Ça fait deux ou trois jours qu’on a rencontré les anti-mages avec Phil. Deux trois jours que je suis dans la vase mentalement et physiquement parce que tout et n’importe quoi me rappelle les camps. Les nuits passées étaient mouvementées et les journées bizarres. Je saurais pas trop décrire. C’est une impression de vivre dans un épais brouillard. Il pique, il fait mal au coeur. Il ne me laisse pas respirer correctement et mon champ de vision est dépourvu de lumière. Ça donne envie de dormir tout le temps, alors je m’abrutis de médicaments pour ne plus ressentir. Dormir longtemps. Jusqu’à ce que ça passe. J’ai séché les cours ce matin parce que je n’avais pas la force de me lever. En rentrant, j’ai repris un anxiolytique pour replonger le plus vite possible dans une sieste confortable.

Phil était là en entrant. Mon humeur est remontée en flèche en le voyant et pendant notre câlin. Après ça, c’était gênant. Je veux dire, j’aime profondément Phil et je ne veux rien lui cacher. C’est plutôt que j’ai du mal à faire face à mon propre mal-être. Du coup, quand il m’a demandé ce que j’avais fait de ma journée, je savais pas comment répondre. Savoir qu’il voulait garder un œil sur moi m’aidait pas. Ma maladresse non plus. Au final, il a deviné tout seul pour les médocs. Il a aussi deviné que je respectais pas l’ordonnance. Ou je lui ai plus ou moins dit parce que je sais pas mentir. Ni me retenir de pleurer. Je savais très bien que je faisais n’importe quoi avec les dosages, sans respect pour mon poids, mes problèmes de santé ou de sevrage. Mais c’est difficile de respecter une ordonnance quand on a constamment l’impression de revivre l’enfer. Heureusement que Phil était là pour me rassurer. Je l’aime tellement. Sa douceur m’apaise et ses idées sont toujours saisissantes. Par exemple, il voulait vraiment que je lève le pied avec les médocs et il a trouvé une idée de génie pour m’aider.

On l’a mise en œuvre après notre discussion. Elle m’a fait plaisir d’ailleurs, j’ai pu lui parler de ma famille et de nos blagues débiles. Notre entente merveilleuse et notre vie animée. Ils me manquent tous, en parler avec Phil est une façon de les faire revivre à mes côtés. Les couleurs reviennent pendant la conversation, comme si Phil avait jeté une goutte de peinture claire dans les eaux troubles où je patauge. Il en a ajouté d’autre en me proposant d’aller au club de musique pour faire de la batterie. C’était la première fois qu’il y allait aussi ! Ça me plaît qu’on fasse ça ensemble. Au début, je jouais comme un pied. C’était très moche. Cependant, j’ai fini par prendre de l’aisance et c’est devenu amusant ! Libérateur. C’est marrant comme la musique peut servir de second langage. Phil m’a rejoint au violoncelle, c’était joli et harmonieux. On était bien tous les deux.

Puis la musique a pris le pas. Mes émotions aussi. Je disais que c’est un second langage et c’est vrai, c’est même effrayant. J’aurais aimé frapper ceux qui m’ont fait souffrir, pas les caisses de la batterie. Que les bruits éclatés soient les leurs. Qu’ils paient pour avoir blessé des centaines de mages.
C’était libérateur. D’habitude, je n’accorde aucune importance à ces sentiments négatifs et Phil m’a permis de leur donner une place. On a continué à parler après ça. Notamment de ses propres émotions. Lui, il a l’habitude de mettre la poussière sous le tapis. Je le vois à son aura. Il se ment à lui-même pour se protéger. Comme je lui ai expliqué, c’est comme s’il choisissait une émotion opposée à celle que son aura montre. Lui aussi a des problèmes à régler. Des gros qu’il m’a dit, sur son passé par exemple. Mais on en a pas parlé ce jour-là. A la place, on a abordé notre rapport au monde extérieur. Lui, il avait hâte de sortir. Moi, j’en avais peur. C’est encore le cas.

Mais bon ! Pourquoi s’éterniser sur le négatif ? On a décidé de faire une soirée jeu en rentrant et on a fini chez Saph et Mordred pour un Monopoly ! C’est fou comme c’est toujours extrêmement gênant quand on se voit avec Saph. Comme si au lieu de marcher sur des œufs, on se les jetait à la figure sans savoir viser. C’est chaotique et aléatoire. Mais vous savez quoi ?? On va faire une chaîne Youtube ensemble ! Ça va être incroyable ! La soirée s’est bien passée dans l’ensemble, mais j’ai gaffé en parlant d’auras devant l’autre couple. Mordred et Saph ont peur des émotions je crois. Ou qu’on les voit. C’est étrange, agressif. Leur réaction m’a fait peur et mon angoisse est remontée en flèche. On est donc rentrés avec Phil pour finir la soirée chez nous.

Il a essayé de m’expliquer comment faire pour ne pas brusquer les gens en parlant de leur aura. J’aimerais dire que j’ai tout saisi, mais des maladresses futures prouveront le contraire. Il m’a encore rassuré comme l’amour qu’il est. Il m’a même dit très sérieusement qu’il m’aime et qu’il ne me laissera pas tomber. Je doute pas de lui mais j’ai tellement peur d’être un boulet pour lui. Je lui fais confiance cela dit. S’il dit qu’il est bien, il l’est. D’ailleurs on l’était tous les deux sur le lit quand Saph et Mordred ont commencé à faire beaucoup de bruit ! Ils ont chanté des chansons franchement bizarres alors on a décidé de les accompagner avec des casseroles, en tapant dessus de façon pas du tout harmonieuse. Harmonie qu’on a restauré quand Phil m’a demandé si je savais chanter. J’étais terriblement gêné mais j’ai fini par chanter Vers le ciel de Rebelle. J’aime bien cette chanson, elle évoque la liberté et la musique est belle. Phil m’a dit après que je chante super bien. Perso, j’étais très content de moi ! Ça faisait du bien de chanter, je sais même plus quand je m’étais laissé aller comme ça pour la dernière fois.

On en est arrivé à parler d’aquarium parce qu’on va en installer un dans notre appart. Un grand ! Immense ! J’adore que nos idées se réalisent dès qu’on en parle. Comme celle que Phil lance en dernier… Faire du sport… On va le faire hein, mais c’est pas ma tasse de chocolat. Heureusement qu’on commence par la natation.