Tu as accepté l’invitation de Madame Dulac par politesse d’abord, parce que tu apprécies sa compagnie ensuite. L’activité aussi. Ce n’est pas déplaisant d’aller se promener en forêt même si tu ne prends pas souvent ce temps. Tu y vas généralement seul, pour trouver un endroit agréable où méditer quand le temps le permet. Y aller pour discuter avec Balzamina te va aussi, vous vous êtes vus assez souvent pour que tu n’aies pas la sensation de totalement forcer sur la politesse et respect. Ils sont plus honnêtes. Moins fatigants. Tu pourras déployer ton énergie pour « lâcher prise ». C’est pas censé fonctionner comme ça, mais au moins t’essayes.

Vous avez rendez-vous en début d’après-midi, tes affaires sont donc prêtes bien avant pour te laisser le temps de travailler un peu sans stresser d’avoir oublié quelque chose. Il y a de l’eau, tes lunettes de soleil et de la crème solaire, en plus des affaires qui restent en permanence dans ton sac. Tu vérifies quelques fois son contenu lorsque tout y est, et encore plus au moment de partir. Ça ne te met pas en retard pour autant, tu peux vérifier en marchant. C’est chiant, mais ça arrive que tu te plantes et embarques des objets qui n’existent pas, et le temps de réalisation peut être long.

Balzamina est déjà là quand tu arrives pile à l’heure et ça te met de bonne humeur.

« Bonjour ! Comment allez-vous ? »

Tu regardes son imperméable.

« Le brouillard annonce généralement le beau temps, ce n’est pas le cas aujourd’hui ? »

La météo ne prévoie pas de pluie non plus. Tu n’attends pas vraiment sa réponse pour initier la marche sur le sentier à proximité.

Tu réponds rapidement que tu vas bien, sans faire de remarque sur le choix stylistique plutôt que pratique. Un imperméable n’est pas toujours respirant, détail qui peut rapidement être pénible à supporter lors d’un effort. Surtout, tu es très mal placé pour critiquer son choix, tes efforts pour t’habiller se résument à porter les mêmes vêtements régulièrement (avec un peu plus de style depuis le coup de main de April), quand tu ne portes pas ton uniforme.
Tu te calques sur son enthousiasme pour lui répondre, prêt à la suivre sur la route indiquée.

« Oui ! La rivière est très apaisante, j’aime beaucoup m’y installer quand je peux. Mais nous sommes ici pour marcher, n’est-ce pas ? »

Quand tu peux, quand tu y penses, quand t’as envie. Quand tu ne te dis pas que tu devrais plutôt continuer à étudier, car une fois dehors si tu n’as rien pour te distraire, le temps passé avec toi-même devient vite trop long. Les distractions ne devant plus comprendre « utiliser ta magie sur les autres » depuis des mois déjà, c’est d’autant plus long (et compliqué).

« Merci pour cette invitation, en tout cas. Ça faisait longtemps que je n’étais pas allé me promener et c’est toujours agréable d’y aller en étant bien accompagné. »

Tu lui emboîtes le pas en adaptant aussitôt ton rythme au sien.

« J’y vais surtout pour méditer ou lire donc j’y vais seul, oui. »

Dit comme ça, tu fais de la lecture et de la méditation des activités essentiellement solitaires alors que ce n’est pas forcément le cas. Tu corriges rapidement :

« Ça ne me vient pas à l’esprit d’y aller accompagné, en tout cas. »

Là c’est pas pareil, vous vous promenez et ce n’est pas prévu que vous vous arrêtiez pour méditer ou lire. Ça ne te dérange pas de te plonger dans un livre en présence de quelqu’un d’autre, c’est pour la méditation que c’est plus pénible. Tu ne vois pas comment te détendre un minimum si tu sens une présence à côté de toi.

« Essayez plutôt de vous baigner quand il fait mauvais, l’expérience sera moins désagréable. »

C’est plutôt drôle si le froid l’a découragée à ce point, même si tu comprends totalement. C’est pas parce que tu viens d’un endroit où on considère que « une fois dedans, elle est bonne », que tu peux passer outre la température de l’eau.

« Et vous, qu’est-ce que vous faites à la rivière si l’eau est trop froide pour y nager ? Vous y passez souvent quand vous courrez ? »

Ne rien faire n’est pas intéressant, c’est ennuyant et presque gênant, en plus de devenir vite encombrant. Tu gardes cet avis pour toi et lui fais un sourire en répondant quelque chose que tu ne crois pas.

« C’est sûrement très apaisant. »

Tu décides ensuite d’interpréter sa question comme ça t’arrange. Il y a beaucoup à dire si la question concerne les moindres détails de ta vie, et les catégories de réponses sont assez nombreuses pour que tu choisisses délibérément la moins embêtante. Si cela ne lui convient pas, elle aurait dû réfléchir à une question moins ouverte. Léger rire pour exprimer que son interrogation n’a pas de sens, un moment de réflexion et tu t’arrêtes sur un sujet défini.

« J’ai lu un dossier récemment sur la théâtralité de la machine et l’empire des sens, paru dans une revue de sciences sociales l’année dernière. L’introduction abordait essentiellement le rôle des machines au sein d’une société capitaliste. On ne parle pas de remplacer le travail de l’homme, ça c’était une question du siècle dernier qui était en plus perturbé par la neutralisation des mages, mais de la reproduction des biais sociétaux par les machines. C’est intéressant, non ? Et aussi très très évident. Les machines vont théâtraliser les rapports sociaux, de classe et de genre, elles caractérisent l'imaginaire social. Il est aussi question de régulation sociale par le contrôle de l’État, de contrôle du territoire et d’affirmation de la science moderne. Lire ça m’a fait penser à deux cas de figure. Un, les algorithmes offrent une puissance supplémentaire pour la neutralisation des mages en plus de permettre une propagande beaucoup plus subtile, et donc de renforcer l’avis du public sur leur nature mauvaise. Deux, l’instabilité sociétale, caractérisée comme incertaine et immature, amènera un effondrement profitable à un changement important dans la société. Qu’est-ce que vous en pensez ? »

Tu marques une pause le temps de regarder où tu marches, tu n’as pas fait attention à ça en parlant.

« Bien sûr, ce n’est qu’un aspect minime de la société et les répressions sont encore très physiques. Il ne faut cependant pas oublier que la technologie peut constituer une arme plus utile pour le contrôle des masses, car c’est tout ce qui importe, au final. Ce genre d’études permet de comprendre les comportements sociaux à un moment donné, mais dans les faits je ne pense pas qu’elles servent de déclencheur à de réels changements. A votre avis, que faut-il pour bouger les choses ? Savoir que nos outils représentent des rapports humains miniatures  est futile si les personnes qui les manipulent ne les remettent pas en question. »

Merde.

Vous parliez d’un article universitaire, pas de quoi devenir familier tout à coup. Même si sa réponse naïve ne permettait pas de rebondir facilement, le but c’était de rester sur la critique d’un thème choisi au hasard.

« Toi tu le vivais comment cette propagande ? »
Super bien, t’allais gaiement dénoncer des mages en famille. Zéro regret sur le moment, la base d’une bonne vie en communauté. Le devoir civique, tout ça. On ne fait rien de mal quand on est convaincu de bien faire. Alors oui, tu le vivais bien, et ça te donne envie de vomir d’y penser. Tu dois te convaincre que ce n’est plus important, que c’était il y a longtemps, pour pouvoir créer un mensonge plausible. Vite, si possible, car ton silence n’a déjà plus rien de naturel. Tu lui souris.

« Pardon, j’étais distrait. Je ne viens pas d’une famille mage mais on gardait nos distances à ce sujet. »

Comme toi avec sa question, sauf que là c’est bien réel. Raison pour laquelle tu ne poursuis pas et recentre la discussion sur Balzamina.

« Pourquoi vous doutiez de vous-même si vous étiez dans une famille mage ? »

La réponse t’échappe réellement. Tu ne l’as pas vécu et ça t’intéresse d’avoir son point de vue.

« Je comprends que la propagande était efficace, mais si vous saviez qu’elle n’avait rien à voir avec la réalité et que vous étiez bien entourée, pourquoi ça vous a affecté au point que vous vous remettiez en question ? »

C’est un peu bête de lui demander ça, tu sais déjà à quel point t’as merdé quand tu étais plus jeune et à quel point la propagande était (est encore) dévastatrice. Son explication ne va rien arranger. Le truc, c’est que tu veux capter de quoi elle parle et au diable ton ressenti tant que tu n’auras pas une réponse valable. Si elle tient à continuer là-dessus, ça te permettra de la comprendre un minimum.

Tu restes attentif au chemin devant toi tout en l’écoutant. Ça ne t’était pas venu à l’esprit que la propagande anti-mage affectait les familles mages de cette manière. Tu savais qu’ils la subissaient et que leur vie était constamment en danger, mais tu n’avais pas percuté que ça touchait leur image de soi comme ça pouvait toucher quelqu’un issu d’une famille non-mage. C’était pas ta vie, pas tes problèmes. Maintenant, tu côtoies beaucoup de vécus différents et ça affecte un peu le quotidien de tout le monde. C’est très facile de croire ce que la communication anti-mage répète en boucle, en tout cas.

« Si, bien sûr. »

Tu lui as demandé si elle avait des idées sans vraiment en avoir de ton côté. Ou plutôt, tu n’y crois pas.

« Hm… Honnêtement, si des mages puissant.es, riches, ou quoique ce soit d’autre qui devrait normalement leur permettre de faire bouger les choses n’y arrivent pas, je ne sais pas trop ce qu’il faut faire. Il faudrait voir si quelqu’un a déjà essayé la voie politique et si ça a donné quelque chose. Quant à la violence pour se faire entendre, ça donne raison à la propagande…  Ce que vous disiez n’est pas si bête, mais on y serait déjà si c’était si facile. D’autant plus qu’avec la sensibilisation et le gain de visibilité d’une cause, on observe facilement une hausse des violences à l’encontre de la communauté exposée et soit-disant « mieux acceptée ». »

Toi, ça t’irait très bien de vivre ta vie dans ton coin sans te mêler de tout ça. Cela dit, tu sais pertinemment que tu seras vite dans la merde en dehors de Leoska. Tu lâches un petit rire gêné.

« Je vous ai posé la question sans réellement être optimiste à ce sujet, désolé. Leoska n’existerait pas si on avait le loisir de l’être, de toute façon. »

Tu enjambes une petite flaque d’eau en prenant soin de bien t’en écarter lorsque tu poses le pied de l’autre côté.

« Quant au fait d’être aussi douée qu’eux, ce n’est pas une question de talent mais de moyens. Financiers, humains, politiques…  »

C’est évident que sans combat, les choses ne bougeront pas. Cela dit, tu crains que ce soit des actions à pertes, et qu’au final rien ne change si ce n’est la précarité des mages. Vous êtes déjà dans une situation délicate, ça peut encore empirer. S’améliorer, aussi, mais tu as vraiment du mal à être positif à ce sujet. En fait, tu n’aimes pas penser à ça. Ça implique de réfléchir au futur et c’est angoissant. Parce que tu ne vois rien, tu n’y arrives pas. Chaque plan vaguement attirant est une fusée lancée dans une mer noire. Brillante un instant avant que tu la perdes de vue. Suffisante pour avancer un minimum chaque jour. Donc t’y penses pas, c’est mieux comme ça. Ton quotidien te suffit.

Quand elle te décrit comme un acteur de cette révolution, qui aide les autres à grandir, tu peines à ne pas rire. Elle est gentille et elle n’a pas tout à fait tort. Pourtant, t’es aussi à l’opposé de ce qu’elle décrit. Oui tu aides d’autres élèves à prendre confiance en eux, mais à côté tu en blesses d’autres. Une fois certain que tu ne vas pas rire ouvertement, tu lui réponds :

« Si vous le dites. Vous avez accès à mon dossier, vous savez que ce n’est pas tout ce que je fais. Mais c’est mieux depuis quelques temps donc je suis disposé à vous croire. »

Un peu.

« Par contre, il ne suffit pas d’être plein de bonne volonté et d’être une très bonne personne ou je ne sais quoi, sinon vous ne seriez pas planquée ici, n’est-ce pas ? On apprend surtout à survivre ensemble. »

Ou une connerie du genre, t’es pas le champion du vivre ensemble tout court, donc survivre…

« Vous empruntez souvent ce chemin ? »

Quelle subtile manière de changer de sujet, bravo.

Balzamina suit ton initiative lorsque tu changes de sujet, proposant un jeu tout simple mais suffisant pour alimenter l’échange.
Enfin.
Tout simple.
Tout ce que tu as à faire c’est de balancer des noms au hasard ou poser des questions pour avoir des indices. Pas fouiller dans sa tête pour avoir la réponse rapidement. Soulever la simplicité de cette solution pourrait te dissuader de la choisir, mais dans les faits l’action ne l’est pas tant et constitue un challenge en elle-même. Ne pas céder reste le vrai défi, tu le sais pertinemment. Il faut cependant attendre que tu commences à utiliser ton pouvoir pour que tu t’en rendes vraiment compte. Tu annules tout et te concentres sur la conversation.

« Pourquoi pas. Est-ce qu’il faut donner des noms d’animaux ou poser des questions pour déterminer la réponse ? Aussi, vous parlez d’un animal sans précisions, comme un tigre, un chat, ou il faut trouver la sous-espèce en plus ? Il y a un temps imparti ou un nombre limite de tentatives avant de changer de joueur ou pas ? »

Questions essentielles pour éviter que vous mouliniez chacun de votre côté en cherchant la réponse de l’autre.

« En attendant, est-ce que c’est un oiseau ? »

Comme tu veux. Peu importe le moyen employé, alors ? C’est en tout cas ainsi que tu le comprends car ça t’arrange. Mais avant de recourir à ton pouvoir, pour de bon cette fois, tu fais une nouvelle tentative :

« Un lapin ? »

Quand elle te dit que ce n’est pas ça, tu soupires et regardes autour de toi. C’est assez difficile de se concentrer sur la marche et la mémoire de Balzamina en même temps. Avec un peu de chance, ce sera assez rapide pour que tu te mettes pas à beaucoup galérer en effectuant les deux en même temps. Lorsque tu aperçois l’animal dans ses souvenirs les plus récents, tu reviens totalement à toi. Juste à temps pour te rendre compte que tu trébuches sur un caillou. Tu te rattrapes tant bien que mal, puis tu t’éclaircis la gorge pour reprendre.

« Un écureuil ? »

Le ton de la question est seulement là pour la forme, puisque tu sais que c’est la bonne réponse et que c’est à ton tour.

Pourquoi choisir un animal de la forêt, dans laquelle vous vous promenez, quand tu peux choisir une antilope ? Le choix est relativement évident quand on sait que tu côtoies un guépard (ou presque) au quotidien. Il est évident pour toi, en tout cas, contrairement à Balzamina qui galère à trouver la réponse. Tu donnes des indices de temps en temps pour l’aiguiller, histoire que vous ne passiez pas la journée et la nuit à nommer tous les animaux de la savane qui ne sont ni grands ni petits, sans être des félins ou autre. Elle finit par trouver la réponse, et tu lui souris en confirmant.

Le timing du jeu s’accorde parfaitement avec votre arrivée à la rivière et tu es soulagé que Balzamina propose une pause plutôt qu’une nouvelle manche de son jeu. C’est long, pas forcément intéressant. Tu aimerais l’agrémenter de nouveaux défis ou de nouvelles règles pour le rendre plus prenant.

« Je veux bien ! »

Tu t’approches de la rivière à la recherche de pierres où vous installer. Le temps a beau être clément, le sol reste humide et ça n’aura rien d’agréable si vous devez vous y asseoir. Faire une pause debout n’est pas mieux. Le coin convoité trouvé, tu poses tes affaires et te tournes vers l’infirmière.

« ça vous convient si on s’installe ici ? »

Tu pars du principe que oui. Vous êtes à trois mètres de la rivière, partiellement abrités par les arbres. Être totalement à l’ombre ne serait pas terrible, la température serait plus basse. Là, vous entendez la rivière sans qu’elle soit trop bruyante, son flot s’harmonisant aux autres bruits de la forêt, et la lumière ne vous aveugle pas. Tu regardes rapidement l’heure sur ton portable en t’asseyant et constates que c’est l’heure du goûter. Et t’as rien pris à manger, c’était pas ta priorité. Pas grave. Tu sors plutôt ta crème solaire pour t’en remettre sur le visage.

« Vous vous baladez souvent avec d’autres élèves ? »

Ce n’est pas facile de déterminer si Balzamina considère que tu as besoin d’aide ou si elle t’apprécie. Tu t’es déjà confié à elle sur certaines de tes difficultés et tu as objectivement besoin d’aide sur plusieurs points. D’un autre côté, vous vous êtes souvent vus dans un cadre informel et tu l’apprécies en tant que membre de l’académie, pas qu’en tant qu’infirmière. Ça peut être réciproque, mais tu n’es pas dans sa tête pour le savoir. Tu préférerais la deuxième option, car la première te dérange. Elle te donne la sensation de devoir faire attention à ce que tu dis ou fais, quand bien même ce n’est absolument pas le but.

Elle explicite son choix d’activité et tu lui offres un sourire de remerciement, au lieu du mécontentement ressenti. Elle ne sait pas ce qui te fait du bien, et en l’occurrence, t’aider sans te le dire t’irrite plus qu’autre chose. Tu prends le biscuit qu’elle te propose, distraction bienvenue pour remettre tes pensées en ordre et essayer de rationaliser ce que tu penses ou ressens. Quand elle te demande si tu aurais voulu faire autre chose, tu réponds :

« Non, pas vraiment. De l’accrobranche ? »

T’y as pas beaucoup réfléchi.

« Mais ça ne permet pas de parler avec légèreté, si c’est votre objectif principal.  Sinon, est-ce que vous prévenez les élèves choisis parce qu’ils ont besoin d’aide ? A leur place,  ça ne me plairait pas de l’apprendre pendant l’activité. »

Aka ça ne te plairait pas, mais tu camoufles le tout sous ta voix et ton sourire poli.

Tu ris un peu quand elle parle de prendre sa revanche au tir à l’arc. Sa compétitivité est plaisante et tu apprécies ce genre d’interaction. C’est encore mieux s’il s’agit d’un domaine où tu es avantagé (la plupart du temps, car l’expérience n’a aucun poids face à tes contrecoups). Tu ne lui as pas proposé une sortie, elle t’a demandé si une autre activité t’aurait plu et tu as répondu l’accrobranche. Ta formulation n’impliquait pas une invitation mais tu ne relèves pas, c’est en soit une bonne idée que vous pouvez envisager.

Si sa réponse clôt correctement ta question, la suite s’en éloigne sans trop de cohérence par rapport à l’interrogation d’origine. Hm. Tu réfléchis beaucoup trop pour pas grand-chose. Ce n’est pas grave si elle ne précise pas, la démarche qu’elle expose est généreuse et sûrement utile pour pas mal de monde.

« Comme aujourd’hui ? Quels bienfaits aviez-vous en tête en proposant cette activité, alors ? »

De ce qu’elle a dit, tu peux lister « sortir, discuter ». Le « ça te fait du bien » implique autre chose et tu préfères qu’elle l’explicite d’elle-même.

« Puisqu’elle est censé me faire du bien, c’est ça ? Je ne suis pas sûr d’avoir compris en quoi. »

Tu la questionnes avec légèreté, mais tu as soigneusement choisi tes mots pour ne pas lui donner le choix dans sa réponse. Tu ne t’en veux pas, tu veux savoir et ton appréciation pour elle n’entre absolument pas dans ton calcul. Tu pourrais, bien sûr, être plus direct dans tes questions mais ce serait prendre le risque de fermer la discussion. Tu préfères donc avoir l’air plus idiot que tu ne l’es pour qu’elle confirme ou infirme ton hypothèse d’elle-même.

Tu l’écoutes attentivement, tes yeux plantés dans les siens, tandis qu’elle t’explique pourquoi elle t’a invité ainsi que les bienfaits de cette sortie. Elle préfère courir seule et c’est tant mieux, tu n’aurais pas répondu à son invitation si ça avait été un footing. Vraiment, si l’objectif est de se faire du bien, ta capacité de mollusque à tenir la course aurait bien compliqué les choses. Un peu comme ta capacité à te monter la tête là où il n’y a pas besoin, comme maintenant. Ça t’embête. Elle a l’air sincère, c’est rassurant, et ses explications répondent plutôt bien aux doutes que tu avais.

Tu devrais probablement lui expliquer pourquoi tu t’es interrogé ainsi, histoire de lisser les plis que tu viens de faire sur l’ambiance tranquille entre vous deux. Il te faut un petit instant de réflexion pour bien choisir tes mots, puis tu lui exposes honnêtement ce qui t’a traversé l’esprit. Ça ne veut pas dire que toute méfiance est endormie, c’est seulement l’option la plus profitable à laquelle tu peux penser.

« D’accord. J’avais des doutes sur votre motivation pour m’avoir invité. La possibilité d’être ici parce que vous considérez que j’ai besoin d’aide, sans me le dire, était déroutante. »

Pour ne pas dire agaçante.

« Ça embrouille trop la façon dont on peut échanger. C’est le genre de chose à préciser avant ou à très bien cacher, haha. »

Haha oui, qu’est-ce qu’on rigole. Ce n’est pas une blague cependant, malgré ton rire.

« Mais bref, mes doutes ne sont visiblement pas fondés. Merci pour vos explications. »

Balzamina t’indique une zone sur la berge et tu t’approches pour observer la plante en question.

« C’est une renoncule à feuilles d’aconit. Elle est vénéneuse. »

Tu as retenu la majorité des plantes vues dans les livres et observées ensuite dans la nature. Celles que tu n’as pas pu trouver ne t’ont pas marquées et tu n’as pas fait l’effort de les mémoriser.

« On ne peut pas vraiment dire que je me suis mis à la botanique, j’ai juste appris les noms de celles qu’on ne voit pas en cours. Je continue de temps en temps, ça m’amuse. C’est utile pour tester des potions ou des élixirs. »

Ce ne sont pas tes domaines de prédilection, contrairement aux malédictions et autres sorts censés altérés l’esprit. T’y arrives à peu près aussi bien qu’en cuisine, à la différence que tu préfères persévérer en potions et élixirs plutôt qu’en cuisson de riz.

« Vous aimez bien ça aussi ? On a de la chance d’avoir cette richesse dans l’enceinte de l’académie. »

Tu ramasses tes affaires à son signal et attends qu’elle soit prête pour reprendre la balade.

« Il y a des cours pour apprendre à en faire mais ce n’est pas simple. Je me rate suffisamment quand j’essaie pour savoir que ce n’est pas un métier pour moi en tout cas. »

Tu manques trop de patience et de précision dans ce domaine et l’avenir est beaucoup trop flou pour que tu t’imagines exercer n’importe quel métier. Tu devrais pourtant commencer à y réfléchir. Cette seule pensée t’angoisse démesurément, alors tu te concentres sur les potions en elle-même, pas le métier.

« ça ne m’empêche pas de tester, je n’aime pas échouer alors que ça semble réalisable sans trop de difficulté. C’est un peu comme rater un gâteau au yaourt. »

Un coup d’oeil autour de vous te permet de repérer des plantes à décrire.

« Est-ce que ça vous plairait de connaître les plantes qui nous entourent ? »

Avec un sourire, tu lui indiques une autre plante. Tu as son nom et ses caractéristiques principales sans avoir tous les détails. Il en va de même pour les autres que tu peux identifier.

« J’en reconnais 3 à côté de nous et il y en d’autres plus loin. Je vous enverrai mes sources en rentrant. Comme ça, si ça vous intéresse, vous pourrez retrouver les livres qui en parlent. »

ça ne te prendra pas longtemps, tu as conservé la liste des ouvrages consultés à ce sujet au cas où tu en aurais besoin un jour. Il est rangé dans un classeur avec d’autres bibliographies. Tu commences à lui décrire les plantes, t’arrêtant à chaque fois pour lui laisser le temps de prendre des photos et de noter le nom. Tu pourras également lui envoyer la liste de ce que vous avez vu, si jamais ses notes sont incorrectes.
Vous continuez la balade ainsi à un rythme tranquille. Il faut avouer que ça te fait du bien, tu ne regrettes pas d’avoir accepté son offre. Ça te permet de prendre l’air et de connaître Balzamina dans un cadre différent. Tu gardes tout de même une réserve car elle fait partie du personnel, mais ce statut n’est pas si lourd à prendre en compte. Contrairement à d’autres personnes, elle est bien plus chaleureuse.
Quand vous arrivez à la fin de la promenade, tu la remercies pour le temps qu’elle t’a accordé et sa compagnie sympathique.

« ça ne me dérangerait pas de vous revoir à nouveau ainsi ! »

Tu lui souhaites ensuite une bonne journée avant de regagner ta coloc quand vient l’heure de vous séparer.