Mon pouvoir m’a encore complètement privé de ma matinée, quelle plaie. À la base, je l’avais utilisé pour faire baisser les yeux à un gars qui s’y croyait un peu trop. Mais évidemment, il avait fallu que cette maudite meuf me passe devant deux minutes plus tard pour me prononcer ces mots honnis « J’aimerais tellement avoir le même haut que toi ! ». J’aimerais. Bien sûr que tu aimerais, ma grande, comme tous les autres lèche-bottes de cette école qui voudrait me ressembler. Mais si tu pouvais économiser ta salive et retenir la spontanéité débordante que je t’inspire lorsque je suis en contrecoups… Ça m’arrangerait.

J’ai tellement honte. Je suis partie en courant comme une immense weirdo pour sortir en ville acheter le jumeau en disgrâce de mon haut actuel. De la même qualité, mais… Il ne rendra pas du tout aussi bien sur elle. Hmm non vraiment, ce que je sublime comme un ornement la poursuivra comme une faute de goût ; autant enfiler une robe à une bouche d’incendie avec la gueule qu’elle se traîne, c’est affligeant d’avoir si peu de charisme.

Je prends plus d'une heure à la retrouver, et au lieu de tomber à genoux devant ma générosité, elle affiche cet air sceptique et surpris lorsque je lui ai tendu le haut. Elle l’a pris. Ça m’a libéré de l’ordre.

« Haha, désolé pour mon départ précipité, j’ai eu un problème de contrecoups. C’est pour me faire pardonner, je l’avais en double. Si ça t’intéresse ? Il est neuf. »

Joli rattrapage pour ne pas que l’on comprenne que je fais tout ce qu’on me demande, bravo moi. Je n’ai pas besoin de sa validation, mais d’éviter que des bruits courent sur moi. La pigeonne était plutôt chill et a accepté l’offrande en riant de la bizarrerie de la situation. Les meubles sont saufs, je suis passé de « Giga chelou » à « Surprenante, mais sympathique ». Mais ça me fait chier d’avoir dépensé de l’argent à cause de ça. Il faut que je sois plus parcimonieuse dans l’utilisation de ma magie, un jour ça me pourrait me jouer des tours bien plus contraignants que celui-ci.

Ceci étant dit, ça m’a mis en retard. Je déteste le retard. Je devais passer assez tôt dans l’après midi voir Elarielle pour mettre le plan à exécution ; celui de rendre son coloc fou de jalousie. Facile. Qui ne m’envierait pas ? Qui ne sentirait pas son égo mis en danger en faisant face à quelqu’un comme moi ? Piétiné la fragilité d’un homme rehaussera mon humeur après cette matinée catastrophique.

Vu la nature du plan, je prends quand même le temps de me doucher avant, tant pis, je sauterais le repas plutôt. J'ai couru et la sueur, c'est pas possible.

J’en ai profité pour enfiler des fringues encore plus seyantes. Un pantalon cintré un peu ample avec un haut noir fendu sur la longueur en un immense décolleté plongeant, pour finir en ras-le-cou. Je me suis rehaussé de bottines à talon haut avec lesquelles je frôle les 1m80.
Je toque à leur porte.

« Elarielle ? »

Elle semble se précipiter à la porte et ouvre.

« Hé salue-toi ! Je… Bah rentre. »

Pourquoi cette surprise ? L'heure, j’imagine ?

« Je suis te-lle-ment désolée du retard chéri, j’ai eu quelques contretemps ! Tu vas bien ma belle ? »

J’entre avec une démarche impériale. J'aperçoit la forme de quelqu’un d’autre dans mon champ de vision, mais fais mine de ne pas l’avoir remarqué. Parfait, il est là, on va directement annoncer la couleur. J’adresse un sourire rayonnant à Elarielle, prend sa main et dépose un baiser dessus en haussant une épaule pour le style. Je minaude oui.

« Impeccable et toi ? T’es belle comme un cœur aujourd’hui ? »

Je m’esclaffe d’un très doux rire tintant, agrémenter de mon meilleur regard amouraché.

« Ça va encore mieux maintenant que je te voie. Tu es superbe aussi, comme d’habitude, on fait la paire. »

Elle m'envoie un baiser que je reçois avec une expression amusée, m’éventant comme s'il faisait trop chaud. J'adresse un regard qui se veut surpris à Liam comme si je notais enfin la présence de cette armoire à glace qui mobilise déjà bien trop de place. Je lui souris, chaleureuse. J’ai perdu assez de temps aujourd’hui, je n’ai pas la patience de traîner en longueur, alors pour une fois, je passe directement à l'offensive.

Je glisse l’un de mes bras sur l'épaule d'Elarielle, de manière légèrement lascive presque possessive.

« Oh pardon, je ne t’avais pas remarqué. Lars c’est ça ? Enchanté de faire enfin ta connaissance ! Je suis Muse, mais Elarielle à surement du te parler de moi, même si ça ne fait pas longtemps que… » de mon autre bras, je prends sa main et hausse une épaule d’un air naïf avec un sourire ingénu « Tu sais… Qu’on est ensemble elle et moi. »



   

   
Hahahaha. Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?

Un sourire neutre figé sur le visage, j’analyse brièvement la situation. Liam prétend être au courant qu’on est ensemble, fait impossible puisqu’Elarielle elle-même ne pouvait pas savoir que j’allais adopter une stratégie aussi frontale et n’aurais eu aucun intérêt à le prévenir.

Quant à elle… L'embrouille, quand on est un monument de sureté, c’est que c’est absolument flagrant quand on perd pied. Son assurance tangue à vue d’œil, ses propos sont incohérents et elle cherche régulièrement la validation du regard de Liam. Oh chérie. Tu n’as donc rien appris ? Enfin, ce n’est pas mon problème.

Non, ce que je constate c’est qu’il y a clairement des nouveaux bails entre eux et qu’elle n’a pas jugé utile de me mettre au courant. La bonne surprise en revanche, c’est Liam. Lui que je prenais espèce d’homme des cavernes — tant pour mes présomptions sur son intelligence, que sur le fait que l’invention du vêtement à l’air de lui passer au-dessus — n’as pas réagi comme un stupide male cis possessif à deux balles. Non. Il a eu le nez plus fin que ça et il joue de la situation. Intéressant. Ça rehausse mon capital sympathie pour lui, et vue qu’il n’est visiblement plus à punir, je pense qu’il serait judicieux de profiter de la conjoncture actuelle pour donner une amicale leçon de vie à Elarielle.

J’attrape ses deux mains avec enthousiasme.

« C’est vrai chéri ?? Tu vas nous faire un repas maison ? C’est une super idée pour apprendre à tous se connaître, en plus je n’ai vraiiiment pas eu le temps de manger ce midi, je meurs de faim. Heureusement que t’es là. »

Je lui fais un bisou sur la joue et pars accrocher mon sac à une chaise et balaie l’air de la main pour appuyer le fait qu’il n’y a aucun souci.

« Et, oh ne t’excuse pas ma belle, tu as bien fait de prendre les devants ; après tout tu fais ce que tu veux, tu n’as pas besoin de me tenir au courant de tout. »

Mmh oui, subtil message. Je reviens, les paumes sur la table et adresse un sourire radieux à Liam. J'ai envie de tester si je peux m’en faire un allié pour embarrasser Elarielle qui nous a prend tout les deux pour des imbéciles. Voyons si elle as vraiment assez de peinture pour jouer sur tout les tableaux.

« Merci pour ta proposition d’ailleurs, ça me ferait plaisir de passer un peu plus de temps ici, mais je voulais pas trop te déranger ou que tu aies l’impression de tenir la chandelle ? Question indiscrète, mais tu es qui exactement pour elle, vous êtes meilleurs amis c’est ça ? »




   

 
Ainsi commence le spectacle. Le cirque. Quel clown ce Liam. Il l’a trouvé où son sens de l’humour, dans le cul du patriarcat, en train de prendre la poussière à côté de sa prostate ? Belle ironie, mais puisqu’apparemment on est sûr de l’exposition gratuite de pratiques sexuelles… Je soupire. Ça m’aurait amusé de créer une alliance pour mettre mal à l’aise Elarielle, mais c’est clair qu’on ne joue pas dans la même cour. J’aurais dû me fier à ma première intuition, pas à la première réaction de ce primate.

J’hausse les sourcils et cligne des yeux aux ralenties quand il l’embrasse. Noooooon sans blague, vous êtes ensemble ? Je vais m’étouffer de surprise. Et tu te sens obligé de me le montrer en te comportant avec elle comme si c’était un putain de terrains conquis sur lequel tu as la main, c'est ça ?

Il me sourit après sa connerie. À sa réflexion, une sensation désagréable que j’ai du mal à identifier me traverse. Je crois que je déteste les couples ou c’est peut-être les mecs hétéros qui me mettent sur les nerfs comme ça, je sais pas. Sérieusement, il se prend pour qui ? Éloigne ton haleine de bovin engraissé à la whey de ses lèvres, pour commencer.

Lorsque Elarielle se justifie, je tapote la table du bout des doigts d’un air sceptique. Belles excuses. Mais vous savez quoi ? On s'en fout. C’est la suite l’important. Quand elle le reprend et l’avertit. Je comprends même pas pourquoi elle est aussi douce.

Ugh. Elarielle, Elarielle. Qu'est-ce qui a bien pu te passer par la tête ? Je me pince l’arrête du nez un instant en soupirant et montre ma paume en signe de « stop ».

« Non, range ton regard plein d’excuses chérie. Ça ne te ressemble pas, et je me fous qu’une semaine soit visiblement trop courte pour écrire un message quand tu m’impliques dans tes conneries de mauvais choix de couple. Genre, sérieusement, lui ? »

Je soupire, agacée.

« La seule personne auprès de qui tu as à te faire pardonner Elarielle, c’est toi-même pour le peu de respect que tu t’accordes à autoriser ton espèce de sex-toys bodybuilder à se comporter comme si tu lui appartenait. Peut-être qu’au lieu de te soucier de ma validation Liam, la prochaine fois tu lui demanderas son accord à elle avant de l’embrasser comme tu viens de le faire ? Ou avant de la laisser en plan après un coup foireux ? »

Je m’appuie sur la table. Puisque les masques sont tombés, je drop l’attitude frivole au profit d’un sourire glacial et tranchant. Je regarde d’un air pensif ma manucure, et ajoute, d'une voie toujours aussi calme.

« Oh et je sais que ce n’est pas le cas, mais ce n’est pas comme si avoir un OnlyFan était quelque chose de honteux, c’est juste un bon moyen d’acquérir des thunes. J’ai hésité pendant longtemps à m’en faire un d’ailleurs. Oh, bien sûr je me doute que c’était pour rire et que hors de ces circonstances tu ne t’amuserais ni à exposer les pratiques sexuelles de ta meuf, ni à tourner en dérision celles des autres, mais je trouve juste que… ça fait un peu pitié de se servir de ce genre d’étiquette pour essayer de te foutre de quelqu'un, alors que c’est juste une façon supplémentaire de cultiver des préjugés absurdes autour de ces pratiques. Si tu veux tourner quelqu’un au ridicule, fais-le de manière efficace ou intelligente, pas comme un collégien. Bref. Ce n’est même pas le cœur du sujet, j’ai juste trouvé ça agaçant et primitif de ta part. »

Sur ces belles paroles, mon regard impérieux passe de l’un à l’autre avec une certaine indolence calculée.


 

 
Évidemment que j’ai profité du spectacle. J’ai savouré à sa juste valeur chaque instant ou Elarielle à piétiné l’égo de ce pauvre abruti avec la finesse d’un œnologue qui analyserais toutes les nuances d’un bon vin. Du travail de pro. Un moment délicieux.

Jusqu’à ce qu’il reprenne la parole.

Blah, blah, blah. Holala, mais quand est-ce qu’il la boucle ? Il est tout le temps comme ça ??? Un rire léger m’échappe.

C’est un putain de sketch. Et ça s’arrête, genre, jamais. Wah... il est vraiment en train de nous pondre un discours complètement téléphoné et pseudo moraliste en passant droit à côté de ce qu’elle lui a dit. Il vit dans la stratosphère, c’est pas possible. Ahn oui, c’est vrai. Le pauvre chat, il a passé sa vie en camp. Tant mieux, au moins ça lui fait une excuse correcte pour avoir l’air autant à l’ouest, mais il serait peut-être temps qu’il se mette à la page. Bienvenue dans le monde réel. La force, c’est le pouvoir. Et le pouvoir, on l’obtient quand on est près à tout pour le gagner. Pour grimper au sommet, il faut savoir se faire une place ; mais ça, ça te dépasse mon grand et elle à probablement autre chose à foutre que de te l’expliquer.

Je lui fais un petit signe de main amusé quand il parle de cette fameuse pote névrosée qui se la joue bad bitch. Oui c’est mwa, quelle fine analyse mon grand. Je dirais plus dangereuse que névrosée, mais ça se tient déjà plus que le reste de tes vociférations alors je ne vais pas être tatillons.

Les yeux levées au ciel, je pousse un soupire de soulagement quand il finit enfin par se tair — AIE, MAIS PUTAIN, IL VIENT DE ME FRAPPER LA ? Prise d’une vive douleur au visage, je réfugie mon nez ensanglanté dans mes mains comme si ça pouvait remettre mes vaisseaux en place.

MAIS BÂTARD. Putain non, non, non. J’espère qu’il ne l’a pas pété, mon visage c’est mon futur instrument de travail. S’il me l’abîme, je détruis sa vie. C’est son problème s’il s’en branle d’être putain de thon, mais j’ai pas l’intention de le laisser m’envoyer dans son club.

Passer le choc, je sens la fureur se répandre dans mes veines comme du venin. C’est pas la douleur le problème. C’est l’humiliation. Ça m’obsède. Un sentiment de haine profond noie mon cerveau dans la matière poisseuse et noire qui le constitue, brouille mes perceptions, brûle ce qu’il me reste de masque social.

Oh, non. Non tu ne vas pas partir. Pas sans payer. Personne ne me marche dessus.

Ma voix sonne. Neutre, ferme, comme si je parler à un clebs, a la difference qu'elle est chargée de magie.

« Assis. Pas bouger. »

Et il commence à se soumettre à ma volonté. L’ordre du monde revient à la normale, le pouvoir m’est restitué et se manifeste en un sourire mauvais sur mes lèvres.

« C’est ce que tu sais faire de mieux, hein ? Obéir comme un chien. C’est peut-être pour ça que tu ne comprends pas pourquoi elle n’obéit à personne, pauvre tanche. Ni à toi, ni à sa pote névrosé. C’est ouf que tu prétende l’apprécier alors que tu lui accordes aussi peu de crédit. T’essaies juste de te sentir exister à travers elle en essayant de te croire indispensable, mais mec, t’es rien ? Tu t’es regardée avant de parler de complexe d’infériorité ? T’es tellement au fond, tellement désespéré de te faire tej que t’as rien d’autre à foutre que de la rabaisser pour tenter de te sentir au-dessus. My god, ça fait pitiéééé. »

J’éclate de rire et m’approche, face à lui, me penche.

« Bref… Je suis de bonne humeur alors laisse-moi te dire deux choses utiles sur l’univers dans lequel tu vis, Liam. La première, c’est qu’il ne tourne pas autour de ton pauvre petit nombril, sinon, qu’est-ce qu’on se ferait chier. Redescend. T'es pas la dernière main qui lui sera tendue, t'es juste un poids accroché à sa cheville. La seconde, c’est que tes jolis discours sur la force ont beau être absolument adorables, que le monde n’a jamais été dirigé par la morale. Une évidence. Tu as fait des camps non, tu devrais le comprendre pourtant vue que t’as été exploité exactement pour ça ? Le pouvoir on le prend. Les obstacles, on les jette. Alors… »


J’attrape brutalement ses joues dans ma main pour le forcer à me regarder dans les yeux. Son visage se couvre de mon sang, celui recueilli dans ma paume lorsque j'appuiyais encore la blessure. Et je doit admettre y prendre un certain plaisir, à le signer à mon tours de façon aussi humiliante.

Le pouvoir me retourne tellement que j’en oublie mon état, je me laisse juste emportée. Le regard brillant de satisfaction malsaine, alors que mon nez continue à saigner, à tacher le sol, mon visage, mes vêtements sans que je ne fasse rien pour l’en empêcher ou le cacher.

« Laisse-nous gérer ça, hein ? Toi, fais-nous plaisir, continue à être le bon petit toutou que tu es, et va remuer la queue pour une autre qui aura la patience d’être ta mère si t’as à ce point besoin d’attention, d’accord ? Bien. Et rappelle-toi bien la prochaine fois que tu comptes lever la main sur moi, que j’ai le pouvoir de faire de ta vie un enfer et que je ne serais pas toujours aussi clémente. »

J’essaie de maintenir un sourire froid, mais un bourdonnement horrible commence à me prendre la tête. Je serre les dents pour lutter. Trop tard.

Je lâche son visage, et en une fraction de seconde, il se redresse vivement. Je recule d’un pas mécanique me sachant pertinemment en danger physique face à lui. À tout moment, il peut me défigurer, et je ne pourrais rien faire. Je m’apprête à tenter de répliquer quitte à flinguer définitivement mon cerveau en enchaînant deux ordres de mon pouvoir, mais il me prend de cours.

« Ta gueule ! »

Ma volonté propre se sape complètement, m’échappe, coule comme les dernières gouttes d’un vin qui aurait tourné et que l’on verse au fond d’un évier. Il n’y a plus rien que du silence. Ouais, je me la ferme ouais. C'est tout. Y'a plus personne.


 

Ta gueule.

Ta. Gueule. C’est stupide, enfantin, tellement anodin comme ordre. Sauf peut-être quand pour vous, les mots, c’est le pouvoir. Sois belle et tais-toi, hein ? Je laisse ça aux égéries éternisées sur le velouté du papier, aux figures de proue sculptées. Les gens ont peur de celles qui parlent et j’aime être la source de leur crainte. Et ma voix… Oh, elle est dangereuse, bien plus dangereuse que celles du commun des mortels. Alors, c’est pour ça ? C’est pour ça que je flippe à ce point ? Parce que je suis qu’un joli visage et quelques octaves de pouvoirs. On m’a déjà retiré le premier, et ces quelques secondes finissent de me faire réaliser à quel point il est bancal de se reposer sur le deuxième.

Alors je devrais être ravi de relever le succès de mes récentes démarches : s’appuyer sur d’autres. Elarielle s’interpose, me sauve la mise. Sans elle, Liam pouvait clairement me casser la gueule à sa guise. Notre stratégie paie, ensemble on ne peut être que victorieuse. Mais son ton doux me laisse dans la bouche un goût aussi âcre que celui du silence. Cette frustration d’être infantilisé à juste titre. Je croise les bras et me concentre sur ce sentiment pour finir d’écraser la peur qui m’a prise de court. Je peux pas me la permettre. Je reste droite, fière, silencieuse. Comme si tout était calculé. Comme si je pouvais faire autre chose que les écouter.

Après tout, c’est leur merde. J’aurais été ravi de me proclamer en être la cause, et de m’attribuer cette gloire dramatique d’avoir piétiné ce qu’il considérer visiblement comme la plus belle partie de sa vie. Mais honnêtement ? Ce pauvre Liam m’accorde trop de crédit. J’ai retiré la sécurité du flingue de Elarielle, mais j’ai pas tiré, non. Elle est grande, elle prend ses décisions toute seule, si elle te tej’, c’est qu’elle a jugé que c’était la bonne chose à faire, pas que je lui aie soufflé à l’oreille. Elle n’est pas si influençable ; c’est d’ailleurs pour ça que je l’apprécie comme une égale. Et tous ses propos sont pleins de sens.

Non vraiment, ça me consolerait presque de la voir le faire chouiner comme ça. Il essaie même de tirer sur la corde sentimentale sur la fin « Et si ? », comme s’il avait une chance. Il me fait trop pitié, c’est presque adorable de le voir s’accrocher désespérément. Ça lui va bien le chien, ça colle à sa vibe. Avec sa pauvre tête malheureuse. Ahw. Oui, préfère définitivement le voir de cette façon que comme une menace. Alors, je continue de les observés d’un regard insistant, curieuse de constater l’issu de leur délicieuse engueulade en spectatrice privilégiée. Je n’ai plus qu’à considérer ce silence comme un respect de l’audience, et profiter du shitshow.

Elarielle à l’air agacé. As she should. Et sa colère est délicieuse, tout autant que le flegme odieux avec lequel elle congédie Liam. Je savoure un instant le silence que laisse son absence, avant que ce dernier ne soit brisé par le claquement sec d’un carnet sur la table, et la voix d’Elarielle qui pourrait s’habiller du même qualificatif.

Regretter ses actes ? Quels actes elle pouvait bien regretter ? D’être sortie avec ce blaireau, certes, mais elle a rattrapé son erreur avec brio aujourd’hui. À moins qu’elle ne parle des pensées qui lui traversent actuellement l’esprit, mais je ne suis malheureusement pas télépathe. However, ces questions ne sont pas à poser sur un bout de papier, mais au cours d’une conversation, je les garde donc pour moi.

Je vais aller à l’infirmerie pour ma part, histoire d’éviter que mon nez ne gonfle ou d’autres horreurs du genre. On se donne rendez-vous 16 h au chapeau danseur ?

Elle confirme et je souris.

Parfait, à tout à l’heure ~

J’agite les doigts en un signe d’au revoir et sort en direction de l’antre de madame Dulac. Je me demande comment elle va réagir en voyant que je me suis fait frapper, elle avait l’air d’avoir déjà beaucoup d’empathie pour moi. Je pourrais peut-être faire accuser Liam ? … Nan il pourrait parler de mon pouvoir. Bref. Espérons qu’ils puissent faire quelque chose pour réparer ces conneries ou je tape un scandale. Je tape un scandale ET, j’ordonne à la première brute qui passe de défigurer Liam pour qu’il goute un peu sa propre médecine. Hmm, oui. Charmant programme.