C’était une belle soirée. Je me baladais dans le parc de l’école, l’esquisse d’un sourire collé aux lèvres. Aucune catastrophe aujourd’hui ; aucun éclat d’objet brisé par ma maladresse et aucune goutte d’eau n’avait cherché à attenter à ma vie aujourd’hui. J’avais pu savourer un bon café en ville comme n’importe quel humain, faire quelques courses, et me poser dans la chambre que je louer à un vieux mage dans la forêt. Évidemment, je n’avais toujours pas réussi à me faire entendre pour obtenir une chambre, mais j’avais bon espoir de parvenir à mon but un jour.
Il était presque 18h si ma montre ne me mentait pas, et le ciel était incroyablement dégagé. Quoi de mieux qu’un tel climat pour contempler un coucher de soleil, je vous le demande !
C’est d’une démarche déterminée, le casque sur les oreilles, que je me dirigeais vers les toits. J’avais sorti de mon sac l’un de mes sandwichs au beurre de cacahouètes, ma plus grande faiblesse. Pour être honnête, j’avais vraiment fait un stock de nourriture suffisant pour passer l’hiver alors je pouvais me permettre de le grignoter tranquillement en marchant. Je passais la porte menant au toit en bougeant la tête sur Viva la vida de Coldplay et m’accoude a une des barrières, en fredonnant. Je n’étais pas fan de ce genre de musique, mais malheureusement je retenais trop facilement les paroles et réagissais trop facilement au rythme, impossible de m’empêcher de chantonner, aussi ridicule soit les paroles. De toute façon j’étais seul et les élèves a 10 mètres en contrebas ne risquaient pas de m’entendre.

« I used to rule the woooooorld ! Seas would rise when I gave the word »

Pépère, je reprends une bouchée de sandwichs pour savourer pleinement ma journée de solitude et reprends mon petit concerto. C’est alors que des notes que je ne connaissais pas apparurent dans la musique. Attends. Ça sonne faux. Hé, mais…

« - Haaa ! »

Je retire mon casque et sursaute d’horreur lorsque j’entends une voix autre que celle de Coldplay sur le toit. Lorsque je fais volte-face, je constate la présence d’une jeune fille élégante, au téléphone, l’air particulièrement énervé. Oh non… Cette journée commencée si bien… et non seulement je chante comme un ringard et en plus cette personne à l’air vénère. J’espère ne pas l’avoir dérangée, et je prie de tout cœur pour qu’elle ne m’ait pas entendu.

« Ahem. Heu. Bonjour. Je… Désolé… Ça va ? »

Super, avec un tel niveau je pense que je peux aller en doctorat de littérature française. Je suis à la fois mort de honte et à la fois profondément inquiet pour cette inconnue qui n'est pas de très bonne humeur, teintant mon visage couleur tomate.

^{[HRP: Il faut s’imaginer que la discussion avec le petit frère est en anglais]}

"Appelle moi Nyddlan, c’est important.

Rao m’a envoyé ce message quand j’étais en cours plus tôt dans la journée. Je m’étais donc empressée, une fois mes cours terminés, de m’isoler sur le toit, afin d’être complètement tranquille. J’avais un peu peur de ce qu’il allait m’annoncer. La dernière fois que j’ai eu mamie au téléphone, elle m’a dit qu’il avait dans l’idée de s’engager dans un petit groupe de révolution écossais. Le but de ce groupe? Combattre le gouvernement qui oppresse les mages en Écosse. La problème: ce groupe n’est pas très influant et s’ils sont pris, le gouvernement n’hésite pas à les faire travailler dans les usines à mages comme cobaye pour des expériences magiques ou pour faire le sale boulot, comme ramasser les corps des mages qui périssent au sein de ces usines.
La discussion avait bien commencée. Jusqu’à ce que je lui demande ce qu’il voulait me dire…

"Tu vas pas aimer…"
"Rao, je te jure, si tu as rejoint ce groupe je prends le premier avion pour te botter le cul."
"Mais Nyddlan, tu comprends pas. Ce groupe il est de plus en plus influent à Edimbourg, Glasgow et Aberdeen! Et je veux que le gouvernement paye pour ce qu’ils ont fait à notre famille…"
"RAO! Putain mais sérieusement, tu peux pas faire ça, je vais pas te laisser le faire. C’est hors de question que tu prenne le risque de travailler dans des usines à mages. C’est hors de question que je te perde toi aussi. T’as 13 ans putain. Et t’as pensé à mamie? T’as pensé au soucis que t’es en train de lui causer? Vraiment Rao, réfléchit deux petites minutes. Tu crois que ça ne lui a pas suffit de perdre son fils et sa femme, son mari et un de ses petits-enfants? Penses y bien."
"Dis moi juste pourquoi toi tu pourrais te battre contre l’injustice qu’on a connu alors que moi je dois rester là à rien faire. C’est pas parce que je suis pas un mage que je peux pas me battre contre ça."

La discussion a continué bien 30 minutes comme cela. Têtus, lui comme moi, on est pas arrivés à se mettre d’accord. Sauf qu’il est mineur, donc je finis par lui dire la chose suivante.

"Bah tu sais quoi? Je vais appeler mamie demain, et on va trouver un moyen pour que tu ramènes ton cul en France pour que j’ai un oeil sur toi."
"T’es sérieuse là?"
"Complètement. Tu veux pas m’écouter, donc je vais employer les grands moyens mon coco."

J’allais continuer de l’engueuler quand j’entendit quelqu’un derrière moi.

"Je dois te laisser. Mais je te le dis, si t’as pas quitter ce groupe demain, je me ramène pour te foutre la plus grande claque de ta vie."
"Essaie juste"

Il me raccrocha au nez.

"Je vais le tuer de mes propres mains."

« Ahem. Heu. Bonjour. Je… Désolé… Ça va ? »

Je me tournai vers la voix s’adressant à moi. Je vis un jeune garçon, pas plus vieux que moi mais un peu plus grand, avec des cheveux roux. Il semblait nerveux. Peut-être qu’il avait peur que je m’en prenne à lui…

"Hey. Ne t’excuse pas, ça va merci. Désolée si t’as dû assister à ça, je ne pensais pas que qui que ce soit viendrait…"

Je baissai la tête. C’est jamais agréable de surprendre une conversation aussi mouvementée… Argh. J’aurais dû aller ailleurs…

Gilbert Keith Chesterton

Qu’est-ce que je fais ? Je fais mine de n’avoir rien vu, rien entendu pour respecter son intimité ou je suis honnête ? Non parce que, ce n’est pas que j’ai voulu espionner leurs conversations, mais… enfin, pas besoin d’être mentaliste pour voir que ça ne va pas.

« Hey. Ne t’excuse pas, ça va merci. Désolée si t’as dû assister à ça, je ne pensais pas que qui que ce soit viendrait… »

Elle baisse la tête… Oh non, je la dérange ? Je suis peut-être trop invasif ? Qu’est-ce que je dois faire ? Je me redresse un peu, et commence à bouger avec nervosité en triturant mon T-shirt et en passant ma main dans mes cheveux. Essaie de paraître un peu naturel bon sang… Tu vas la mettre encore plus mal à l’aise que toi sinon, et le but n’est pas d’aggraver son humeur !

« Ne t’excuse pas non plus alors, c’est vrai, normalement c’est censé être un endroit tranquille pour un appel quand un inconnu ne vient pas écouter de la musique à pas d’heure ici sans aucune raison apparente. »

Je fais exprès de caricaturer la situation avec un sourire pour essayer de dédramatiser le fait que j’avais surpris sa conversation, mais c’était bien insuffisant. En fait, pour être honnête… j’avais envie de l’aider un peu, mais je ne savais pas comment m’y prendre. Je décidais donc de jouer cartes sur table.

« Ahem…. Ça va te paraître vraiment très bizarre ce que je vais dire mais… Heu, enfin…. Tu n’as pas l’air d’aller très bien et… Je sais qu’on ne se connaît pas mais, ça va aller ? … »

Imbécile, ce qu’elle veut sans doute c’est être seule, pas qu’un inconnu trop bizarre lui demande des nouvelles. Quel maladroit… Décidément chaque fois que je rencontre une nouvelle personne c’est de pire en pire… Je passe une main à l’arrière de ma tête d’un air fébrile.

« Pardon, je suis bête, tu préfères peut-être que je te laisse tranquille ? » Dans le doute, je me permets de proposer en pointant du doigt mon sac plein à ras bord de nourriture « Ou si tu as besoin de grignoter un truc pour te changer les idées ou juste de parler, n’hésite pas… »

J’haussais les épaules d’un air simple. Des fois, parler à des inconnues était plus simple que de discuter avec ses proches. C’est vrai, ça n’engager à rien et on pouvait bénéficier d’une oreille neutre pour essayer d’éclaircir ses pensées…

"Ne t’excuse pas non plus alors, c’est vrai, normalement c’est censé être un endrit tranquille pour un appel quand un inconnu ne vient pas écouter de la musique à pas d’heure dans aucune raison apparente."

Je souris, la tête toujours baissée.

"Ahem…. Ça va te paraître vraiment très bizarre ce que je vais te dire mais… Heu, enfin… Tu n’as pas l’air d’aller très bien et… Je sais qu’on ne se connaît pas mais, ça va aller? …"

Il m’avait prise au dépourvue. Je ne pensais pas qu’un inconnu me demanderais ce que j’avais. Et  me connaissant, jamais je ne lui aurais parlé de ce qu’il se passe de moi même, à lui comme à mes amis. Je ne veux pas passer pour un fardeau, à partager tous mes malheurs. Donc j’ai tendance à les garder pour moi, et à extérioriser un bon coup une fois seule.

Pardon, je suis bête, tu préfères peut-être que je te laisse tranquille?" Je déposai mon regard sur le sac qu’il pointait du doigt. "Ou si tu as besoin de grignoter un truc pour te changer les idées ou juste parler, n’hésite pas…"

Je le regardai, et des larmes commencèrent à dévaler mes joues. Sans raisons. Sa gentillesse peut-être? L’anniversaire de la mort de mon grand-frère qui approche à grand pas? Je ne sais pas. Mais je me mis à sangloter plus vite que prévu. Je m’empressai de retrouver mes moyens.

"Ah, je suis désolée." Je souris à mon ridicule. "Je suis extrêmement fatiguée ces derniers jours et après cette conversation y a plein de souvenirs et de frustration qui sont remonté."

Je séchai mes larmes et lui sourit. Il n’avait pas l’air méchant, et peut-être que vider mon sac à quelqu’un pourrait m’aider à me sentir mieux.

"Je ne veux pas te déranger pour être franche. Et je suis pas du genre à déballer tous ce que je ressens comme ça, surtout si c’est avec un inconnu…" Je grattai l’arrière de ma tête. "Donc faisons un pact. Ce soir c’est rant time, donc je te racontes tout ce qui ne va pas et toi aussi. Comme ça on se libère d’un poids tous les deux. T’es partant?"

Je lui tendis ma main tout en gardant mon sourire. Au fond de moi, j’espère qu’il dise oui. Comme ça je pourrais enfin libérer ce qui me ronge et qui sait, il sera peut-être de bon conseil?

S’il te plaît. Dit oui.

Il eut un instant de silence où l’on partageait un simple regard, avant qu’elle ne fonde en larme. Mon cœur rate un battement et je panique, immobile. Quand un ami pleure, généralement j’essaie d’avoir un contact réconfortant, ou un câlin, mais avec une personne qu’on venait juste de rencontrer… Difficile d’aider. Elle reprend la parole avant que je ne frôle la crise cardiaque.

« Ah, je suis désolée.» Je souris à mon ridicule. «Je suis extrêmement fatiguée ces derniers jours et après cette conversation y a plein de souvenirs et de frustration qui sont remontés. »

Oh… Je comprends. On a tous des périodes comme ça, ou la fatigue fait remonter tout ce qui nous inquiète. C’est toujours difficile de rationaliser dans ce genre de moment où tout semble prendre une ampleur inconsidérée. Elle me sourit, et j’essaie de lui adresse un petit sourire rassurant en retours, une manière de montrer que si elle avait besoin, j’étais là.

« Je ne veux pas te déranger pour être franche. Et je suis pas du genre à déballer tous ce que je ressens comme ça, surtout si c’est avec un inconnu…» Elle gratte l’arrière de sa tête, un tic que j’avais aussi, j’en déduis qu’elle aussi était peut-être aussi nerveuse «Donc faisons un pact. Ce soir c’est rant time, donc je te racontes tout ce qui ne va pas et toi aussi. Comme ça on se libère d’un poids tous les deux. T’es partant? »

Rant time ? Un peu intense comme concept, mais l’idée était bonne, et je pense qu’elle en avait besoin. À vrai dire, ça me rassure qu’elle propose cela, je ne savais vraiment pas comment l’aider efficacement. Elle a l’air d’être partisane de la communication a double sens, et j’imagine bien que le fait qu’on parle tous les deux lui permettrait d’être plus en confiance. Mais parler aux autres ? Je n’en ai pas vraiment l’habitude, j’ai toujours été du côté de ceux qui écoutent.

« Je… Je n’ai pas trop l’habitude de parler de mes problèmes aux autres, mais j’imagine que toi non plus d’après ce que tu me dis alors… » J’hausse les épaules et souris d’un air rassurant « Je suis partant. Ça ne peut être que bénéfique. »

Il ne faut pas intérioriser comme ça, ça a vraiment l’air de la bouffer de tout garder pour elle. Mais je me sens bien trop mal placé pour lui faire la morale, je n’ai jamais parlé a personne de mes parents, de ce qui me peser, dans l’espoir d’oublier un jour alors… Je me vois mal lui reprocher de ne pas se confier aux autres. Je me permets d’ajouter quelque chose lorsque je la vois sécher ses larmes comme si elle voulait les retenir.

« Mais parlons d'abord de toi, c'est plus important. Tu sais… Si tu as besoin de pleurer y’a pas de problème, il ne faut pas se retenir. Ça fait du bien parfois. »

C’est toujours après les plus grosses crises de larmes qu’on à l’esprit clair et le cœur plus léger. Je m’assieds sur le banc et lui propose de s’assoir d’un geste de la main, histoire qu’on soit calé. Pendant un instant, je comptais en profiter pour me présenter, mais me ravise. Plus tard peut-être. Pour l’instant, ça à l’air plus simple pour elle de parler à un inconnu.

« Je t’en prie, je t’écoute. J’espère que ce n’est pas trop grave ce qui s’est passé dans ta conversation ? »

Une simple question pour l’aider à ce lancer, à extériorisé. Tout semblait être parti de cet échange téléphonique, qui l’avait rendue apparemment furieuse. Je lui lançais un regard compatissant, inquiet, en espérant que ça l’aiderait à aller mieux. Je tiens à ce qu’elle parle la première, puisque ses problèmes à elle semblent sensiblement plus urgents.

"Je suis partant, ça ne peut-être que bénéfique."

Je me sentis soulagée. Je pense qu’inconsciemment, je me sentais tellement mal que tout lui dire devenait mon élément salvateur. Il s’assit sur le banc non loin de nous me montra d’un geste de la main la place libre à ses côtés. Je m’installa donc et souffla un bon coup.

"Je t’en prie, je t’écoute. J’espère que ce n’est pas trop grave ce qui s’est passé dans ta conversation?"

Je lui lança un regard. Il me regardait aussi, l’air inquiet. Je me grattai de nouveau l’arrière de la tête. Ah foutu tic. Portant mon regard vers l’horizon, je soufflai un grand coup puis me lançai enfin.

"Ah.. Par où commencer? J’étais au téléphone avec mon frère, Rao. Il a 13 ans, donc j’imagines qu’on peut remettre la faute de ses conneries sur la puberté." Je lâchai un petit rire nerveux. "Mais j’ai jamais vu plus bête. Il s’est enrôlé dans un espèce de groupe de révolution. C’est genre un groupe de non-mages qui combattent l’injustice faite aux mages."

Sans m’en rendre vraiment compte, je me mis à tout lui raconter. Le sort réservé aux révolutionnaires qui se font attraper. Pourquoi je ne veux absolument pas qu’il s’engage là dedans. Pourquoi je veux le faire venir, lui et ma grand-mère, en France. Je ne pouvais pas le laisser faire ça.
Parler de cela a fait remonter une certaine colère, mais aussi énormément de tristesse. Je sais pourquoi il fait ça. Je sais que c’est pour tout ce qui nous est arrivé. Je racontai alors l’histoire quelque peu tragique de famille. Parler de Zedy me fit pleurer. Il me manque un peu plus chaque jour. Il était mon modèle, mon héros.

"J’ai encore une once d’espoir que mes parents soient encore en vie. Mais j’ai vu Zedy mourir, donc je sais très bien que je ne le reverrai plus jamais. Et mon coeur se brise à chaque fois. Il n’a pas pu vivre sa vie comme il l’entendait, il n’a pas pu demander son petit-ami en mariage comme il avait prévu de le faire. Il n’a pas pu fonder une famille avec lui, tout ça parce qu’il était un mage."

Mes larmes dévalaient désormais mes joues à vitesse grand V. Mon coeur était en pièces, et sur le moment, il semblait que personne ne pouvait le réparer.

"Et quand j’y pense, je comprends Rao. Evidement qu’il veut venger la mémoire de notre grand-père et de Zedy. Evidement qu’il veut rendre justice à mes parents et tous les autres mages qui sont enrôlés de force dans ces usines. Et il est encore jeune, il ne méritait pas cette vie. Il aurait dû grandir comme ses amis, dans une famille qui n’est pas brisée comme la nôtre. Mais il ne pense pas à quel point ma grand-mère souffre déjà de tout ce qu’il s’est passé. S’il lui arrivait quelque chose, elle ne pourrait pas le survivre…"

Je poussai un grand soupir. Même si quelques perles salées coulaient encore sur mon visage, je me sentais enfin légère. Je n’avais jamais raconté tout cela à qui que ce soit. Même mes amis les plus proches ne le savent pas. J’imagine que garder tout cela en moi n’a fait plus de mal que de bien. Je m’excusai une nouvelle fois au près de celui qui, semble-t-il, était resté silencieux tout au long de ma tirade. Je ne voulais pas lui lâcher autant de chose. Mais ça m’a fait énormément de bien.

Lorsqu’elle commence à se confier, je lui jette un regard bienveillant et lui prête une oreille attentive. J’admets que je m’attendais à des problèmes assez conséquents, mais pas à aussi grave que ce qu’elle me raconter. La mort de son frère… La disparition de ses parents… et l’enrôlement du plus jeune dans un groupe de révolutionnaire pour couronner le tout… C’était terrible. Vraiment. Comment elle avait pu garder tout ça pour elle aussi longtemps ? De plus la situation actuelle était particulièrement grave… Bon sang, garder un tel poids sur les épaules pendant si longtemps aurait pu vraiment la détruire à petit feu, j’espère vraiment réussir à la convaincre de se confier à ses amis pour ne pas qu'elle accumule autant de soucis. Son histoire était déchirante, et hypersensible comme je l’étais, ses pleurs étaient presque contagieux et je passais un rapide coup de poignet au coin de mon œil pour y ramasser à temps la larme qui venait d’y naître. Bien que je ne la connaisse par vraiment, je ne pouvais pas la laisser comme ça, et je passais ma main sur son dos dans un geste rassurant accompagner de parole douce pour essayer de l’aider à se remettre de toute cette émotion. Je lui propose même de ne pas hésiter à me demander si elle avait besoin d’un câlin, ça fait toujours du bien quand on se sent mal. La rassurer me paraît essentiel avant de parler. Une main sur son épaule qui était posée en geste compatissant, je regarder le vide d’un air pensif, le temps de réfléchir.

« - Tu as vraiment vécu des choses terribles… Je suis désolé pour toi, et … mes condoléances pour ton frère. Je sais à qu’elle point c’est dur de perdre ses proches alors, je compatis sincèrement. Il n’y a que le temps qui puisse aider à s’en remettre… »

Je coupe net le sujet, pour éviter de davantage la déprimer. Je voulais lui présenter mes condoléances, mais finalement j’avais fini par parler des difficultés que l’on pouvait avoir à se remettre de telle blessure. Mais je ne pense pas qu’elle ait besoin de ça toute de suite, et honnêtement, je préfère ne pas repenser à la disparition de mes parents, de peur de faire remonter un quelconque souvenir ou sentiment. J’ai caché cette histoire sous le tapis, par peur d’affronter la réalité et je préfère continuer comme ça pour le moment. Je me tourne doucement vers elle sincèrement inquiet, mais je prends le temps de peser mes mots.

« Mais tu sais… Ce genre de chose… Il faudrait que tu en parles plus souvent à tes amis, je pense. C’est vraiment un passé difficile que tu as eu, et je pense que c’est important que tu extériorises, sinon c’est toujours plus difficile d’avancer… Tu trouveras toujours des gens pour t’écouter. »

La preuve en était ; elle était censée être seule sur un toit pour un appel et pouvait finalement se confier à un parfait inconnu. Je remarque d’ailleurs que j’ai toujours ma main sur son épaule, et l’enlever en vitesse pour ne pas l’incommoder. Mince, je sais que c’était pour essayer de la consoler, mais je suis toujours trop tactile avec tout le monde et je ne voulais pas l’indisposer. J’en reviens au sujet de sa conversation, plus simple à traiter dans l’immédiat.

« Pour ton petit frère, c’est sûr qu’il est beaucoup trop jeune pour tout ça, mais vous êtes quand même des sacrés courageux dans votre famille non ? »

Je lui adresse un sourire discret pour essayer de détendre légèrement l’atmosphère. C’est vrai quoi, avec tout ce qu’ils ont vécu ! Jamais je ne serais capable de faire preuve d’autant de bravoure et de solidité d’esprit.

« Il est dans le truc, c’est pour ça qu’il ne t’écoute pas, mais je suis certain que si tu lui en reparles comme tu m’en as parlé, il va t’écouter. Il finira par comprendre. Soudée comme vous avez l’air il pourrait rester pour toi, et pour ta grand-mère. »

Je ne comprendrais pas pourquoi ils risquaient de les abandonner. Ça me parait tellement insensé qu’il risque de les perdre pour aller se battre à son âge que je pense qu’il lui faudrait le temps de réaliser. À 13 ans on est impulsif et on pense toujours faire les bons choix, il lui faut le temps d’apprendre à remettre en cause les choses. Il ne pouvait pas lui faire ça, elle avait l’air bien trop gentille pour qu’il soit aussi injuste.  Je ne suis pas d’excellent conseil, je le sais, mais je veux vraiment faire de mon mieux pour l’aider.

« Pour ton petit frère, c’est sûr qu’il est beaucoup trop jeune pour tout ça, mais vous êtes quand même des sacrés courageux dans votre famille non ? »

Je souris légèrement. C’est vrai que pour le coup, on avait réussi à s’en sortir malgré tout.

« Il est dans le truc, c’est pour ça qu’il ne t’écoute pas, mais je suis certain que si tu lui en reparles comme tu m’en as parlé, il va t’écouter. Il finira par comprendre. Soudée comme vous avez l’air il pourrait rester pour toi, et pour ta grand-mère. »

Un silence suivit ses paroles. Je portai mon regard au loin en réfléchissant à tout ce qu’il venait de me dire. Il était de très bon conseil. Mais dire que je devrais en parler à des amis semble plus facile à dire qu’à faire. C’est vraiment une hantise, que j’ennuie mes amis avec mes problèmes. Ils ont déjà les siens et je n’ai pas envie de rajouter les miens par dessus. Mais en même temps, c’est sûr que ça m’aiderait à vivre mieux, et moins stressée. 


"Tu as raison. C’est vrai. Je devrais vraiment en parler à mes amis. Même si j’ai peur de les ennuyer avec ça. Mais si ça les ennuie sont-ils vraiment mes amis? Et ont-ils un coeur surtout? Si toi, qui ne me connait absolument pas a pris le temps de m’écouter et de me conseiller alors pourquoi eux qui me connaissent ne le feraient pas?" Je souris, reprenant confiance en moi-même, et me tourne vers lui. "Je vais faire de mon mieux pour m’ouvrir aux autres dorénavant!"

Je perdis vite mon sourire cependant. Toute cette histoire avec Rao…

"Rao… Je me doute qu’il est buté dans son idée et au contraire, vu notre caractère j’ai bien peur que si je n’agis pas, il s’enfonce dans son pétrin. Je vais essayer de lui en reparler. Mais je vais quand même voir avec ma grand-mère si il ne serait pas plus simple qu’elle vienne vivre ici. Elle commence à être âgée et se fatigue rapidement maintenant, donc je veux pouvoir être auprès d’elle si il lui arrive quoi que ce soit…"

Cette situation m’embêtait énormément. Ma grand-mère avait désormais plus de 80 ans. S’occuper de Rao n’est pas tâche facile en temps normal alors quand on a son âge, c’est encore plus épuisant. Et je veux pouvoir être à ses côtés jusqu’au bout.
"

Je joue avec mes mains d’un air embarrasser en espérant sincèrement avoir pu l’aider. Je ne suis pas forcément bien placé pour prodiguer des conseils sur de tel sujet, et je ne la connais pas vraiment, mais la voir aussi triste m’atteint beaucoup tout de même.

« Tu as raison. C’est vrai. Je devrais vraiment en parler à mes amis. Même si j’ai peur de les ennuyer avec ça. Mais si ça les ennuie sont-ils vraiment mes amis ? Et ont-ils un coeur surtout ? Si toi, qui ne me connait absolument pas a pris le temps de m’écouter et de me conseiller alors pourquoi eux qui me connaissent ne le feraient pas ? Je vais faire de mon mieux pour m’ouvrir aux autres dorénavant !
— Oui, n’ai pas peur de t’exprimer, tes amis seront sans doute toucher que tu leurs accorde ta confiance. »

Je relève doucement les yeux vers elle lorsqu’elle se met à parler, et lui souris d’un air bienveillant en réponse au sien, quand je vois les conclusions qu’elle tire de tout ça. C’est vraiment bien, si elle arrive enfin à passer outre cette peur d’embêter les autres. Je la comprends. Il n’y a rien de plus difficile que de parler de ses problèmes. Et ça peut-être terrifiant, cette sensation d’être envahissant pour les autres alors que ce n’est pas forcément vrai. Mais elle a l’air si motivée pour s’ouvrir… Ça fait vraiment plaisir à voir !

« Rao… Je me doute qu’il est buté dans son idée et au contraire, vu notre caractère j’ai bien peur que si je n’agis pas, il s’enfonce dans son pétrin. Je vais essayer de lui en reparler. Mais je vais quand même voir avec ma grand-mère si il ne serait pas plus simple qu’elle vienne vivre ici. Elle commence à être âgée et se fatigue rapidement maintenant, donc je veux pouvoir être auprès d’elle si il lui arrive quoi que ce soit… »

Oh… Il est si têtu que ça ? Hmm… Effectivement il faut qu’elle voie ce qui est le plus sûr pour sa famille et elle. Je mets en tailleurs, mes mains poser sur les mollets, et regarde l’horizon en réfléchissant.

« Hmm… Il y en a un certain nombre de groupe de révolutionnaire… Mais en plus de fait que ce soit problématique qu’il veuille s’engager aussi jeune, le groupe qu’il vise doit être probablement aussi particulièrement dangereux pour accepter d’enrôler des jeunes de 13 ans… »

C’est une réflexion que je me fais à voix haute, vraiment surpris. Les mages sont si peu nombreux… Bien que la révolution soit sans doute inévitable un jour, le fait qu’ils risquent la condamnation de personne aussi jeune me retourne le ventre.

« Pardon. Je réfléchissais à voix haute… Même si les intentions du groupe sont bonnes, je trouve ça assez inhumain d’enrôler des personnes aussi jeunes alors que le risque est immense. »

Je suis sans doute trop sensible à ce genre de chose, mais je ne trouve pas ça plus pardonnable que certains comportements de non-mage. Ça revient presque à condamner des enfants de sa propre communauté… C’est… Hmpf…

« Fais ce que tu sens le mieux pour ta famille… Leoska accueille des mages de tout âge. Si tu fais une demande en expliquant la délicatesse de la situation ça devrait même être possible de faire en sorte que ton frère intègre l’école ? Ta famille sont mage aussi ou soutienne juste la cause ? Parce que venir ici... ca pourrait être… Une façon pour lui de pouvoir défendre ses idéaux de défense de la communauté mage, mais de façon plus saine, et restant en sécurité et en se préparant pour l’avenir ? Il faut voir si c’est possible… En tout cas venir en France n’est probablement pas une mauvaise idée. »

Je soupire. Au moins ils pourront communiquer plus facilement et ça lui assurera qu’il ne s’engage pas dans des groupes dangereux. Et puis… Même pour profiter de bon moment en famille ça me semblait être une bonne idée.