feuille par magie… Qu’est-ce qui te parles le plus ? Vois ce qui t’ennuiera le moins quand tu devras relire. Tu n’as qu’à essayer de remettre ce qu’on a dit sur le papier, pour commencer. »

Astrid choisit de faire un tableau et tu observes comment elle s’y prend sans la déranger. La case magie blanche n’est pas un si gros problème, sauf si elle tient vraiment à avoir la couleur exacte de chaque magie. Ce qu’elle inscrit ensuite dans les colonnes est très très très résumé, mais si ça lui suffit tant mieux.

« Oui. Tu comptes mettre quoi comme exemple ? Et pour la magie blanche, pourquoi pas écrire en gris ou en bleu clair. Ça vaudra mieux que de laisser une case sans titre. Le but quand tu prends cette prise de note, c’est de pouvoir t’y retrouver n’importe quand, même des mois plus tard. Dans ce cas là c’est facile de déduire ce que tu voulais écrire, mais ça ne l’est pas toujours. Il suffit que le cours aille vite pour que ça devienne compliqué. »

Puisqu’elle ne sait pas prendre de note, tu n’imagines pas à quel point ça doit l’être pour elle, peu importe la vitesse.

« Comment tu fais, en cours ? Tu écris tout, ou alors rien ? Si des gens sont  doués pour la prise de note, dans ta classe, tu peux leur demander de partager avec toi si ça ne les dérange pas. D’ailleurs, puisque tu as du retard, est-ce que tu as une idée de programme pour rattraper ou tu veux qu’on travaille dessus aussi ? »

C'est presque une bonne chose qu'elle soit en galère, ça vous donne du travail à tous les deux et toi, ça te fait quelque chose à réfléchir en plus du reste. C'est donc une bonne distraction dans laquelle tu n'as aucun mal à t'investir puisqu'en plus, l'aspect soutien scolaire te plaît. Il faut que Astrid le soit aussi, bien sûr, et jusque là ça n'a pas l'air trop mal.

Tu lui réponds d’un hochement de tête pour confirmer ses exemples, puis tu attends ses réponses pour la suite. Son agacement ne t’apparaît pas du tout, contrairement à son air perdu que tu ne manques pas de remarquer. Tu n’as pourtant pas posé beaucoup de questions. Elle ne sait pas par où commencer, peut-être. Tu la laisses donc chercher et écoutes sa réponse sans l’interrompre, même si elle te déplaît énormément. Comment en est-elle venue à la conclusion que relire une feuille distribuée suffirait ? Surtout si elle a beaucoup à rattraper. Puis bien sûr, si elle pense que c’est impossible elle ne risque pas d’y arriver. Quant à sa compréhension du cours, d’ici une heure tu espères fortement pour elle que son cerveau fasse le boulot et s’en souvienne.

Tu n’as pas l’intention de la conforter dans ses idées négatives. Ça ne lui servira à rien, tu dois l’aider à progresser, pas la laisser se morfondre sur des affirmations stupides et sans valeur. Le souci, c’est que tu n’es pas d’une grande délicatesse à ce sujet…

« Pourquoi c’est impossible ? Si tu ne changes pas tes habitudes très insuffisantes, ça le sera peut-être, mais c’est que tu ne t’en donneras pas les moyens. Être présente aujourd’hui est déjà un bon début, et tu as dit toi-même que tu étais motivée pour progresser. Je comprends que  la charge de travail soit décourageante… Ce n’est pas une raison pour se focaliser dessus. Parce que tu vas t’améliorer, mais il y aura toujours des difficultés à la suite. Partir perdante ne t’aidera pas, et je ne te laisserai pas te morfondre aussi bêtement alors qu’on peut avancer. »

J’ai mieux à faire que de m’intéresser à tes jérémiades. Cependant, on t’a demander de l’aider et tu as accepté. Tu te chargeras de cette tâche en composant avec les changements d’humeur de Astrid. Ça ne veut pas dire que tu t’y prends bien actuellement, tu n’as même pas considéré qu’elle aurait du mal à entendre tout ça. Pour toi, c’est un mal pour un bien. Tu essaies d’adoucir ton ton pour la suite :

« C’est un travail sur la durée et on va y aller doucement, petit bout par petit bout. Concentre toi plutôt sur ce que l’on étudie, les résultats apparaîtront bien assez tôt si tout se passe bien. Je ne parle pas forcément des notes, c’est encore autre chose. Donc ça va te prendre du temps et tu vas devoir travailler. Pas te plaindre de ne pas y arriver. Ça, ça ne fera pas avancer les séances de soutien. Tu peux tout de même me faire part de tes doutes, de temps en temps, mais on ne se concentrera pas dessus. Concernant aujourd’hui, est-ce que tu veux qu’on y revienne rapidement par message dans la soirée, pour voir ce que tu as retenu ? »

Astrid étant partante pour réviser par message plus tard dans la soirée, tu te mets une alarme sur ton portable pour ne pas oublier. Tu ne te dis pas que décrypter tes sms lui demanderont autant de travail que les questions de cours.
Elle te demande à nouveau pour les mots employés dans son tableau, et tu confirmes d’un « oui oui c’est très bien ». Elle passe ensuite à autre chose sans revenir sur ses plaintes précédentes, pour ton plus grand bonheur. Ça doit vouloir dire que tu as réussi à la motiver, tu sais donc comment faire pour les prochaines fois. Content qu’elle poursuive ses efforts, tu vas pour lui demander de montrer la feuille en question avant de te rappeler qu’elle a oublié ses affaires. Et elle n’a rien compris, donc elle ne pourra pas te la réciter.

Tu ne montres pas que ça t’agace, affichant plutôt un sourire encourageant. Il ne te faut que deux secondes pour trouver comment avancer sans le cours à disposition. Tu as appris la même chose qu’elle, tu t’en souviens encore très bien, mais tu ne sais pas qui elle a comme prof et par quelle théorie son cours commence.

« Est-ce que tu te souviens de certains mots-clés, ou les grands titres identifiables sur la feuille ? Il y a des éléments dans les livres que j’ai ramené tout à l’heure, si jamais tu veux chercher dedans pour t’aider à t’en rappeler. »

Ça pourrait être pas mal de lui apprendre à chercher l’information par elle-même, pour qu’elle puisse trouver de la documentation complémentaire aux cours et qui convienne mieux à son niveau de compréhension. Tu l’aides un peu en ouvrant l’un des ouvrages à une page abordant les grandes théories, puis tu en feuillettes un autre pour trouver un tableau détaillé des différentes magie. Puisque cette forme lui plaît, ce sera mieux de lui présenter les informations ainsi.

« Est-ce que tu as vu ça ? »

Normalement oui, mais de là à ce qu’elle s’en souvienne et qu’elle ait compris… Enfin, tu devrais surtout faire attention à ne pas la surcharger dès la première séance de soutien.

« Au fait, on n’a pas parlé de la durée des séances. Je suis parti sur une heure, mais on fait en fonction de toi. Si tu penses avoir assez à faire avec ce qu’on a vu pour l’instant, ou au contraire si tu veux qu’on aille plus loin, n’hésite pas à le dire. Le but est que tu  partes d’ici en ayant retenu quelque chose. »

Vous allez donc vous arrêter là pour aujourd’hui, car vous n’irez nulle part en insistant malgré la fatigue de Astrid. A sa proposition, tu cherches aussitôt parmi les ressources disponibles devant vous et celles que tu visualises dans ta tête. Trouver l’ouvrage adéquat ne te prend pas longtemps, et tu attrapes un livre qui a l’air imposant comme ça mais qui n’est vraiment pas compliqué.

« Ok, on continuera la prochaine fois. Ce livre reprend ce qu’on a vu aujourd’hui et aborde des théories sur la magie de manière très simplifiée. Ce n’est pas un problème si tu ne sais pas comment t’y prendre, l’objectif n’est pas de tout lire mais de te concentrer sur les parties qui t’intéressent. Tu te sens de lire le chapitre 3 et le chapitre 6 ? Ils sont courts. Si possible, essaie de faire une fiche de ce que tu as compris, ou non, pour la prochaine fois. »

Tu notes « lire chapitre 3 et 6 + faire fiche récapitulative (tableau, listes…) des points compris et des questions ou points de tensions » sur une feuille que tu coinces dans le livre, les instructions dépassant suffisamment pour être lisibles.

« Tu n’es pas obligée de le faire, mais si jamais tu trouves le temps et la motivation, tu sauras où chercher et tu auras des pistes pour mettre en forme ce que tu lis. On peut se revoir la semaine prochaine, même jour et même heure. A moins que ça ne te convienne pas ? »

Puisque ça lui va, tu commences à ramasser tes affaires et les livres qui encombrent la table.

« Bonne soirée ! »

Tu t’éloignes ensuite pour remettre tout ça en rayon, puis tu quittes la bibliothèque pour regagner ton logement. Il ne t’est pas venu à l’esprit que vous auriez pu discuter d’autre chose que des cours, et tu sais bien que ça ne sert à rien d’y penser après coup. Tu peux te dire que tu feras un effort la prochaine fois, mais le plus important reste le contenu des séances de soutien.

Plus tard dans la soirée, lorsque l’alarme précédemment programmée se met à sonner, tu envoies le message promis à Astrid :

Magie blanche / magie noire ?

la magie noir on contraint et la magie blanche il est d'accord
attend non la blanche c'est tout le reste

Heureusement que tu lui as expliqué qu’il fallait être précis dans ses réponses. Alors certes, tu ne l’es pas dans ta façon d’envoyer des SMS, mais toi tu n’as pas à restituer ton cours.

Reste = quoi

toute les magies qui agissent ni ni sur l'envrironnement, ni le vivant, ni qui contraint les choses
genre bénir l'eau

Quelle magie environnement

facile ! verte !

magie rouge = ?

magie sur le vivant, genre faire pousser des fleurs ou courrir super vite.

Finalement, elle se débrouille très bien pour répondre. Ses inquiétudes n’étaient pas fondées. Tu te demandes néanmoins si elle a sa feuille de cours à côté d’elle et si elle copie simplement.

Ok
feuille ?

ciseaux ?

Hein ? Tu comprends l’association, mais ça ne répond pas du tout à ta question. Peut-être que tu aurais dû mettre plus de mots, non ? Comme on te comprend toujours au bout du compte, tu n’as jamais ressenti le besoin de faire cet effort. Puis elle se doute bien que tu te fiches totalement de son message, quand même ? Qu’est-ce que ça peut te foutre de lire ça ?

?

je l'ai trouver mais pas encore relu, tkt je le fais pour la semaine pro !

Quel rapport ? Tu soupires et essaies d’être un minimum plus clair. Tu veux vite retourner à ta lecture.

quiproquo
pendant réponse, feuille sous les yeux ou pas

ho ! elle est dans mon sac mais je l'ai relu y a 5 minutes
ça compte quand même ?

De quoi elle parle ? Qu’est-ce qui compte ? Pourquoi ça ne compterait pas ? Dans son sac, donc elle ne trie pas ses cours ? Concentre toi sur la question importante, sur ton incompréhension principale. Même si vraiment, tu as du mal à comprendre l’intérêt de pas mal de messages.

quoi compte ?

avoir relu y a 5 minutes, c'est de la triche ?

non. comprendre plus important

trop cool ! a la semaine pro alors !!
merci

Tu réponds froidement ok sans envisager une seule seconde que ces deux lettres ne sont pas appropriées, car elles ne répondent pas à l’enthousiasme ou à la politesse d’Astrid. Tu penses le contraire. « Ok » résume tout ça, c’est un mot qui conclut la discussion et montre que tu es d’accord. Il est amplement suffisant. Tu ne t’inquiètes pas de sa bonne ou mauvaise réception du côté de Astrid. Vous avez échangé par message, c’est une forme de discussion, ça s’est bien passé même si c’était chiant. C’est suffisant. La conversation finie, tu vas poser le portable sur ta bibliothèque puis tu t’installes confortablement pour lire, un cahier et des post it à proximité.