Eizh est parti, Kira est restée. Son départ était prévisible. Peut-être que pour te débarrasser de l’autre partie de cette colocation, tu devras te battre avec um de ses ami.es. Ou partenaires. Si elle a des ami.es ou des partenaires. Ce serait plus simple pour être libérée d’elle. Non… Elle ne serait pas du genre à fuir la queue entre les jambes comme Eizh. Elle n’a pas la même détestation du conflit ; ton animosité semble lui glisser sur la peau comme de l’eau sur des plumes. Tu te fais cette réflexion parce que tu as la porte de la chambre de Kira dans ton champ de vision, et que tu relis la note qui indique qu’une nouvelle adition à votre colocation devrait arriver dans l’heure. Tu as pris la peine d’attendre Kira, puis Eizh, patiemment, quand iels sont arrivé.es. Vu les résultats que tu as obtenus, tu es très peu encline à prolonger tes efforts pour être sociable, aimable et agréable avec la future nouvelle venue. Tu n’as pas préparé de thé, et tu n'es dans le salon que parce que la lumière est plus agréable pour lire que dans ta chambre, un roman ouvert sur les genoux et la note, qui te servait jusque là de marque-page, sortie l’espace d’un instant pour vérifier l’heure à laquelle tu seras dérangée dans ta lecture. Tu soupires, glisses le petit papier une dizaine de pages après celle à laquelle tu t’es arrêtée et tentes de te reconcentrer sur les mots qui se suivent et se confondent alors que ton agacement commence à monter. Avec ta chance en termes de colocataire, tu vas te retrouver à devoir gérer une autre catastrophe à forme humaine, un boulet, quelqu’un de bruyant ou de complètement dérangé. Non, vraiment, tu n’as pas envie de t’embêter à préparer un thé de bienvenue et de prétendre que vous serez de grandes amies alors que tout porte à croire que tu n'apprécieras pas cette personne, voire que tu auras les trois quarts du temps envie de l’étrangler ou de l’étouffer dans son sommeil avec un oreiller. Tu ne seras en tout cas pas familière avec elle comme tu l’as été avec Eizh un soir de faiblesse. Tu ne referas pas la même erreur, confier une partie de ton histoire à quelqu’un de maladroit et qui ne fait pas attention à ce qu’on lui confie, à la privacité de ce qu’on lui confie, et te retrouver à devoir ramasser les pots cassés de ta propre bêtise. Agacée, tu sors à nouveau la note et la glisses à la page que tu n'arrives pas à reprendre, et décides d’aller te faire un thé. Tu ne veux pas préparer de fête de bienvenue, mais tu peux difficilement rester concentrée quand tu sais que quelqu’un va arriver, quelqu’un de nouveau qui va envahir ton espace, qui ne respectera probablement pas tes besoins et tes limites, en bref, tu ne peux pas te plonger dans un livre quand un décompte imaginaire menant à une rencontre déplaisante s’impose à ton esprit chaque fois que tu essaies de penser à autre chose. Tu sélectionnes un thé noir à la rose, fais chauffer la bouilloire et passes par toutes les étapes de la préparation de ta boisson, avant de retourner t’installer sur le canapé, un coussin calé sous un genoux. Tu reposes ton livre. Le reprends. Bon sang, tu détestes ça.

On frappe à la porte.

Bon.

Tu soupires. Aller. Il est temps d’être polie. Tu peux difficilement prétendre être absente et laisser la nouvelle arrivante patienter des heures, elle a les clés et vous pourriez vous retrouver nez à nez, ton dédain à l’idée de la rencontrer évident. Non, tu vas devoir faire un effort. Tu reposes une dernière fois ton livre et déposes par-dessus la couverture ta tasse dans sa coupelle en prenant garde de ne pas tout renverser sur les pages. Tu redresses le coussin, repousses le plaid et vas ouvrir la porte sans te presser. Tu passes une main dans tes cheveux pour les dégager de devant tes yeux et leur donner un aspect plus ordonné, et lisses rapidement les pans de ta robe vert d’eau – ample, droite et longue, qui recouvre tes jambes et frôle tes chevilles nues quand tu te déplaces. Tu étais en cours ce matin, mais tu as pris le temps en rentrant de te changer pour porter quelque chose qui te plait, et qui est plus confortable que l’uniforme de Leoska qui ne te va, de toute façon, pas très bien. Question de coloris.

Tu ouvres la portes avec un air artificiel, travaillé pour ne pas évoquer immédiatement tout le dédain que tu ressens vis-à-vis de la nouvelle addition. Première remarque : elle présente bien, bien mieux que Kira ou Eizh. Elle a l’air calme. Elle est bien habillée. Ton regard neutre et un peu vide s’adoucit et tu déciderais presque de lui laisser une chance, si elle ne venait pas interrompre ta séance lecture. Tu ne peux toutefois pas la laisser sur le pas de la porte avec ses bagages, puisque, comme indiqué précédemment, elle a les clés. Tu fais donc la chose la moins simple, et t’écartes pour la laisser passer.

- Tu dois être notre nouvelle colocataire. Bienvenue, je suis Aprilynne. Tu as besoin d’aide pour déplacer tes affaires ?

Tu adoptes un ton affable, mais commences déjà à enchainer intérieurement les différents points que vous devrez aborder une fois qu’elle sera rentrée quant à la tenue de l’appartement, du maintien du calme – elle n’a peut-être pas l’air d’être trop vive et bruyante, mais tu ne pourras être sure qu’après l’avoir vérifié par toi-même – et des règles de vie que tu as mises en place sans demander l’avis de personne, et que tu entends bien faire respecter pour conserver ton confort. Kira n’est pas là pour l’instant, tu auras peut-être le temps de mettre quelques choses au clair avant son arrivée. Tu indiques la porte de la chambre qu’occupait Eizh et dans laquelle tu n’as mis les pieds que pour faire les poussières de temps en temps, d’un vague geste de la main.

- La chambre vide est ici. Kira – notre autre colocataire – a encore quelques heures de cours avant de rentrer, mais tu la rencontreras quand elle aura fini sa journée, si elle ne passe pas le reste de son temps libre au club de bricolage.

Tu te gardes d’ajouter « tu la rencontreras bien assez tôt », parce que ce n’est pas le moment de passer pour la peste que tu es, et d’afficher clairement ton opinion au sujet de ta colocataire.

Elle marque des points avec une aisance remarquable. Elle est polie, calme, elle ne fait rien tomber en déplaçant ses valises et présente très bien. Tu refermes la porte une fois qu’elle est entrée, et hoches la tête à ses paroles. Bien. Très bien. Tu aventures un sourire léger, en te disant qu’il y a moins de chances que tu regrettes ton amabilité qu’avec Eizh, qui s’est très vite mis à te coller une fois qu’il a vu que tu étais polie avec lui. Elle ne renvoie pas le même genre d’énergie. Sa présence sereine adoucit ton humeur, et tu te surprends à ne plus être si agacée d’avoir été dérangée en plein chapitre, voire à admettre que tu n’étais, de toute façon, pas si investie dans ce livre que ça.

- Je suis d’accord. Je n’aime pas les espaces encombrés et je déteste vivre dans le désordre. Ça ne devrait pas être un problème, Kira a l’habitude que je sois… tatillonne sur ce sujet. Sa chambre est une vision cauchemardesque, mais elle ne s’étale pas trop dans le reste de l’appartement.

Ce qui est une bonne chose, parce que tu serais capable de brûler ce qui trainerait trop longtemps, et de déposer les cendres dans une urne sur son bureau avec un message assassin. Tatillonne, tyrannique… tu évites de te présenter sous un jour trop défavorable. Il y a encore une chance pour que votre vie commune se passe bien, autant ne pas tout gâcher en révélant ta charmante personnalité quand il est plus simple de mentir et de vivre en paix avec tes camarades. Ça n’a pas marché avec Kira, mais ça fonctionnera peut-être avec Ilenor. Elle s’éclipses, et tu fais la liste de tout ce que tu vas devoir aborder. C’est la troisième fois que tu as la même conversation, avec trois personnes différentes. D’abord Kira, puis Eizh et enfin Ilenor. Ces présentations sont pénibles et fastidieuses, mais elles ont au moins l’avantage de te donner un aperçu de la nouvelle personne avec laquelle tu vas vivre : Kira s’est révélée chaotique et dure à supporter dès le début, Eizh a été immédiatement maladroit et collant. Tu présumes que c’est le moment ou jamais de jauger Ilenor et votre possible entente. Elle marque encore des points en revenant avec une boite de thé, et tu hoches la tête à sa proposition.

- Je ne refuse jamais une tasse de thé.

Tu mets de l’eau à chauffer, sors deux tasses que tu poses sur la table et une coupelle de sucres avec une pince à sucre que tu poses à côté de la deuxième tasse, puisque tu sais déjà que tu n’en prendras pas. Ces gestes mécaniques aident à mettre en forme les pensées qui s’accumulent, les questions que tu auras à poser et les informations que tu devras donner à ton sujet. Puisqu’elle a lancé le sujet, tu n’auras pas besoin de chercher une façon détournée de l’amener sur la table, c’est très bien comme ça. Une fois que l’eau a atteint la bonne température, tu poses la bouilloire sur la table et lui fais signe de s’asseoir en face de toi.

- Notre organisation est plutôt simple, on fait le ménage une fois chacune toutes les semaines, et on évite de laisser trainer des affaires ici entre temps. Si tu as des obligations le jour où Eizh – notre ancien colocataire – faisait sa part des tâches, on s’adaptera. J’ai fait une liste des différentes surfaces qu’il faut laver et des poubelles à vider etc., qui peut être utile pour te donner une idée de mes—nos attentes par rapport à la propreté dans les communs.


Comme elle peut sans doute le constater par elle-même, les lieux sont propres, rangés à l’exception du livre et de la tasse sur la table basse, et la cuisine n’est pas en désordre.

- Kira a un pouvoir déroutant, elle fonctionne comme un aimant, elle attire et repousses certains métaux, alors on a dû s’organiser pour ce qui est notamment des couverts, des poignées de portes et autres possibles projectiles qui pourraient être utilisés lorsqu’elle a des émotions intenses. Mon pouvoir ne pose généralement pas de problèmes. Tu as mentionné le fait d’avoir des problèmes de repérage dans l’espace ; est-ce que c’est lié à ton pouvoir ? Si tu as des besoins particuliers, on devrait pouvoir s’adapter sans difficultés.


Tu as l’impression que les besoins qu’elle pourrait avoir ne sont pas si inquiétants. Elle n’a pas l’air encombrante, ou dérangeante. Même s’il y a quelques changements à faire dans ta routine, tu auras plus de facilités à le faire si tu l’apprécies, et force est de constater que sa rigueur te parle et te plaît.

Tu hoches simplement la tête à ses mots. Si elle remplit le vide laissé par Eizh et s’occupe du ménage lors de ses tours, elle va grandement te simplifier la vie. Notamment parce qu’Eizh, qui a sans doute des qualités que d’autres peuvent apprécier, n’était pas très doué de ses mains lorsqu’il s’agissait de ne pas renverser les produits ménagers partout autour de lui. Si elle se charge de ses corvées, tout porte à croire qu’elle s’en sortira mieux que lui et que le résultat sera satisfaisant. Bien sûr, il est tout à fait possible qu’elle ait tendance à renverser son chocolat chaud sur la table et le sol dix minutes après que tu aies fini de laver le salon, mais tu lui fais à peine plus confiance en raison de son apparence soignée et de ses gestes visiblement posés. Moins de nervosité, moins de bourdes.

Son contrecoup ne t’est pas entièrement inconnu, puisque tu es familière des pertes de repère de Mordred, qui n’est parfois pas capable de distinguer ce qui est réel de ce qui n’est qu’une hallucination produite par son propre pouvoir. Tu te demandes si elle a les mêmes capacités que lui, et si elle ne les explicite pas pour une raison particulière. Tu ne vas pas fouiner, et te contentes de hocher la tête. De la même façon, tu ne prends pas la peine de t’étaler sur les détails de ta vie de couple en mentionnant un quelconque partenaire, alors que vous ne vous connaissez pas et que tu ne vois pas l’intérêt de partager des informations aussi privées mais inconséquentes quant à votre entente en tant que colocataires.

- J’ai déjà vu ce genre de contrecoups, je pense que je ne serai pas surprise si je te vois buter dans les chaises. Je les rangerai correctement sous la table et il suffira d’expliquer à Kira qu’elle doit également faire attention à bien ranger les choses à leur place, et tu ne devrais pas avoir trop de problèmes d’orientation.

Tu prends le temps de réfléchir à la réponse que tu désires lui donner ; en théorie, tu n’es pas un danger pour tes colocataires, tu apprends petit à petit à gérer tes crises d’angoisse et le lieu le plus risqué, celui de tes cauchemars, est ignifugé pour éviter que tu utilises ton pouvoir dans un état de conscience incomplet. Tu prends garde à ne pas t’endormir sur le canapé pour cette raison précise – et parce que tu ne te sens pas assez en confiance pour dormir dans les communs avec d’autres personnes autour de toi. Un simple « non » suffit. Ton pouvoir est si commun qu’il ne demande guère de développement particulier, et la description que tu en feras sera difficilement originale.

- Je suis pyromancienne. Je peux allumer un feu, augmenter ou diminuer sa température et son intensité, et contrôler la chaleur autour de moi. Mes contrecoups sont assez facilement gérables, de cloques apparaissent régulièrement sur les surfaces de mon corps que je décide d’enflammer, donc si tu vide le pot crème pour les brûlures dans la salle de bain, je préférerais que tu me préviennes, j’en ai régulièrement besoin. Sinon, je fais de l’hypothermie ou de la fièvre quand je force trop, je n’arrive plus à réguler ma propre température. Contrairement à Kira qui en est encore à la phase de découverte de son pouvoir, et qui le déclenche un peu aléatoirement, je vis avec depuis longtemps donc j’en perds peu, voire pas, le contrôle.

Tu as d’autres points à aborder, plus urgents. Celui des visites notamment, parce que c’est ce qui a ultimement fait dégénérer la situation avec Eizh. Si vous aviez convenu d’un emploi du temps où vos ami.es et partenaires respectif.ves pouvaient venir, Mordred et Phil ne se seraient pas croisés, et vous auriez évité… pas mal de choses désagréables. Tu préfères rapidement mettre les choses au clair.

- Tu es nouvelle à Leoska ? tu connais déjà des étudiant.es ici, ou c’est un monde nouveau pour toi ? pour ma part, je vis ici depuis quelque temps donc j’ai mes habitudes et mes fréquentations… il arrive que mes a—partenaires fréquentent les lieux, et j’ai une soirée de la semaine désignée pour discuter avec l’un d’entre elleux de nos cours – ce qu’on appelle plus communément dans la langue vernaculaire des « séquences bitchage » avec Mordred – mais je peux m’organiser pour les faire venir en ton absence, pour te prévenir quand iels seront là, ou essayer d’aller plus souvent chez elleux à la place. Mes habitudes ne doivent pas empiéter sur ton confort ou tes besoins, donc tu es vraiment libre de m’indiquer si tu as des préférences.

Bien sûr, le mieux serait que tes habitudes n’aient pas à changer. Parce que ce serait inconfortable pour toi, et probablement aussi au moins pour Mordred – il y a de fortes chances que ça ne secoue pas Saph particulièrement – et parce que votre routine te correspond parfaitement ; tu n’as pas envie d’en changer. Toutefois, parce qu’elle a l’air plus tolérable que les autres expériences de colocation que tu as eues jusqu’à présent, tu te sens magnanime au point de lui laisser son mot à dire. A voir si tu regretteras ou non cette décision à l’avenir.

Très peu de dérangements entrent visiblement en jeu avec l’arrivée d’Ilenor. Cette personne est une bouffée d’air pur, contrairement aux autres boulets que tu t’es coltiné et continues de te coltiner depuis ton arrivée, et elle ne te fera sans doute pas regretter l’époque bénie de ta solitude – qui était, de toute manière, un véritable danger pour ta santé mentale –, ce qui est un soulagement. Ton sourire se fait plus facile et sensiblement plus sincère. Pas de squatteurs dans les parties communes – aucun problème lorsqu’il s’agit de tes squatteurs, mais quand il s’agit de ceux des autres, ce n’est plus la même affaire. Tu hoches la tête pour indiquer que tu suis toujours le fil de la conversation.

- Je ferai en sorte de te prévenir. Cela étant dit, je ne pense pas que ta présence sera dérangeante pour nous, et nous ne parlons généralement pas trop fort donc si tu veux être dans ta chambre lorsqu’iels seront là, nous ne devrions pas être trop embêtants. Iels ne restent pas manger.

Ce qui te fait penser, et c’est une donnée importante à partager :

- D’ailleurs, avant que j’oublie. Je mange généralement seule, à des horaires incongrus, mais Kira aime sociabiliser. Si tu préfères manger seule, tu ne devrais pas être dérangée, elle a l’habitude et je respecterai pleinement tes besoins par rapport à ça, mais si tu veux discuter, je pense que Kira sera ravie de t’embarquer avec elle dans des expériences culinaires, douteuses, mais qui rapprochent probablement. Je ne fais pas trop attention aux horaires où elle mange ou fait à manger, et je sais aussi qu’elle perd souvent la notion du temps quand elle bricole donc elle n’est pas vraiment fiable si tu veux un emploi du temps fixe… mais deux options s’offrent à toi.


C’est important à préciser. Tu peux boire du thé sans problème lorsque tu es accompagnée, mais dès qu’il s’agit de manger la situation se tend et l’angoisse monte. Tu essaies de régler tes problèmes un à un de ton côté, mais la question de l’alimentation n’en est pas vraiment un à tes yeux, tu as juste besoin de contrôler toutes les variables pendant que tu manges pour éviter d’augmenter ton anxiété et te couper définitivement l’appétit. Ce n’est pas un moment agréable, tu ne vois donc de surcroit pas de raison de le partager avec autrui. Même avec Saph et Mordred, tu ne manges que rarement ce qu’on te propose.

Le reste de ses questions te fait sourire et tu hoches la tête en désignant le canapé, le plaid, le livre et la tasse de thé froid posée sur la couverture.

- Généralement, selon la luminosité et mes envies, je lis sur le canapé. La lampe est juste à côté donc c’est parfait pour ne pas s’abimer les yeux, et c’est relativement confortable. Si ça ne te convient pas, on peut installer quelque chose ailleurs, peut être avec des poufs et des couvertures.

Si votre entente perdure, et que tu finis par l’apprécier, tu pourras lui proposer de piocher dans ta bibliothèque si l’envie lui prend. Une fois que tu auras vu sa façon de tenir un livre. Parce que malgré son apparence soignée, elle a peut être tendance à casser le dos des livres quand elle lit, ou autres habitudes qui te hérissent. Tu n’es pas contre l’idée qu’un livre doit vivre, annote et surligne les tiens, mais n’apprécies pas qu’on les prenne mal en main, question d’éducation dont tu n’essaies pas particulièrement de te débarrasser.

- Je suis végétarienne également. On a un système pour repérer ce qui appartient à qui, et on ne mélange pas les aliments qui appartiennent à l’une ou à l’autre, à moins que ce soit énoncé clairement. Par exemple, tu peux te servir dans ma réserve de thés, mais je préfère garder mes yaourts pour moi.

Elle est vraiment très arrangeante, et facile à apprécier. Elle dégage quelque chose qui te plaît, et ce même si elle semble gentille, et que tu tends à préférer les personnes avec un certain sens d’immoralité. Tu n’es toi-même pas dans une perspective très morale, d’où cette préférence, et tu te sens plus à l’aise avec les gens qui sont comme toi. Mais elle dégage quelque chose de reposant qui te laisse entendre que tu pourras probablement tolérer sa présence. L’apprécier reste en suspens, mais c’est une possibilité.

Son organisation est intelligente, et probablement efficace. Comme tu ne manges pas en compagnie de Mordred et Saphirre, tu ne sais pas si Mordred fonctionne de la même manière quand il est accablé d’hallucinations qui déforment ce qu’il voit. Peut-être que Saph cuisine pour lui. Tu pourrais lui demander, mais questionner les habitudes alimentaires de tes partenaires pourraient les amener à questionner les tiennes et tu ne veux pas glisser sur ce terrain-là. En plus de ça, il a surement mis en place une organisation efficace depuis qu’il vit ici. Il serait étonnant qu’il n’y ait simplement pas pensé. Et ce n’est pas comme si tu pouvais te proposer pour lui cuisiner quelque chose de temps à autres, tu serais capable de vous empoisonner en essayant de cuisiner quelque chose en dehors de légumes bouillis ou de quinoa. Vous n’iriez pas très loin. Tu balaies cette question de ton esprit. Constater qu’Ilenor est effectivement très organisée te plaît, tu sens que le courant passe bien entre vous. Ce que tu ne croyais plus possible avec um colocataire. Avec les boulets que tu as trainé derrière toi jusque là, la perspective d’avoir quelqu’un qui vive à nouveau chez toi t’ennuyait. Mais cette première rencontre est prometteuse. Tu n’as, de toute façon pas le choix – ce qui ne joue pas en la faveur d’Ilenor, tu détestes qu’on te force la main – mais tu es bien moins agacée et défensive que lorsque tu as ouvert la porte. Tu ne lui feras pas l’affront de lui proposer de l’empoisonner. Tu n’as pas envie de cuisiner pour quelqu’un que tu connais à peine, et l’ambiance serait bizarre si tu lui préparais quelque chose d’immangeable. Ce qui serait très probable. Tu souris cependant en l’entendant rire, un son mélodieux qui n’est, une fois n’est pas coutume, pas agaçant non plus.

Tu acquiesces à la mention du coin. Ce serait très agréable, et si vous lisez toutes les deux, vous pourrez lire ensemble, passer un moment agréable sans avoir besoin d’entrer dans des schémas de discussions compliquées. Juste lire, activité agréable, ensemble. A part avec Mordred, tu n’as pas ce genre d’activités avec d’autres personnes. Peut-être qu’Ilenor pourrait servir de compagne de lecture également. Elle se perd dans ses pensées, et tu aurais pu ne pas en tenir compte, si elle n’avait pas mentionné ledit Mordred. Qu’elle connait, donc. Tu ne sais pas de quoi elle pourrait lui parler, puisqu’elle garde cette partie de sa réflexion pour elle-même, mais si elle tient à le chercher pour lui parler, iels doivent être en bons termes. Nouveau bon point pour Ilenor, et pas des moindres. Se faire apprécier de Mordred n’est pas forcément simple, et tu tends à appliquer les ami.es de mes ami.es sont mes ami.es, autant que tu appliques les ennemi.es de mes ami.es sont mes ennemi.es. Question de loyauté. C’est quelque chose qui te tient à cœur. Et ce n’est pas forcément facile, quand Saph, ton autre partenaire, est ellui-même en couple avec quelqu’un que tu n’apprécies pas. Tu te remets tranquillement de la destruction de ton salon. Au moins grâce à Filandrys, Mordred t’a volé un pull, et que tu es toujours heureuse lorsque tu le vois le porter. Tu reviens à la question de Ilenor et Mordred.

- Tu connais Mordred ? désolée, tu as pensé à voix haute et j’ai entendu son prénom… comme je ne crois pas qu’il y en ait d’autres à l’Académie, j’imagine qu’on pense à la même personne. Vous êtes ami.es ? tu devrais le croiser de temps à autres ici, on passe énormément de temps ensemble.

Vous êtes ensembles. C’est un concept tout nouveau et précieux à tes yeux, et tu n’es pas encore sûre de vouloir le partager. D’un autre côté, si elle a passé l’épreuve du feu, elle peut probablement être mise au courant de cette information qui ne la concerne absolument pas et ne changera pas sa vie. Dans quelle situation doit-on dévoiler ce genre d’informations personnelles ? tu n’es pas bien sûre, tu n’as pas l’expérience requise.

La relation que tu entretiens avec Mordred est probablement un peu trop subtile pour quiconque vous observerait sans vous connaître. Vous ne vous tenez pas la main quand vous marchez, parce que ce ne serait pas pratique, et vous avez un emploi du temps défini, des horaires et jours précis auxquels vous avez des activités similaires. Parfois, vous lisez simplement ensemble. Ces moments passés ensembles te réchauffent et te remplissent de bonheur. On pourrait vous considérer comme de simples camarades de classe ayant un exposé à faire ensemble. Tu n’as donc aucun mal à imaginer qu’il puisse y avoir de l’appréciation pour lui, même si elle n’emploie que des mots sérieux et professionnels comme « collègues » ou « partenaires de travail » – ce que tu apprécies d’ailleurs également. Tu aimes lorsque les choses sont bien définies formellement, quand les échanges sont fluides et que les gens te comprennent et sont aisément compris de toi. Par ailleurs, être capable de travailler main dans la main avec quelqu’un implique une certaine compatibilité. Ton train de pensée te mène donc à supputer qu’il l’apprécie peut-être, la tolère probablement. C’est qu’elle est donc tolérable. Point positif pour la colocataire.

- Non, effectivement, je n’invite pas d’inconnus pour partager mon couvert ou mon thé, ce n’est pas dans mes habitudes. Et ça n’arrivera pas.

Tu n’aimais pas les inconnus chez toi. Tu les apprécies encore moins depuis que tu as gouté au doux déplaisir d’une forêt dans ton salon. L’appartement n’a beau être qu’un logement temporaire, impossiblement éphémère, tu le considères comme tien, et tu as eu beaucoup de mal – de la peine et de la rage, en plus des émotions négatives ressenties lorsque le ton est monté et que Filandrys a menacé Mordred – à le voir abimé. Tu ne voudrais pas y retrouver des inconnus. Tu peux supporter l’idée qu’elle ou Kira invitent leurs ami.es quand tu n’es pas là, que tu ne vois pas qui touche à ta vaisselle ou à ta chaise, mais l’idée de voir quelqu’un que tu ne connais pas se balader chez toi te donne envie de brûler quelque chose. Et c’est chose si vite faite qu’il te faut garder cette pulsion pour toi. A la place, tu réfléchis à ta réponse à la question posée. Elle connaît Mordred. Tu doutes qu’il lui dévoile sa vie privée, et elle ne se douterait pas de la nature de votre lien en le rencontrant à l’improviste à l’appartement. Lui mentir par omission est donc largement possible. Tu tiens à ta vie privée, et tu n’as pas forcément envie de la raconter à tout le monde. La dernière fois que tu as fait ça, tu étais médicamentée, faible d’esprit, et tu as fait une erreur monumentale qui aurait pu te couter très cher. Qui aurait pu te couter Mordred, justement. Et qui l’a touché, alors qu’il n’avait rien à voir avec ton erreur du début de cette chaine d’événements déplaisants. Tu vois difficilement en quoi exposer votre relation aux autres étudiants qui pourraient vous connaître aurait une chance de vous revenir comme un retour de bâton, et il ne s’agit pas exactement d’un secret non plus. Et Ilenor semble… potentiellement digne de confiance. Mais tu ne veux pas mettre la charrue avant les bœufs, alors tu hoches simplement la tête.

- Nous sommes très proches. Si vous travaillez bien ensemble, je pense qu’on sera capable de s’entendre. Nos fonctionnements ne sont pas exactement les mêmes, mais nous sommes assez similaires sur certains points essentiels, Mordred et moi.

Tu hésites à lui dire que c’est de lui dont tu parlais, lorsque tu as dit que tu avais l’habitude de son genre de contrecoups. D’un côté, ils ont travaillé ensembles, de l’autre ça ne la regarde toujours pas et il ne veut sans doute pas que tu exposes ses faiblesses à la première venue, exactement comme tu l’as fait avec les tiennes et le premier venu. Tu passes donc cet élément sous silence à son tour. Ça fait beaucoup de choses glissées sous le tapis à espérer qu’elle ne tombe pas dessus par hasard, parce que ça ne la concerne pas, mais qui pourraient lui paraitre étranges si vous vous rapprochez. Ce qui, étonnamment, n’est pas si terrifiant que tu aurais pu le croire. Tes relations avec Saph et Mordred, et avec Scout, même avec Eizh et Kira, t’ont appris à fonctionner avec des gens. Ce n’est pas toujours optimal et tu fais parfois de lourdes erreurs, mais dans l’ensemble, imaginer un rapprochement amical te parait bien moins complexe que ça n’aurait pu l’être à ton arrivée ici.