CW : Crise de panique

Tu ne sais pas comment ni en combien de temps tu es arrivé à la coloc. Tu ne sais pas comment tu as réussi à respirer jusque là car la porte passée, tu te rends compte que ton souffle est court. Beaucoup trop court. Tu claques la porte en t’effondrant à moitié dessus, tournant tant bien que mal ta clé dans la serrure. C’est trop compliqué de respirer. Chaque inspiration est plus courte que la précédente, et tu as beau compter, chercher des objets sur lesquels te concentrer, ça ne donne rien. Ton cœur bat trop fort, ton crâne te fait souffrir, tes yeux ne transmettent que des images floues. Tu te sens détaché de toi, de ton corps, et l’étrangeté est rendue douloureuse à cause de la migraine. Tu t’éloignes de la porte et, une main sur le mur, tu entreprends d’aller dans ta chambre. Saph est sur le canapé, mais tu ne lae remarques pas avant de l’entendre toquer à ta porte.

« Hé... Mordred ? Ça va ? »

Ça te fait sursauter, angoisser un cran au dessus, mais tu finis par ouvrir la porte. Tu as besoin d’aide, ça ne va pas. Répondre est compliqué par ta respiration manquante, alors tu secoues la tête.

« Je... J'ai... M-J'étais à la... à la bibliothèque et-et j'arrive pas à respirer.
-Ok, viens, doucement… Essaie de commencer par t’asseoir…  »

Iel te guide comme appuie pour t’asseoir, et tu prends aussitôt de la distance pour signaler ton besoin d’espace. Pas de contact. Pas tout de suite. Pas maintenant. Tu comprends néanmoins où il faut aller et tu réussis à atteindre ton lit pour t’y asseoir. Saph se met ensuite à ton niveau.

« Tu veux prendre ma main pour la serrer ? »

Tu te redresses pour essayer de mieux respirer, ayant l’impression que si tu te tasses, rien ne rentrera et tu ne t’en sortiras pas.

« J’ai les miennes... »

Tu t’interromps en remarquant l’encre qui tache tes draps depuis que tu y as posé ton sac. Sac que tu jettes brusquement par terre pour éviter que le liquide s’étende.

« Putain de-aah c’est pas possible. »

Non, c’est pas possible. C’est pas possible. S’il y a ça aussi à prendre en compte, en plus du reste, tu vas… Quoi ? Rester en galère respiratoire ? Continuer d’avoir l’impression d’exploser ? C’est déjà la galère, c’est juste pire maintenant. Pour rien. Pour un détail. Rien à côté du reste.

« Désolé. Distance, j'ai compris. J’arrive. Je l'éloigne juste si ça te convient. »

Saph s’occupe du sac, le récupérant pour aller le mettre dans l’évier. Ça a le mérite de te soulager légèrement, mais tu oublies de lae remercier quand iel revient, un plaid en main. Iel se remet en face de toi et tu essaies d’abord de te concentrer sur ellui. Iel a l’air calme, sauf que… Non, en fait. Son inquiétude se voit. T’aurais pas dû l’appeler, tu te débrouilles très bien tout seul d’habitude. Tes yeux dérivent ailleurs.

« Tu es en mesure de me dire s’il y a des choses dont tu as besoin en priorité, pour t’aider ?
-Je... Je sais pas... J'ai- »

Tu inspires, tords tes doigts. L’expiration est difficile.

« J'arrive pas à ré-à réfléchir, mal à la tête.
-Ok, alors… Si tu as… besoin de parler n’hésite pas. Mais sinon, on va essayer de respirer ensemble. De plus en plus doucement. C’est d’accord ? Prends le temps qu’il te faut. »

Tu acquiesces, signalant ton impatience par un « maintenant ». Saph hoche la tête également et commence à inspirer en comptant jusqu’à deux, apparemment. Tu suis le mouvement, d’abord très déconcentré. Alors tu te forces. La longueur des inspire et expire s’étend, jusqu’à ce que tu t’effondres à nouveau. Si Scout te dénonce, t’es dans la merde. T’es tellement dans la merde. Tu ne vois même pas comment tu peux t’en sortir. T’as aucune excuse, aucune envie de te chercher des excuses. C’est grave, trop grave, et tu peux pas… Tu devais pas… ça va te retomber dessus et ce sera normal. Mais tu ne le veux pas, tu ne voulais pas faire ça.

« Je suis dans la merde. J'ai vr-... Uh... J'ai vrillé. Sur un type, jle connais pas.
-Qu’est-ce qu’il s'est passé, il t'a attaqué ? Enfin, si tu veux me l'expliquer.
-C’était trop… trop con... »

Saph continue d’être régulier dans sa respiration et tu fais un effort pour te caler dessus malgré quelques ratés.

« J'ai renversé son encre. Maintenant y'en a partout et ça part pas. »

Va falloir laver tout ça, mais ça restera… Tu respires, lâche un « bref... » dit avec difficulté et passes tes mains sur ton visage.

« Je sais plus. Il a téléporté la table et quand il m'a mis une claque j'ai... J'ai... »

Tu commences à tracer des lignes avec tes ongles, sur la paume de ta main.

« Avec mon pouvoir, des trucs pas... »

Un soupir, une nouvelle respiration. Pourquoi t’as fait ça… Pourquoi pourquoi pourquoi abruti dangereux inconscient malade…

« Hé. Mordred… T’es pas dans la merde, d'acc ? Enfin, c’est violent, mais… ça arrive. De vriller et d’exploser d’un coup face à un choc, quelque chose, enfin… Je sais pas ce que tu as fait exactement, et je sais pas qui est ce type, mais pas besoin de connaître ça pour savoir que si jamais il cafte, le personnel est… habilité à rencontrer ce genre de situation. C’est pas comme si tu l’avais attaqué juste pour l’attaquer. Ça s’explique et ça se nuance, ils sont plus susceptibles de vouloir te fournir de l’aide pour ça que de te tomber dessus.
-Mais c'est moi qui ai renversé son encre... Et j'ai pas b... ça devait pas... ça devait pas arriver. »

C’était qu’une claque, pas de quoi torturer un inconnu pour si peu… Tu fermes les yeux et appuies une main sur ton front pour essayer d’atténuer la migraine de plus en plus forte.

« C’est pas grave que tu ait renversé son encre en soit, enfin, même si c’est peut-être le début des événements. Les choses ont l'air d'avoir foutrement dégénéré mais c’est comme ça et ça arrive. Et ça passe. T’es en sécurité maintenant. Lui aussi probablement. Et si les événements se savent t’es pas en danger pour autant. »

Mais non ça passe pas ! Tu l’as entendu crier, t’as pas arrêté, il s’est évanoui parce que c’était trop ! D’où ça passe ?? Qu’est-ce qui lui dit que t’es pas en danger, que ça va pas te retomber dessus comme ça le devrait ? Tu ne réponds rien, loin d’être convaincu par ce qu’iel dit. A côté, iel prend une longue inspiration.

« Dit… Tu veux que j’utilise mon pouvoir pour t’aider un peu ?
-Si ça peut aider. »

L’effet tarde à se faire sentir, mais tu sens finalement un changement. Ça ne fait pas de miracle vu ton état de panique, mais ça apaise et tu en as besoin.

« Merci. Tu sors ce soir ?
-Non, pourquoi ? »

Ah merde. L’hallucination imposée à Scout risque de te revenir, tu ne sais pas avec quelle intensité. Tu improvises une réponse sans trop savoir ce que tu dis.

« Pour savoir, ce sera plus rassurant de me dire qu'il y a quelqu'un à la coloc si jamais ça empire encore.
-Hmm, ok. N’hésite pas si tu as besoin de quelque chose. Tu préfères être tranquille ?
-Je vais... Je me débrouille.
-OK… T’hésites pas hein. »

Bien sûr que si. Si tu pouvais éviter de t’exposer encore plus, de l’inquiéter… Iel se lève doucement.

« Je peux juste… ajouter un truc ?
-Quoi ? »

Tu ouvres les yeux pour lae voir hésiter.

« Ça va te paraître bizarre, mais… enfin, tu me connais et tu sais que des fois j’pars un peu au quart de tour et j’ai vraiment fait de la merde à cause de ça aussi. »

Non sans blague. Iel marque une pause et soupire.

« Mais, même si c’est pas infaillible et même si des fois c’est fatigant d’écouter les autres, saoulant d’appliquer les choses plutôt que céder, on m’a passé des tips pour gérer ça. Comme le fait de répéter des katas pour respirer, où d’utiliser le sac de frappe pour évacuer en apprenant à retarder le moment où ça tombe. Bref, tout ça pour dire que y’a des solutions et des gens qui peuvent t’aider. Ça pourrait être bien si… Enfin si tu trouvais ton sac de frappe quoi. »

Tu fronces légèrement les sourcils tandis que Saph hausse les épaules. Ses yeux levés vers toi, iel a l’air de vouloir t’aider sincèrement. Ça te touche comme ça te fait mal. Mais là pour l’instant tu n’as pas tout compris.

« A Décathlon ? »

A son air embarrassé lorsqu’iel passe une main sur sa joue, Décathlon n’était pas la bonne réponse. Tu as trop de mal à réfléchir pour t’en soucier.

« Heu… Pas exactement. C’était métaphorique, je voulais dire, l’même principe mais pour toi. Obtenir de l’aide pour trouver un exutoire et des mécanismes qui te convienne, parce que je me doute que… le sac de frappe c’est peut-être pas ton truc. Enfin après sinon tu peux prendre le mien. Mais l’important du message c’était pas ça. »

Hm… Tu as des mécanismes, des exutoires. Ils ne sont pas sains mais ils existent. C’est mieux que rien.

« Ah… J’ai déjà. Mais euh, merci.
-D'accord c'est... cool alors. Je suis pas loin si besoin de quoi que ce soit. »

Oui, cool, ça fait l’affaire. Lorsqu’iel s’éloigne pour partir, tu inspires à nouveau et l’appelles.

« Saph ? Juste... »

Tu hésites. Comment lui dire que sa présence compte énormément, que son aide est précieuse. Qu’iel est précieuxe. Que tu lae remercies infiniment d’être là.

« C’est sympa d’être là. C’est… important. »

Ouais, bon, tu travailleras sur ça quand tu n’auras plus l’impression de mourir à l’intérieur. Saph semble galérer. Iel ouvre la bouche, la referme et lâche ce qui s’apparente à un « y’a pas de quoi » que tu n’es pas sûr de comprendre. C’est plus un grognement qu’une phrase, qui s’accompagne d’un petit sourire que tu trouves très joli. La suite, un « C’est important pour moi aussi » qui ne ressemble absolument à rien, reste à peu près compréhensible sur le ton. Du moins tu l’espères. Tu lui réponds par un sourire, puis il quitte ta chambre.
Ça va… mieux. L’espace d’un instant serein, avant que tu te laisses tomber sur ton lit et recommences à réfléchir.