Mon histoire est dans mon esprit coupée en deux.
Il y a l’avant cette nuit-là et l’après.
Au fur et à mesure des années, je suis sûre que j’ai dû modifier mes souvenirs pour les rendre plus beaux, plus agréables, mais qu’importe si ce passé rêvé me plait…

Je me souviens du caravansérail que tenaient mes parents. Je me souviens des chèvres et des dromadaires des marchands que j’aimais brosser et nourrir.
Je me rappelle aussi du désert et de ses dunes, de son horizon vallonné et de sa frontière avec l’immensité du ciel.
Ces jours-là étaient heureux et paisibles. Je travaillais beaucoup et aidais ma mère au quotidien, mais j’étais aimée et choyée.

Je m’occupais des animaux divers car j’étais douée pour ça. Papa et maman m’avaient même permis de garder un chiot qu’un commerçant n’arrivait pas à vendre.
Aujourd’hui je ne sais pas ce qu’il est devenu, ni lui, ni même mes parents.
Je n’ai plus remis le pied dans ce fonduq depuis que j’en suis partie il y a maintenant onze années.

Peu de temps avant mon départ, j’avais commencé à remarquer des choses étranges. Parfois quand je m’approchais de l’eau et que j’essayais d’y observer mon reflet, je voyais l’eau se troubler sans raison apparente. Quand je regardais dans un miroir, ce dernier semblait se déformer et me faisait ressembler à un monstre grotesque.
Je n’y avait pas vraiment prêté attention même si l’étrangeté de ces situations n’avait pas échappé à mon père.
Un jour, alors que je me préparais, j'ai voulu admirer mon reflet. Ce miroir déformant m’agaçait au plus haut point. Voilà plusieurs jours que je n’arrivais pas à me voir clairement.
Je passai la main sur le verre abimé. Soudain ce dernier se brisa et des éclats de verre volèrent partout dans ma chambre. Plusieurs me coupèrent et me laissèrent sous le choc.
Le bruit attira ma famille qui découvrit ma chambre couverte de morceaux de miroir.

Ma mère me frappa pour avoir cassé un si bel objet. Pourtant mon père ne cilla pas. Il baissa les yeux et ne dit rien comme s’il prenait une grande décision et qu’il n’avait pas envie de me punir plus que je ne l’étais déjà.

Il partit le lendemain pour aller en ville. Ma mère, elle, ne me regardait plus pareil. Elle semblait non pas en colère comme j’aurais pu m’y attendre mais infiniment triste. Elle n’osait pas me regarder et préférait sortir quand j’entrais quelque part, comme si ma présence lui était hostile.
Idiote ou naïve que j’étais je mis ça sur le compte du miroir. Je la pensais déçue de moi et je passai la journée à travailler très dur pour compenser et pour me racheter à ses yeux.
Cependant le soir même mon père revint avec des hommes. Il me pointa du doigt et sans que je n’ai le temps de réagir ses hommes armés jusqu’aux dents se saisir de moi.

Je criais et appelais mes parents, mais aucune aide ne vint. On me chargea comme une marchandise sur un dromadaire puis on me frappa pour que je me taise. Ils allaient m'enmenner dans uns de leurs camps ...

Les souvenirs de cette nuit que je passai dans le désert avec mes geôliers me sont encore aujourd’hui inaccessibles. Mon psychiatre dit que je les ai oubliés pour me protéger. Pourquoi pas… Après tout, quand Ahmed m’a récupéré, j’étais couverte de blessures et de bleus.

Ahmed c’est le mage qui m’a sauvé des soldats et qui m’a mené à l’académie.
Je ne sais pas vraiment comment il m’a récupéré, tout ce dont je me souviens c’est de m'être réveillée sur un matelas dans une chambre d’hôtel qui m’était inconnue avec Ahmed assit sur une chaise non loin de moi. Il regardait par la fenêtre et guettait le danger.
Quand il s’aperçut que j’étais revenue parmi les vivants, il désigna un verre d’eau sur la table basse en me souriant avec gentillesse.

“Ne t’en fais pas petite, tu n’as rien à craindre de moi et bientôt je vais t'emmener dans un endroit où tu seras en sécurité.” me dit-il d’une voix posée afin de ne pas me brusquer.

Il me tendit calmement la main et se présenta. Je la serrai non sans hésitation, mais je n’avais plus rien à perdre.
Ce mouvement me tira une grimace de douleur, et avec un air peiné Ahmed me dit que j’en garderait des cicatrices.

Aujourd’hui je porte ses marques sur mon visage et mon corps, perdant tout espoir de les voir s’estomper un jour. Je ne les apprécie pas forcément, mais j’ai appris à vivre avec et elles font partie de mon histoire même si je l’ai oublié.

Ma vie ici, à l’académie, était calme, presque monotone. Cela se résumait aux cours et aux études, mais contre toute attente, j’adorais ça. J’adorais apprendre et passer des heures dans les livres.
J'ai appris le français ainsi qu’à lire et écrire en arrivant à l’académie. Ahmed m’avait appris les bases pendant notre voyage, cependant il me manquait beaucoup d’outils afin de terminer le collège.
Je travaillais dur pour me remettre à niveau et je réussis à passer au lycée. Ma motivation ne diminua pas, même une fois arrivée à l’université. Je me suis spécialisé en histoire de la magie sans comprendre pourquoi cette matière m’intéressait tout particulièrement.
Je pus ainsi à force de travail devenir professeur ici dans ce pensionnat.

Cette vie que je consacre à la recherche et à l’enseignement me semble si éloigné et si différente de ma vie au fonduq que je n’ai pas l’impression d’avoir un jour été cette petite touareg qui passait ses journées à courir après des animaux.
Les seuls souvenirs de cette vie sont les souvenirs enjolivés que j’ai gardé et ces cicatrices pâles qui barrent mon visage.

Description pouvoir : En apposant une glyphe sur des miroirs ou surfaces réfléchissantes, Myriam peut relier ses dernières entre elles afin de voir à travers ou bien de voyager en passant de l’un à l’autre.
La glyphe est visible par tous et ne peut être effacée, mais elle peut être brisée. A ce moment-là, Myriam ne pourra plus l’utiliser.


Description contrecoup : Le contre-coup d’une utilisation trop longue ou trop intense de ce pouvoir peut entraîner des vertiges, des nausées et une perte de repères spatiaux. Ainsi Myriam aura du mal à s'orienter et à bouger correctement dans l’espace.