Thaddeus ?

Oui, Elias ?

J’en ai marre.

Très bien. J’en prends note et agirai en conséquence…

Merci.

MARRE DE QUOI, LIL’ SHIT ? Je suis certes dans ta tête, mais je ne suis pas DANS ta tête. Si tu veux parler, DIS DES CHOSES.

Bah justement, je sais pas. Marre des gens, mais marre de la solitude. Marre des études, mais marre de ne rien apprendre. J’en ai marre, quoi.



Une des innombrables balades nocturnes, en compagnie de mon frère ? Parasite mental ? Démon de paralysie du sommeil ? Bref, de Thaddeus.
On est devenus étrangement proches, ces derniers mois. Enfin, « étrangement », c’est vite facilité par le fait de vivre dans le même corps et avoir passé lesdits mois dans un environnement… Isolé, dirons-nous.


On est passés d’une haine mutuelle à une forme de compréhension, une amitié, voire relation familiale.

C’est aussi la seule personne à qui je peux parler à Leoska qui ne me donne pas l’impression d’être soit légèrement spooked, soit profondément jugeant. Et que j’ai pas envie de caillasser dès la première phrase. Ça aide.

Techniquement, je n’utilise plus vraiment ma magie de manière excessive, comme je le faisais y’a quelques années, donc les insomnies sont profondément moins violentes, mais on ne perd pas les bonnes habitudes et le concept de m’endormir avant 3h du mat’ est profondément contraire à ma nature.  Et même si ma chambre est un endroit fort douillet, il y a, disons, quelques souvenirs un peu marquants dans ce lieu qui se mélangent mal avec les longues réflexions nocturnes. So, balade dans la cour intérieure.



Ah. Bon. Pour les gens, j’te comprends. La plupart que j’ai croisé ici sont weird, et pas dans la définition fun du mot. Pour les études… Eh. On va dire que t’as un peu changé depuis ton année précédente, tes buts sont sûrement assez différents, c’est p’tet le moment de changer de cursus.

Mais c’est ça l’problème aussi. J’ai zéro idée de ce que je veux faire. T’as pas des idées ?

Oh, plein. Mais à chaque fois tu me dis non. Je peux te proposer un peu de domination mondiale, voire juste un peu de terrorisme gratuit, pour le chaos et la joie de la violence libre et injustifiable.

Hmm. Effectivement, je comprends le sentiment, mais je crois que c’est pas vraiment proposé dans les matières à étudier. Et je tiens à rappeler que j’ai activement pas la puissance magique ou physique suffisante pour ça. Donc ce sera non.

Tu vois, je t’avais dit que tu serais rabat-joie. De ce que tu me racontes, t’as l’air à peu près aussi coincé-e qu’avant l’année de terminale. Pourquoi ça te dérange plus que ça ne le faisait à l’époque ?

Bah parce qu’entre-temps, j’ai eu des vraies rencontres. Y’a eu Saoirse, puis mes colocs, et… Ouais. Voilà.

… Ouais. Bon, faut te trouver un projet fun, et suffisamment non violent pour pas se faire chopper par les autorités, à mon grand désarroi. Oh, on pourrait !... Non, oublie.



Je le sens reculer mentalement. C’est toujours bizarre comme sensation et mouvement. C’est pas vraiment physique. Aujourd’hui c’est moi qui ai le contrôle du corps, il ne l’affecte pas directement. Mais c’est comme si sa voix se faisait plus discrète.

J’arrête de marcher, il y a un banc juste à côté, des fleurs colorées un peu partout. C’est un bon endroit pour se poser quelques minutes.

Je sors mon carnet à croquis et commence à dessiner le paysage. Toujours un bon moyen de s’occuper les mains. Et ne pas passer pour un creep chelou qui reste immobile avec des mouvements de tête étranges quand je parle à la voix dans ma tête.



Thaddeus. Parle.

Nan, c’est une connerie. Oublie. Tiens, une autre idée, mets-toi aux arts martiaux, ça te défoulera. Il semblerait que ça ait fonctionné avec le coloc, là, Rubis ? Topaze ?

Saphirre. Et, non. T’as bien vu que je suis pas capable de quoi que ce soit dans le domaine chez Elin. Maintenant, tu me dis à quoi tu as pensé, sinon je vais chercher l’info moi-même, quitte à cramer ma magie et qu’on reste amorphes sur ce banc jusqu’à demain matin.

Ah, j’étais pas si loin ! Bon. Je… Hem. Rappelle-toi que je t’ai prévenu que c’était une idée de merde. Tu pourras pas m’en vouloir.

Il est présentement 1h du mat’, et même si la conversation portait sur le fait que je me fasse royalement chier, tirer les vers du nez de mon adelphe mental n’est une solution ni à court terme ni pour les années à venir. Alors, Thaddeus, encore une fois. Bouge ton cul psychique.

Je… J’ai pensé qu’on pourrait recréer Ambrelune… Ou un équivalent. Un monde mental. C’était… Confortable ? D’en avoir un. Puis y’aurait peut-être d’autres usages. On pourrait faire des recherches sur les possibilités, avec notre magie qui connecte les esprits, tout ça. Si ça se trouve, en le présentant bien ça peut faire un projet d’études et ça règlerait ton manque manifeste de motivation pour tes cours actuels. Mais… Nan, oublie, c’était vraiment bête comme idée.



Ambrelune… Le monde que j’avais créé, au pic de ma solitude, plein de frustrations et de besoin créatif.
Monde que j’avais détruit, de rage, pour emporter Thaddeus dans ses flammes.
C’est… Chargé, émotionnellement. Presque autant que le cas Ingi.

Mon crayon s’arrête sur ma feuille.

Recréer Ambrelune… La situation est à la fois si similaire à celle de l’époque, et si différente. Et le faire avec Thaddeus… Est-ce que c’est une bonne idée ? Est-ce qu’on se fait suffisamment conf...

Oui. Thaddeus est mon frère. On se connaît. Je lui confie mon corps, il me confie sa vie.



C’est d’accord. Je veux le faire. Avec toi. Par contre, on reprend tout de zéro, on se renseigne, on fait ça propre, on fait ça bien, pour une fois.

Thanks, partner. It means a lot.

We witches astray must stick together, brother.



La nuit sera longue, le sommeil court. L’adelphie Hawthorne a un nouveau projet.