Qui l’eut cru, je m’éveille à une âme de poète.

Non mais sérieux, ça s’fait mousser en décrivant des gros trips contemplatifs, mais chuis sur que dans l’lot des artistes y’en a deux trois qui ont sorti des dingz de poème juste parce qu’iels se f’saient chier comme des rats morts. Hmm. Ce f’sait planter comme des rameaux ? Hmm peut-être plus miser sur la dernière syllabe. roquefort ? Pécore ? Frugivore ??? Putain pourquoi j’cherche encore des rimes ?! J’ai atteint le point de non-retour, ça craint.

Ah, et, tout ce cirque c’est parce que j’ai un vieux trou dans mon emploi du temps qui me permet pas d’avoir le temps d’entreprendre une vraie activité avant mon rendez-vous, et que j’ai que des cours sur moi. Et grosse flemme de réviser, les sujets me passionnent pas, ça attendra la dernière minute devant la porte de l’amphi pour être appris.

Donc chuis là, un tas encombrant au milieu des pelouses, j’réfléchis (c’est déjà bien), j’me dessine des p’tites structures moléculaires d’hormones sur le bras au Bic comme ça j’me dis que c’est « presque révisé » puis c’est un peu stylé, ça me donne l’air moins con.

Jusqu’à ce qu’on m’aborde. Un p’tit gars à l’air cute qui aurait pu venir pour parler de trucs 100 fois plus sympas que « l’état de l’Europe à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale. ». Non mais sérieux, j’ai une gueule à faire du tutorat d’histoire ? Trouve-toi une autre mule mon gars j’suis trop occupé à-

Oh.

En même temps. En même temps ça serait super bête de rater une si belle occasion de tuer le temps ? Faut juste trouver de quoi dévier le sujet pour pas avoir à faire sa rédac'. Mon cerveau part très très vite dans la mauvaise direction : histoire, passé, vieux ; fantôme ?

Attends, mais c’est pas con du tout, en vrai ça se tente. Je suis quasiment sûr de jamais avoir vu sa gueule, je m’en serais souvenue, donc l’inverse est potentiellement valable aussi. Soit il rentre pas dedans ; dans ce cas ça a l’air d’être une façon hyper odieuse de couper court à la demande, et au pire ça fera juste une personne de plus qui me verra comme um connard.

Soit il est suffisamment crédule pour que ça passe et dans ce cas, c’est grandiose.

Aller, ça part en prod, j’me suis convaincu.

Le temps que je réfléchisse peut passer pour un instant de choc, les mirettes légèrement écarquillées. Suite du plan ; je me redresse et bouge ma main devant sa face dans l'espoir qu’il la suive des yeux. Mouvement de recul soudain. Expression riche en émotions : peur, fascination, incrédulité, mais surtout surprise.

« Tu…. Tu peux me voir ?! »

En vrai j’me fais chier à jouer les poètes, mais faut juste que j’fasse acteur.

Damn dude, si seulement c’était mon invisibilité et pas mon humour qui était défaillants, on en raterait des trucs toi et moi.

Il commence à regarder de côté pour… pourquoi ? Yo, tu veux pas voir ma face ou bien ? C’pour pas me gêner ? Faire comme si j’étais vraiment invisible ? Annhw, he’s like, a sweet one, isn’t he ? C’est toujours les plus sympas — et Mordred — qui se bouffe les conneries, rip MC, petite graine de boloss partie trop tôt (du répertoire des gens encore crédules, du moins).

Ceci étant dit, le mec est imperturbable, ou hyper motivé pour taffer ; il en démord pas ! Il est prêt à l’faire dos à dos son devoir de mes deux. J’ai-pas-envie-de-faire-ta-putain-de-methodo faut t'le faire comprendre comment ? Hmm, c’vrai que j’aurais juste pu lui dire d’aller c’trouver um tuteur, mais ça aurait manqué de flair. J’ai commencé, donc j’vais devoir mettre le paquet pour assurer la suite.

Le choc passé, j’essaie d’avoir l’air bouleversé et de channel en moi tout le négatif de ma life pour faire venir la bonne grosse chialades des familles. Ça marche pas. Bon bah faudra qu’j’pense à foutre un peu plus de problèmes dans mes affaires perso parce que visiblement c’pas suffisant pour jouer les pleureuses sur commande ? Du coup j’arrête de cligner des yeux. Aller Saph putain, pour UNE FOIS que ça t’arrangerait de fondre en larme. Tente la tehon ? Non mais même pas ! J’les assume trop mes moments de non-gloire, franchement c’est aux autres qu’ça fait honte, pas à moi.

… Pas l’choix j’espère qu’y’a pas de télépathe dans le coin sinon mort à la street cred'. J’me ressasse toutes les scènes ou des gâteaux d’anniversaire tombent dans les films. Jvous jure, ils sont si soigneusement préparés, pour un unique jour par ans, j’sais pas pourquoi ça m’casse en deux.

« Non, non c’pas de l'invisibilité c’est… »

YES ÇA VIENT, AVEC LA VOIX QUI TREMBLE ÇA AIDE. Je tente un léger sanglot, porte une main émue à la bouche, reprends ma respiration et souffle en agitant la même main comme pour évacuer.


« Pardon, c’est l’émotion… Je… ça fait tellement longtemps que j’erre et que j’ai croisé personne… je… »

Ça va être teeeeellement gênant pour lui.

« Je suis, une sorte de fantôme, je suppose ? Un esprit, une connerie du genre… Enfin j’imagine que tu sais mieux que moi puisque tu peux nous voir… »

Aller mon grand, embrase your new pawa, attirer les abrutis.

Gros, un fantome, un truc précisément caractérisé par la perte d’un corps, fait un effort ! Difficile d’avoir plus détaché du concept de fatigue physique, voir, de matérialité. Maintenant c’est clair, le défi du jour c’est pas de se faire passer pour un spectre c’est surtout de pas cramer ma couverture d’âme en peine en ricanant comme une hyéne. Le try not to laugh challenge s’accentue et j’inspire très-très-très fort du nez lorsqu’il me montre sa place caractérisée par un envol de feuille sauvage bien décidé à se volatiliser au même rythme que sa crédibilité. Bye, bye. T’façon c’est pas moi qui vais t’aider à les attraper, j’ai une excuse, j’suis dead.

Un massacre de documents plus tard, il reprend. Tiiiens, jure, le sang a dû lui cogner au cerveau puisqu’il a l’air de percuter que, socialement, c’était peut-être pas dingue de proposer à un esprit de s’asseoir, réflexe de vivant, pour le réconforter. Ça va, ça te fait que deux trains de retards t’as plu l’air à ça prêt mon grand. Bah. J’suis p’t’être de mauvaise foi, en soit, difficile de savoir quand on voit pas les spectres, mais y m’fait marrer il est même plus l’Ouest à ce stade, il a virer plein Sud parce qu’il a confondu où j’sais pas. Au moins son ignorance du sujet et les questions qui vont avec me permettent de construire le type de fantôme qui m’arrange, s’il en avait vraiment eu le pouvoir j’aurais eu l’air sacrément con. Bref. Focus, faudrait pas en manquer un morceau.

Un truc avarié dans le monde des esprits ? Wouhouu, fallait là sortir celle-là, c’est bien au moins il est plein de ressource, ou il a trop regardé le voyage de Chihiro et puiser de l’inspi’, qui sait.

Content de me voir ? Non, mais c’est une caméra cachée. C’est ça. C’moi qu’on prank en fait ?
Et pour finir en beauté un p’tits « Fille ou garçon ? » pour la route. Oh chaton, pour ça t’étais à un poil de cul de l’avoir, vraiment, both is good, i’m glad you ask.

« Non-binaires, mais t’y étais presque, mes pronoms changent régulièrement. Aujourd’hui il/elle alterné ou iel me vont très bien. Je m’appelle… Harold. » Chuis mauvais pour trouver des prénoms, j’ai improvisé en pensant à des trucs méga vieux pour un spectre, je regrette. Au moins on a évité les Evans ou les Claudion, trop simple à retracer s’il en parle. « Et toi ? T’es um humain fille ou garçon ? »

C’est de bonne guerre comme charriage, non ? J’essaie d’accorder la tentative d’humour d’un sourire un peu triste, essuie d’un revers de main les larmes sur mes joues, et soupire.

« Non je n’ai rien mangé d’avarier, en référence au fait que, hum, je ne mange pas… » Regard dans le vide « Ça me manque tellement comme sensation… » nouveau sanglot étouffé « … Pardon… »

Il a l’air de faire vraiment n’importe quoi quand il est mal à l’aise, j’ai pas résisté, my bad.
Je secoue la main comme pour me reprendre, et marque une pause pour le retour au calme.


« Fiou… Je suis désolé… » Hahaha, non j'le suis pas du tout « Heu… Pour te répondre… y’a pas de mal, je peux effectivement toucher des objets… Il ne faut juste pas que j’en abuse où je finis par repasser au travers. Mais je ne veux pas te mettre mal à l’aise à rester debout à côté de toi, je peux “m’asseoir” pour discuter face à face. »

Je prends la décision à sa place pour ne pas poireauter debout s’il compte la jouer poli, et me met sur le banc en face du sien. Sage décision. Au moins j’me fous pas trop dans la hess si j'interagis avec mon environnement par réflexe, et j’ai des excuses pour limiter la casse s’il lui prend l’envie de me demander de le faire flotter dans les airs. Puis j’tiens ça d’expérience ! Pratique de s’être fait la guerre avec un gros boloss de fantôme pendant des mois. Je le voyais pas, mais, en atteste le nombre d’objets qu’il m’a jetés dessus ; il pouvait bien bien bien les attrapés ce narvalo. Mais sans rancune, Jean glue. Sans rancune.

« Tu sais, pour moi-même avoir côtoyé des mages de mon vivant, ce n’est pas si rare de développer de nouvelles aptitudes, c’est surprenant, mais ça arrive. Je pense qu’il faut que tu prennes cette possibilité en compte… On a été humain un jour, on n’est pas si différent comme tu peux le voir, il y a peut-être même des chances que dans la foule de cette école tu en ais vu d’autres sans réaliser que ça en été. »

De là à dire que j’essaie de foutre la merde dans ton quotidien, faudrait pas exagérer. Mais imagine tu vois régulièrement des gens qui sont morts. P’t’être pas. Mais imagine quand même.

C’est… trop.  Il le fait exprès, c’est un clown. C’est techniquement pas possible ce niveau de bolosserie, je savais même pas qu’on pouvait se casser la gueule de cette façon. Ça m’prend tellement de courts que j’arrive plus à tenir la façade et… J’éclate de rire.

Puis je réalise que je suis censé être Harold. — Le personnage triste et mélancolique, pas le prof. —

Conséquence ; petite panique qui aboutit au mauvais réflexe de changer son rire en cours de route pour coller au rôle.

Résultat ; ce qui devait être le premier rire un peu attendri de Harold, légèrement éraillé après cinquante années d’errance dans la solitude, ressemble à une sorte de suite d’aspiration de travers absolument pas naturelle.

On dirait une lamentable imitation de crise d’asthme. Haha. Maintenant je vais devoir reproduire cette horreur à chaque fois pour rester cohérent.e dans le perso. Et si quelqu'un m'avais entendu ?! ...J’ai envie de crever sous la table de pique-nique. N'y pensons plus.

Il reprend en disant que… C’est cool. Okey ? Surprenant. Le mec vient d’apprendre de nouvelles capacités de nécromancien et cille zéro seconde, se pose aucune question. L’excès de confiance dénote franchement du reste de sa performance donc ouais, « C’est cool » j’imagine. Plus que sa suggestion sur la bouffe en tout cas. Je tente, juste pour visualiser, mais… même vivant.e c’est un cauchemar. Ça me fout une dalle mon gars ?! C’est la même sensation que voir une pub d’un truc qui nous fait envie sans pouvoir le bouffer.

« Je crois que je trouve ça… Tout sauf sympa. C’est encore plus frustrant, d’essayer de se rappeler de tous ces détails en étant pourtant sûr de ne plus jamais pouvoir y goûter. Tu fais vraiment ça quand tu as envie de quelque chose ? » J’ai besoin de savoir. Pour l’expérience sociale. « Enfin bref. Tu n’es pas obligé de m’aider sur le sujet, tu sais. »

Je t’ouvre une porte pour arrêter de creuser, tu me remercieras plus tard. Si je pouvais en profiter pour me sortir un peu de terre d’ailleurs…

« Désolé pour… Hum, hum. Le rire tout à l’heure, je ne voulais pas me moquer de ta chute, mais comme tu m’as surpris, ça m’a échappé et ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé. C'est pour ça que... le son.. bref. »

Putain c'est pire en se justifiant, j'aurais du faire en sorte que ça s'oublie. Merde. J’espère sincèrement qu’il fera plus jamais rien de drôle pour réitérer l’expérience. Par sécurité je vais revenir sur un sujet simple à gérer.

« En tout cas c’est vraiment une bonne chose que tu prennes aussi calmement l’acquisition de tes nouvelles capacités ! J’aimerais beaucoup avoir un aplomb et une assurance aussi naturelle que la tienne. »

Remerciement spéciale au sang de la veine, Mordred bien sûr, de m’avoir appris à quel point un sourire affable et sincère pouvait dissimuler les plus gros foutages de gueule.

« Reste quand même vigilant, tous les fantômes ne sont pas forcément aussi ch— » Noooooop, pas chill, pas la bonne époque « …ChTranquille. »

Yes. Sur un malentendu on y verra que du chfeu.

Tiens, question pertinente, qui appeler quand un fantôme est malade ? … Bordel j’ai envie de lui apprendre un tas de connerie, de tester les limites de sa suspension d’incrédulité sur son propre quotidien : on est des mages, ça serait dommage de pas exploiter la marge de wtf que ça offre. Mais en même temps si j’invente une énorme connerie genre, une équipe de fantômes spécialistes à appeler en cas d’urgence à l’aide de glyphe tracé sur son tel je m’expose au fait d’être découvert bien trop tôt par la brigade du foutage de gueule. Patience, patience.

L’habitude de ? Qu’est-ce qu’il bave ? Je- Il me perd à être perdu. Il pourrait dérégler des boussoles leurs indiquant le Sud, c’est surnaturel. J’vais passer, il va m’embrouiller le cerveau sinon.
Attends mais… Pourquoi le nord ? Je check rapidement mes fringues, au cas où du merch grenoblois l’ai induit en erreur. Des noms de villes ça peut vite se confondre en soi, mais là je voie vraiment pas d’où ça sort.

Aaaah. C’est à cause du mot ou j’ai accroché. Non mais c’est fou cette capacité à tendre le bâton pour se faire battre, chuis sidéré. Frérot. S’il te plaît. Je le dis pour toi. Manœuvre pas sur le terrain l’élocution de ton interlocuteur si t’es déjà grave mal à l’aise dans une conversation. Franchement… Franchement à l’origine, je vais pas mentir, j’avais l’intention de remuer le couteau dans les orties. Le prendre en défaut en plein délit de cliché pour voir s’il a encore d’autres teintes de rouge sous l’capot, par exemple. Mais là j’sens qu’il va juste finir par prendre feu si je m’amuse à ça donc on va ralentir et ne pas relever.

J’essaie de sourire d’un air rassurant.

« Non, non c’est rien de tout ça.  J'ai hésité entre deux mots et en ne sachant pas lequel serait le plus exact j’ai un peu paniqué. »

Wow, si seulement je pouvais montrer autant de chill et de compréhension quand on en a vraiment besoin. J’imagine que c’est plus simple quand on mytho.

« C’est que tu viens de là-bas ? Je ne suis pas sûr de savoir de quel dialecte le mot « Mechmlich » est issus. »

Quoi ? Il n’a pas loupé un pauvre « Chh » de trop, j’allais pas le faire iech avec ça à la base, mais là c’est de bonne guerre, ça fait genre que j'alimente la conversation, que je m'intéresse maladroitement à lui. Tranquille.

« Enfin, si tu as envie d’en discuter bien sûr, sinon on peut se concentrer sur les questions que tu avais. »

Pitié, saisie que c’était de la politesse, je veux pas me retrouver à faire de la méthodo parce que j’ai joué au plus con.

Il commence par se justifier, mime la manœuvre, reste logique, tout est ok, pour l’instant le compte y est. C’est après que ça dégringole. Il a monté les escaliers de l’aisance sociale seulement pour se jeter de plus haut. Son « Rien à voir avec le nord » n’aurait pas ouvert de porte à la confusion s’il s’était arrêté là, c’était évident qu’il faisait référence à l’origine du mot.

Puis allons-y gaiement. Fasciné, je l'observe à nouveau creuser plus vite qu’une foreuse, tendre des fils de conversation juste pour se prendre les pieds dedans. Je pourrais écouter ça des heures, d’la bolosserie de haut-vol. Mais ça va. Il apprend. Il change de sujet. La tête appuyée sur le poing je le regarde en souriant.

« Je comprends. C’est difficile de se concentrer quand on a des feuilles froissées. »

J’aime tellement mal interpréter ce qu’il me dit. Quant à sa question…

D’où je viens finalement ? Bonne question. Matricé à la conversation, j’ai eu envie de répondre « Du Nord » ce qui aurait fait de moi le bouffon parmi les bouffons. Pas l’Ouest non plus, il n’a peut-être pas beaucoup bougé de la Vendée, mais la côté risque de lui être plus familière.

Réfléchis. Si je réponds juste Grenoble, je vais trop être dans ma zone de confort et jvais sortir du perso. Mais d’autres villes… C’est risqué, j’les connais pas beaucoup. J’pourrais dire que j’ai toujours été à Leoska. Mais chuis trop con pour prendre cette décision qui aurais de loin était la plus sûre : j’ai envie de pousser le trait au max.

« Cularo. Gratianopolis. Grenoble maintenant. »

Ouais, c’est le point de non-retour, j’sais. Heureusement qu’mes parents m’ont tej dans les musées, c’est le seul bled dont j’connais un peu le passé. Ça l’fait. Faudra juste que je prépare des solutions de replie logique pour justifier mon passing très moderne.

Je fronce les sourcils, regarde sur le côté, comme si j’essayer de me rappeler.

« Je venais de là-bas à l’origine… Je crois ? Ça date d’y a tellement de siècles, mes souvenirs deviennent un peu flous à force de les cumulés tu sais. Ça ne fait pas si longtemps que j’hante Leoska. Je me suis dit que s’il y avait un endroit où quelqu’un serait capable de me voir… De m’aider à traverser de l’autre côté, ce serait ici, tu comprends ? Il y a rarement autant de mages concentrer au même endroit. »

Hmm attend. Si je suis giga paumax, que j’avais que Grenoble, sa vie, son histoire en tête et que j’connaissais pas trop les autres patelins. Comment j’ai trouvé Leoska ?
C'partie on ajoute un peu de nostalgie au tableau au cas où il ai pas l'ambiance.


« J’ai trouvé l’école en gardant un œil sur ma descendance, de loin. Les générations se sont succédé, des mages sont apparus dans la famille, et… Je sais pas, c’est bête, surtout que je ne peux pas interagir avec, mais j’ai choisie de suivre les seules traces de ma mémoire, tu vois ? Je me raccroche à ce que je peux. »

Dang j’me suis fait emporter par le récit. Faut surtouuuut pas que j’en parle plus, après ça va être trop chelou si je balance tout mon background, j’vais perdre l’aspect mystérieux. Et je vais avoir l’air trop précis. Faut être subtil. Donc stop. J’me la ferme. J’lui fais la passe.

« Toi, tu aimerais retourner en Vendée après Leoska ? »

Sourire sincère. Sa famille vient de Vendée, et lui manque tellement. Ses yeux s’humidifient. Ah.

It was at this moment he knew.
He fucked up.

C’est quoi cette lourdeur que je ressens au niveau du plexus ? C’est de la culpabilité ou du malaise ? J’peux devenir un vrai fantôme avec les avantages, genre, disparaître ? Parce que là j’ai beau être en vie, j’sais pas quoi en foutre. J’hésite à lui tendre une de ses feuilles froissées pour essuyer ses larmes, mais il a un mouchoir. Cool. Cool, cool, cool. C’est probablement mieux que des cours d’histoire pour se moucher.

Heureusement il se reprend. Change de sujet MER-CI. Non en fait. Pas merci. Je retire. Qu’est-ce qu’il dit. Mais. Mais pourquoi du gratin de pâtes, HOW.

C’est gratianopolis c’est ça ? Uuuh. Dude. You really hard to talk, you know ? Gosh. Comment il fait pour insister SYSTÉMATIQUEMENT sur la bouffe alors que j’ai construit un alias qui ne veut pas en entendre parler. Eh. Après j’ai demandé à un élève de Leoska d’où il vient alors qu’on est dans une école de réfugié, c’était pas plus malin.

Mais ça me dit pas ce qu’il faut faire de son sujet merdique. Est-ce que je le contredis et je réponds premier degré ? Ou je continue à me foutre de sa gueule en racontant n’importe quoi sur le gratin de pâtes ? Genre je lui fais croire qu’il y a des gros bails historiques là-dessus ? Ça serait drôle, mais…

UUUUH Je peux pas. C’est au-dessus de mes forces. Le gratin de pâtes c’est low tiers, je peux pas faire ça à la ville du TACOS (fuck les Lyonnais, ils l’ont peut être fait naitre, mais c’est pas eux qui l’ont élevé, c’est à Grenoble qu’il c’est vraiment développé. Franchement je m’y connais assez en mauvais parents pour affirmer qu’ils n’ont aucun mérite dans l’histoire) (sans vouloir faire de transfert inapproprié sur les tacos, bien sûr).

Je peux pas non plus défendre les tacos, c’est quasi-sûr que ça exister pas à l’époque de Gratianopolis. Dommage, j’suis sûr qu’il aurait kiffé « Tacospolis ».

Mais en même temps… En 381 je suis pas sûr que le gratin de pâtes c’était d’actu, ça l’a pas empêché de s’emballer sur le sujet. Hmm. Je vais rester 1er degré. Ça me va pas au teint, mais s’il dégaine son tel et fait des recherches ça serait la fin du jeu. Je me racle la gorge et prends un air compréhensif, mais sérieux.

« Je suis sincèrement navré de devoir t’apprendre que le gratin de pâtes n’existait pas à l’époque. Par ailleurs, on nomme vraiment rarement les villes avec le nom de leurs plats… Je dis pas que ça n’arrive pas bien sûr, mais ton raccourci était… Légèrement rapide. Bien qu’amusant. Le nom vient de l’empereur romain… » Oook Stéphane Bern lève le pied frérot, t’es pas ici pour faire cours « Gratins qui régnaient durant cette période. »

Voilààà, au moins il apprendra un peu d’la daube. Ouais l’erreur est volontaire, mais ça s’trouve il fonctionne juste à l’envers et il va l’comprendre correctement du coup. Who knows.
Je fixe la table d’un air las.

« Dit, si tu veux, on fait un marché ? Je ne te parle pas de la Vendée et tu ne me parles plus de nourriture ? Tu sais, vis-à-vis du gratin. Le plat, pas l’empereur. »

T’es trop difficile à suivre sur son perchoir, tu pars déjà tellement loin que j’peux même pas me foutre de ta gueule en te racontant n’imp. T’as pensé à mes plans ??? Donc si tu pouvais éliminer au moins ce registre pour que j'ai pas à simuler de mort intérieur chaque fois que j'entends parler de pâtes... Merci.

Bambi va essayer de faire gaffe, mais il a l’air d’avoir la grosse pression et c’est pas moi qui vais l’aider. L’avantage s’il oublie facilement, c’est qu’il sera pas forcément hyper rigoureux si je foire sur des éléments de lore que j’ai mis en place autour de… Harold. Putain, mais quelle idée de merde ce nom.

Lorsqu’il reprend sur la dissertation, mon cerveau planifie son évasion. Prétexter l’appel d’un invocateur ? Balancer toutes les feuilles en l’air pour brouiller sa vision et partir en courant ? Changer d’identité, tout recommencer et-

Ah non ouf sont TDA a pris le mien de vitesse. On est bien d’accord que l’idée d’une dissertation d’histoire était insurmontable. J’aurais dit n’imp évidemment, mais inventer une méthodologie foireuse ? Grosse grosse flemme.

Raconter ma life à côté c’est izy, ça va être sympa ! Faut juste que je réfléchisse à cette question de descendant. Rien que le fait de concevoir que j’puisse en avoir brrr, l’horreur. Pour eux comme pour moi MDR, non, mais vous imaginez les problèmes ?! Ma lignée prendra fin avec ouam, c’est ciao les Lacey, on va se contenter de ceux pour attacher les chaussures.

Wow j’divague, c’est pour Harold qu’il faut des histoires de mif, la mienne est déjà écrite.  Ça doit être des élèves de l’école. Des personnes qui jouent le jeu si jamais ça va trop loin et qu’on doit confronter ma, hmm, descendance.  Parce que oui, c’est certain ça va aller trop loin, j’ai le pif pour ça. Le point de non retour est déjà piétiné, achevé et enterré proprement. Le but du jeu c’est plus de freiner le rocher, mais de construire la suite de la piste suffisamment vite pour qu’il se casse pas la gueule, peu importe à quel point c’est bancal. Heureusement que le dude est pas regardant sur les fondations.

J’ai une idée, et si – STOP ARRÊTE DE REVENIR SUR TA RÉDACTION. J’étais en train de brainsto ! Bon, on va lui dégommer cette envie fissa sinon on va pas s'en sortir, frérot.

« Je te jure que ma vie est probablement moins compliquée qu’une dissertation. Je ne suis pas certain.e que les méthodes de mon époque conviendraient ? Avec mon enseignant le format était d’une quinzaine de pages par sujet évoqué, et on devait le recopier trois fois pour être sûr d’avoir pesé chacun des mots de son analyse. Le tout découpé un peu de votre façon : Thèse exprimée sous trois déclinaisons de thématiques, Hypothèse, antithèse, parenthèse, contre thèse, synthèse. »

Le « Contre-uno » de bienséance a été évité de si peu, c'était fini sinon. On a encore eu de la chance ? Putain chuis matrixé, un truc de barge, c'est un miracle que j'ai rien sortie de trop trop actuel depuis tout à l'heure.

« Donc je pense que par « Analyser le sujet dans son ensemble » ils signifient d’en décortiquer la totalité de ses composantes et de les questionner d’abord individuellement puis d’en problématiser le schéma général, qu’est-ce que tu en penses ? »

Du bullshit. Que du bullshit. Je me demande s’il va gober tout ça, c'est un peu gros, non ? Bah, j'ai l'excuse de l'époque. Le but c’est d’en faire trop pour qu'il n'ait ni la foi m’écouter, ni l’envie d’approfondir davantage cette envie de disserter ensemble. S’il était attentif par contre chuis mort parce que j’ai tellement sorti de daube que j’ai pas fait l’effort de mémoriser ce que je lui ai raconté.

« Quant à ma descendance, tu ne la connais probablement pas si tu es nouveau. Elle s’appelle Aprilynne, elle a des cheveux rose et bleu. »

Le meilleur plan pour ce coup-là ; elle avait pas l’air trop réticente aux idées à la con et douée pour la comédie. Ça m’amuserait de ouf de jouer c’t’affaire là avec elle. Elias ou Oris sont trop aléatoires, et Ingi, haha no. Mordred c’est pas poss' non plus. Si on a à tenir la moindre couverture à proximité, l’alarme anti-Claudion va se lancer et lâcher une horde de surveillants blasés dans les couloirs pour prévenir qu’on est juste deux gros abrutis premium plus, débilité canal et VOD .

Quoi, vous m’dites que ça m’a pas arrêté pour les coups précédents ?

Haha. Certes. Bizarre alors, hein. P’t’être que j’veux juste jamais qu’il sache que j’me suis appelé Harold pour pas être fiché à vie dans la tehon absolue. Qui sait. Juste une supposition.

Ouais. Schéma de décortication de ma paire de neurones en slip, on est bien d’accord que ton truc est plus chiant qu’une horde de prof qui réciterais l’alphabet grec à l’envers pendant 2 h. Cool.

T-T-T-T… No way. T’en discuteras pas avec tes profs mon grand, parce qu’a ta tête de paniqué  si t’en reparle tu va saigner du nez par les oreilles et ça va pas bien c’passer. Mais t’es mignon hein.

April est sa coloc ? Oh shit, ça risque de vraiment accélérer les choses cette affaire. Il faudra que je lui envoie un SMS. Très très vite. C’était pas prévu, on devra improvisé sur le t- Oh mais il m’insulte là ? Mais gros balourd toi-même wesh, c’était totalement gratuit ? Tu sais pas qui chuis !?

Enfin oui, chuis un gros balourd et je me donne du mal pour entretenir cette image.

Oui ça me saoulerait qu’on me considère comme une princesse.

Mais non, là t’es pas censé le deviner vu mon alias de softie.

Et non chuis pas QUE un balourd, c'est super réducteur. Mon humour, mes mythos et ma magie par exemple sont subtils de ouf. Chuis un peu comme une sorte de fée des phéromones et des pranks, un truc comme ça. Ou une fée moyen-ageuse t’as raison c’est plus général, ça devait être l’époque. Attends… Attends, mais il m’embrouille.

Gros balourds. Gitan du Moyen Âge. C’est pas logique. Quelle est la signification derrière toute cette énigme.... Uhr. Colossale erreur d’être encore partis premier dégrée alors que je voit bien qu'il pourrait confondre son propre prénom avec les Pez du supermarché. Gro-ba-lour. Hmm… Il parle quand même pas des troubadours, si ? Ça peut être une bonne couverture s’il y croit déjà.

Il finit sur quelques questions puis par encenser la gentillesse d’April. Ouiiii. Et mon cul sur la commode c'est du pâté de campagne, hein. Je devrais pas être étonné, s’il gobe que je suis un fantôme triste sans sourciller des genoux, April a très bien pu se faire passer pour une sorte de parangon de la bonté.

« Oh, je ne l’ai jamais vu. Et elle non plus, je n’ai aucun moyen de rentrer en contact avec les vivants. À part toi visiblement ? … Mais je n’oserais pas te demander de faire médiateur, ce serait terriblement malvenu de ma part. »

J’espère que tu vas bien bien bien te sentir obligé de te proposer, maintenant.

« Je suis tellement fière d’elle. Elle est effectivement très gentille, intelligente, pleine de qualité. Je suis contente de la savoir si bien entourée, vous devez vraiment très bien vous entendre, j’imagine ? »

Vous êtes tellement semblable. Tellement amicalement compatible. Elle n’a jamais dû te prendre haut à être aussi naïf, ça lui ressemblerait pas.

J'arbore un léger rire naturel pour aborder la suite.

« C’est vrai qu’elle s’habille un peu comme une princesse. Mes habits n’avait rien avoir avec mon métier de troubadour comme l’as deviné ton œil avisé ; à l’époque les vêtements étaient dans un registre bien différent. Mais tu imagines passer l’éternité dans la même tenue ? Quel ennui. Ce n’est pas parce qu’on est mort que l’on ne peut pas apprendre des choses des époques dans lesquels on… ne vit pas. Mais que, enfin, on hante. »

Faut bien que je justifie mon vieux jogging T-shirt. On n’était pas loin du claquette chaussette hein, z’avez du goût au moyen-age.

« Quand des vêtements quittent votre plan d’existence, on peut en recycler l’essence dans l’au-delà. Ça t’est déjà arrivé de te dire par exemple que tes vieilles chaussures étaient complètement mortes ? Eh bien voilà, y'a pas que du faux. Il faut juste que quelqu’un les fasse bruler et on peut les récupérer dans la fumée. Le jeune qui a brulé la tenue que je revêts avait d'excellents goûts. Mais devait être un peu énervé pour mettre le feu à ses habits. »

Ce qui est pas complètement faux, j’ai des potes en contact avec les fantômes qui font ça. Ouais, même la production de fringue pour les morts pollue, on est vraiment pas sortie. M'enfin le but c'est pas de le sensibiliser sur l'impact polluant de l'industrie de la mode, hein. J'veux juste pas le laisser sous-entendre que je porte des fringues qui pourrais me faire passer pour un clown de plusieurs siècles.

J’abandonne. Des fois faut juste lâcher la bride et laisser le canasson faire du Wheeling s’il en a envie. J’ai jamais kiffé l’équitation, j’ai pas les compétences pour m’assurer qu’un ch’val suive la route correctement : ben là c’est pareil. Pas la peine de forcer, c’est comme ça. Il captera jamais un traître mot de ce que je lui raconte, toutes les infos finiront de l’autre côté de son crâne, dans la stratosphère.

Donc oui oui l’essence recyclée, pas de soucis, c’est vraiment le truc le plus cool avec les énergies fossiles, à quel point elles sont réutilisables. Et puis heureusement qu’il a bien assimilé qu’y’a que ce type d’essence pour cramer des habits ! Sinon la cata quoi.

Concernant April au moins il est resté très attentif à sa façon. Et il l'encense, genre, vraiment. Non pas que j’sois pas d’accord avec lui hein, j’aime beaucoup April et j’le pense quand j’dis qu’elle a des tas de qualités. Mais venant de lui ça me fait presque un peu d'la peine ? Fin’ de ce que je connais d’elle j’suis pas sûr qu’elle soit du genre à lui accorder le même crédit que celui qu'il lui attribue. Mais je me trompe peut-être ? Mah. Not my circus, not my monkey.

AHAH ouiii bien sûr je vais t’appeler avec mon téléphone fantôme. Lâcher la bride on a dit. Donc pas de problème. Ça devrait se faire avec mon forfait fantôme obtenu en brulant des opérateurs téléphoniques avec de l’essence recyclée. Un truc de vivant ça aussi. Ça se tient, j’en connais plein qui en rêve.

Tant qu'on y est, est-ce que « Free » a le droit à une variante de cuisson en tant que conjugaison du verbe frire ? J'me demande juste s’il goberait ça si je l’avais dit à voix haute.

Ses questions sont étrangement plus pertinentes que le reste de ses remarques. C’est p’t’être pour ça qu’elles me déconcertent un peu. Bon on va prendre les choses morceau par morceau.

« C’est… C’est vraiment gentil à toi d’accepter de m’aider. Tu as toute ma reconnaissance. »

Moment émotion. Regard touchant. Puis je passe ma main dans ma nuque et pose les yeux ailleurs comme si je ne savais pas trop comment gérer cette effusion de sentiment.

« L’exercice de la critique s’avère complexe face à cette œuvre magnifique que l’on pourrait qualifier de sensible, mais pudique. » Aurait pu commenter un utilisateur Sens Critique visionnant la performance.

« J’ai tellement R ressentie que j’aurais préféré avoir le mal de mer. » Aurait pu publier un autre.

C’est tout le goût de l’art dans sa forme la plus brute, la fumisterie.

« Je heu, pas de soucis sur le fait que ce soit personnel, tu m’as l’air d’être quelqu’un de gentil et réglo donc je te fais confiance pour accueillir avec bienveillance ce que tu risques d’entendre, mais surtout pour rester discret sur nos échanges si des choses très personnelles sont dites. Si April est d’accord bien sûr, mais j’imagine qu’il vaut mieux que ça vienne d’un ami à elle que de quelqu’un dont elle est moins proche dans l’école. »

De toute façon vu qu’on va probablement raconter du gros bullshit y’a pas de raison.

« Par contre je ne suis pas vraiment en mesure de… T’appeler ? Mais on peut se donner rendez-vous dans quelques jours au même endroit pour que tu me dises si elle est d’accord et quand on fait ça ? »

J’vais pas faire genre j’ai des dispo imposé alors que je suis censé être dead. S’il faut sécher des cours, j’le ferais sans regret. Ils vont m’dire quoi les profs ? J’suis là pour ma descendance, j’développe mon altruisme.

« J’ai pas mal de choses à lui dire, mais il faut que je fasse un peu le trie… C’est difficile de prioriser ce qu’il est important de lui transmettre dans ces délais… je ne m’attendais pas à pouvoir rentrer si vite en contact avec elle. Je suis preneur de conseils si tu as des idées sur ce qui peut être le plus important pour elle ; cela fait bien longtemps que je ne suis plus en vie. J’ai peur de m’être éloigné de vos priorités. »

Je me racle la gorge d’un air sérieux et concerné.

« Par contre je ne suis pas certain de savoir exactement où tu veux en venir par le fait de garder un œil sur elle “Malgré tout ce qui s’est passé” ? Tu accepterais de préciser pour que je ne risque pas de te répondre des choses qui n’ont rien à voir ? »

C’est pas le moment de faire tomber ma couverture en inventant un truc lunaire. J’essaie d’avoir l’air dead as serious, j’me la joue plus « J’ai vu tellement de choses dans ma vie que je ne suis même pas sûr d’associer le bon souvenir à ta question vague » que « Yo frérot, j’suis perdu, qu’est-ce que tu racontes ??? J’capiche queud. ». C'qui est pas forcément le plus intuitif en l'état.

Une semaine c’est propre ; j’ai le temps de prévenir April et de me préparer un texte pour avoir l’air crédible si la rencontre se précipite. Le visage appuyé sur ma main d’un air amusé, je l'observe en train d'écrire sur sa paume. Avec tous ces points d’exclamation j’peux pas m’empêcher d’imaginer sa main lui brailler ses notes super fort dessus.

Lorsqu’il arrête pose son stylo et se montre fuyant du regard je m’en formalise pas plus que ça au début : le gars est vraiment un sac de stresse, j’serais étonné quand il sera pas nerveux.

Alors évidemment, ça m'fait tout drôle quand il me lâche une véritable bombe sur la tronche.

Bordel de merde de sa mère le varan de mes deux paires. Q U O I ?

Je me fige complètement.

De façon générale… j’suis vraiment du genre à me trainer beaucoup de remords, de regrets, de connerie du genre plus ou moins assumer. Difficile à croire avec ma capacité à me surpasser quand il s’agit de refaire les mêmes erreurs, j’sais. Mais ils ont la qualité d’être aussi nombreux que variés. Des plus stupides aux plus lourds, pas forcément tous justifié, mais juste suffisamment pour que la places paraissent légitime à mon cerveau.

Manipuler une gamine c’est petit, même pour un sale coup non ? J’aurais pas dû péter la télécommande avec mes dents juste pour prouver que j’avais raison dans un débat. Si j’avais été un gamin vivable et pas une bombe à retardement, peut-être que mon daron serait encore là ? Évidemment que cette meuf te contactera jamais, quand tu l’as abordé tu ressembler à une poubelle. Franchement, avec le dossier que tu accumule c’est qu’une question de temps avant qu’on te foute dehors, c’est trop tard pour que tu chope une place stable qui te plaise.

C’est juste quelques exemples des tas de connerie qui aiment bien surgir en boucle dans mes pensées quand elles se trouvent un espace approprié. Et comme j’ai la tête vide, j’peux vous dire que ça tourne vite. Mais l’important dans ce raisonnement, c’est qu’ils ont beau être random, tout ces regrets parasites ont un point commun. La conclusion est toujours là même, propre, net :

Dans tous les cas. Mais là... Celui que je ressens à cet instant précis ? Je me suis surpasser. Tout ce que je peux en dire c’est que c’est la quintessence même de ce mantra. Toutes mes conneries d’avant avaient au moins eu la décence de pas me mettre directement en défaut vis-à-vis d’une amie proche. Une grande première.

Je panique tellement que la moitié des propos d’Eizh filtre par mon crâne. Plus il développe, plus j’ai envie de tout casser.

Une putain de dizaines d’années en camps. Bordel. Qu’est-ce que je suis censé dire. April a toujours été… Vraiment secrète sur sa life. Et à raison. Si elle n’en parle pas, c’est qu’elle en a pas envie, c’est son droit. J’avais pas forcément l’intention de la questionné là-dessus, chacun.e ses casseroles.

Sauf que là, ses casseroles, on vient de me les foutre bras en me précisant qu’elles sont toutes brulantes et extrêmement lourdes, et qu’elles risquent de la blessée si les choses ne s’améliorent pas. Donc, là, qu’est-ce que je suis censé faire de ça exactement ?

Je regarde le crayon d’Eizh tourner entre ses doigts et serre le poing. Et putain c’est qui ce mec  ? Pourquoi il est au courant de tout alors qu’on n’a jamais entendu parler de lui ? Pourquoi il l’aide pas, lui, s’il pense vraiment qu’elle va snap à force de prendre sur elle ?!
Bordel !

Je sais pas comment je me sens. Ça bouillonne. Je suis tellement en colère contre moi-même que j’vois floue. Le mec me demande si c’étais pas trop dur de garder un œil sur elle malgré tout ce qu’il s’est passé et à AUCUN MOMENT je connecte que la réponse me regarde pas. J’me fous de la gueule d’Eizh depuis une heure, mais franchement c’est difficile de discerner qui est le plus gros abrutie de l’histoire.
À quel moment c’est ma place de lui parler de ça ? Et en même temps faire comme si j’étais pas au courant c’est putain de pire ?! Et s’il avait raison, et qu’elle a besoin de soutien, comment je pourrais l’aider ?! C o m m e n t ?!

Sa question reste en suspend quelques secondes. Je me rends compte que je me fais tellement violence pour ne sortir aucune de mes émotions que j’ai à peine respirées. J’essaie de prendre une inspiration, mais elle se bloque au sternum. Faut que je me barre. Je me lève brutalement.

Tout ce qui me permet encore de jouer vaguement la comédie à cet instant c’est que j’ai aucune envie d’avoir à le gérer s’il comprend qu’il a bavé sur elle alors qu’il aurait pas dû.

« Oh… J’ai posé la question parce que j’ai cru… que tu ne savais pas. Ça m’a surpris qu’elle t’en ait parlé. »

J’ai beau me faire violence, mon ton est beaucoup plus sec que précédemment et je suis loin d’avoir le contrôle dessus. Je l'ai sur mes paroles au moins. Heureusement pour lui. J'pense vraiment qu'il préfère avoir affaire à Harold qu'à Saph tout de suite. En générale même.

« Je… Je suis désolé de t’avoir demandé de préciser alors que je me rends compte que je me sens pas du tout prêt.e à en discuter de ça. Je pense que ça fait beaucoup pour aujourd’hui. Je vais prendre le temps d’y réfléchir et si ça ne te dérange pas on maintient le fait de se revoir dans une semaine ? »

Je me sens tellement, mais tellement con maintenant à devoir jouer les ancêtres. Toute la stupidité de la situation me revient en pleine poire. C’est pas possible d’être aussi abrutie.

Eizh à l’air surpris. W A W. Super étonnant quand un mec passe se tend comme une corde de gratte alors qu’la discussion était calme. Mais j’peux pas faire mieux en l’état, j’suis sur le fil.

« C’était ses anxiolytiques… Mais je comprends, c’est un sujet difficile. À la semaine prochaine alors ?
— Ouais… Ouais, c’est ça, à la semaine prochaine. »

Je clôture la conversation d’un geste de main distant et fais volte-face. Sans me retourner. Non vraiment. J’veux même pas savoir s’il a l’air d’avoir des doutes sur moi, s’il a l’air atteint par la situation, s’il est compréhensif ou si mon changement d’attitude l’a fait flipper. Rien à foutre. Là, faut que je réfléchisse seul pour régler ma connerie proprement et pas étaler la tâche.

Si je veut pas merder faut être méthodique. Et si j’veux être méthodique, c’est très simple, faut fonctionné par étape. 1. Je rentre, et j’hurle dans mon oreiller. 2. Je me défoule quelque part. 3. Je réfléchirais.

Bien. Parfait. Faisons comme ça.