Soyons clair : Zhenli allait le défoncer. Elle allait le couvrir, mais avant ça, elle allait le défoncer. Mais voilà: ça faisait une semaine entière qu’ils enchainaient les dossiers ultra épineux et le cas difficile, la gestion de l’unité entière commençait à l’empêcher de fermer l’oeil. Il pensait en permanence au boulot et son bureau se noyait sous les listes de choses à faire pour éviter d’oublier tel ou tel détail dans sa journée. Listes qu’il oubliait régulièrement de consulter ce qui amenait… ENFIN BREF ! Il avait simplement envie de, pour une fois, avoir une affaire simple à régler, quelque chose de problématique (comme tous leurs dossiers) mais presque innocent.
Il avait donc été se perdre sur les planning de toute l’unité et avait choisis d’aller à son rendez vous de neuf heures à la place de Fred.

Mordred Arraw, pouvoir juste éveillé.. Efface la mémoire. L’idée était simplement de faire un check up des contrecoups et surtout… Plusieurs personnes s’étaient plaintes de pertes de mémoire et il était soupçonné. Ah ! Drôle, pas dangereux, sympa, détendant en somme. PARFAIT !

Léo s’était donc dirigé vers un des bureaux de réunion, glissant au passage à Fred qu’il avait été remplacé sur son créneaux horaire, histoire qu’il ne vienne pas gâcher son plaisir. Un jeune homme aux cheveux long et brun se tenait devant la porte numéro 15, celle du bureau où le rendez-vous devait avoir lieu. Ce devait être lui, Mor… Mur… C’était quoi déjà son nom ? Il allait pour regarder dans le dossier quand il se rendit compte qu’il l’avait oublié dans le bureau. Cazzo ! Trop tard pour faire demi tours, dooooonc… Il tendit la main en direction de l’élève.

-Bonjour, bonjour ! C’est bien toi qu’on a convoqué à 9h ? Peux tu rapidement me rappeler ton nom ?

Pas le choix. Il allait falloir broder.

Le jeune lui serra la main avant de répondre.

-Bonjour ! Tout à fait. Je m’appelle Mordred Arraw. Pouvez-vous me rappeler exactement la raison de ma présence ici ? La convocation était avare en précision, je ne suis pas sûr que les soupçons soient justifiés.

Ah oui ! Mordred Arraw, motif de convocation: plainte pour cause de perte de mémoire. Il n’était pas sûr que les soupçons soient justifiés ? Mais pourtant si c’était un nouveau pouvoir il y avait de grandes chances que ce soit lui qui, sans le vouloir, ait manipulé la mémoire de ses camarades…

Leo ouvrit la porte, lui faisant signe d’entrer tout en parlant.

-Je suis monsieur Alfieri, et… Je comprends que tu te sente accusé à tort, vas y, assieds toi, mais en l'occurrence il est complètement possible que ton pouvoir ait entraîné des modifications sur la mémoire de tes camarades…

Il s’arrêta un instant, ayant l’impression d’oublier quelque chose. Il claqua des doigts, s’en souvenant soudainement, riant un peu de sa propre déconcentration.

-Oui, du coup ! Tu as été convoqué parce que plusieurs personnes se sont plaintes de pertes de mémoire. On a cherché, c’est de cause magique… Sauf qu'apparemment les victimes ont rien à voir les unes avec les autres et les souvenirs effacés sont assez aléatoires, donc ça parait pas volontaire. Comme ton pouvoirs est nouveau on s’est dit que ça pouvait être toi, et tu t’en es peut être pas rendu compte…

Regardant autours de lui, il cherchait des feuilles et des stylos  pour pouvoir être un minimum professionnel et noter de trucs. Quand il eut trouvé, il se rassit et décapuchonna un stylo.

-Bon du coup… J’ai quelques question. En un premier temps: as tu constaté une augmentation de ton ou tes contrecoups dernièrement ? Une plus grande fatigue ?

Il lui souriait sincèrement. Il savait ce que ça faisait d’avoir un pouvoir problématique influant sur les souvenirs. Il s’était souvent senti très seul et souhaitait le plus possible aider cet élève à ne pas vivre la même chose que lui.

Le jeune homme eut l’air évidemment surpris et Léo lui sourit gentiment. Il prit le temps de réfléchir avant de répondre.

-…Oui. Pour vos deux questions. J’ai mis ça sur le compte du stress de la fin d’année, comme je n’ai pas entendu mon entourage immédiat se plaindre de pertes de mémoire. J’aurais dû être plus vigilant et étendre mon observation, mais je… Je ne pensais pas que cette deuxième capacité « s’échapperait » comme la première à ses débuts.

Oh, il avait donc une habitude des pouvoirs discrets et rampants ? Ce n’était donc pas si étonnant que sa deuxième capacité fasse des siennes de la sorte. En tout cas, étant donné ses réponses, il pouvait être la cause des incidents récents. L’adulte prit en note ses réponses et gribouilla quelques phrases supplémentaires pour mettre sur papier le fil de ses pensées et hypothèses. Le problème avec les pouvoirs déclenché sans que cela soit volontaire était de savoir avec certitude qui était le responsable. Peut être avait-il un autre pouvoir naissant entraînant ces contrecoups et que quelqu’un d’autre, de non identifié, entraînait les pertes de mémoires. Aucune piste n’était à délaisser et il était important d’avoir un rapport exhaustif à la fin de cet entretiens pour croiser les différents témoignages et obtenir la vérité. Au fil de sa réflexion, il s'était perdu et avait commencé un petit dessin dans un coins de la page.

-Dites, j’ai quelques questions moi aussi.

Leo releva la tête pour le regarder, interrompant sa réflexion, un peu gêné d'avoir perdu sa concentration aussi facilement.

-Il existe un procédé précis pour déterminer l’origine magique du problème ou la quantité de plaintes suffit à orienter vers cette piste ?

Question intéressante à laquelle il n’était pas entièrement autorisé à répondre. Il s’apprêtait à lui donner le peu d’explication qu’il pouvait lui fournir quand il recommença.

-Ça vous permet de déterminer la cause, sans remonter jusqu’à la source ?

Soudainement sa concentration revint, assez vite. Sur le tableau de bord de son cerveau, plusieurs voyants clignotaient. Attention.

Comment ça ?

-Vos oublis ont un rapport avec votre propre don ? Quel est-il ?

C’était terriblement personnel… Léo fronça ses sourcils, sentant de la méfiance naître en lui. Il posait trop de question, trop précise pour quelqu’un de surpris et surtout qui avait eut l’air de s’en vouloir peu auparavant. Son “j’aurais dû être plus vigilant” sonnait soudainement faux : il posait trop de question pour ne pas s’être rendu compte que sa fatigue était un regain de contrecoup. Ou pour ne pas l’avoir au moins envisagé. Il s’enfonça dans son siège, regardant Mordred droit dans les yeux.

-Quel est votre poste, exactement ? Vous vous chargez des cas relatifs à ce genre de pouvoir ? Il y a beaucoup d’élèves à Leoska et un certain nombre de dons similaires, je saisis pourquoi vous avez décidé de me convoquer mais avez-vous d’autres pistes ? Simple curiosité, puisque de toute façon je ne suis pas en mesure de confirmer ou infirmer vos hypothèses, et que le timing correspond. Cela dit, je fais de mon mieux pour éviter ce genre d’accident, d’où mon doute, vous comprenez. Combien de plaintes ont été déposées exactement ?

Léo écarquilla un instant les yeux face au flot de question, essayant d’analyser un peu chacune d’elle.

-Oulà ! Doucement ! Ca fait beaucoup de questions dis donc.

Il rit doucement. Bon. Il était venu ici les mains dans les poches, comme si de rien n’était, comme si ça allait être simple mais le gosse lui mentait. Il ne savait pas sur quoi (pourquoi avait-il oublié cette saleté de dossier ?) mais c’était certain. Manque de pot pour lui, Léo avait du… Disons du nez. Il lui sourit d’un air gentil mais, si on faisait attention, dans ses yeux brillaient une concentration nouvelle. Il affiche cependant un air gêné, se grattant l’arrière de la tête.

-T’as parlé trop vite, j’ai oublié la plupart des questions… T’as l’air d’être un curieux dis donc ! C’est bien d’avoir ce genre d’élèves dans l’académie, la curiosité ouvre beaucoup de portes. Ma petite soeur estcomme ça, moi j’ai toujours été plus… Discret.

Il prit un air pensif, presque triste, juste l’espace d’un instant. Léo n’avait pas de soeur mais il voulait faire rentrer Mordred dans son intimité, le mettre sur un pied d’égalité pour lui faire baisser sa garde. En le mettant au même plan que sa petite soeur, il se plaçait en allié.  

-Gamine, elle cherchait toujours à avoir réponse à tout et dès qu’elle ne comprenait pas quelque chose, elle fouinait toutes les ressources possibles pour comprendre… Je parie que toi aussi, dès que quelque chose sort de l’ordinaire tu peux pas t’empêcher d’aller voir plus loin, de creuser ?

-Vous me dites ça par rapport à mes questions ? Désolé, ça a tendance à m’échapper, peu importe le sujet ou le moment. En l’occurrence, je voulais effectivement mieux comprendre la situation actuelle.

Leo essaya de faire rapidement tourner son cerveau; Sans le dossier il ne parvenait pas à se faire une idée précise de la personne qu’il avait en face de lui et n’avait que de vagues sentiments sans fait tangible. C’était embêtant. Par quel angle prendre les choses ? Bon. Ce n’était qu’un élève, autant y aller directement. Il n’y avait pas derrière des questions de survie de ‘école, de protection des secrets mages ou de liaison internationale, il ne traitait pas ses dossiers habituels mais juste des problèmes internes, lié à un simple enfant. Jeune homme. Jeune adulte. Des problèmes simples.

-Peu importe le sujet ou le moment, sauf l'immense fatigue et des contrecoups inexpliqués ?

Il lui sourit mais son regard le trahissait: tu me ment, je n’aime pas ça.

-Je vous l'ai dit, je l'ai mis sur le stress de la fin d'année... Et mes contrecoups ont seulement variés en intensité, je peux me les expliquer.

Léo prit un peu plus de notes, observant son attitude. Il était de retours au point de départ, de nouveau mesuré, de nouveau sur ses… Gardes ? Presque. Honnêtement, il aurait fallu qu’il ai son dossier pour pouvoir avancer plus, pour pouvoir avoir le fin mot. Il avait prit ce cas au hasard, pensant que ça ne demanderais pas plus d’implication que ça et c’était trompé.

-Je m’excuse, je reviens dans cinq minutes.

Il sortit de la salle et prit son téléphone, composant le numéro de Fred.

-Allo oui, Fred Yarmi à l’appareil ?

-Salut, c’est Léo.

-Ah patron! Que me vaut ?

-Tu te souviens du dossier que t’étais censé traité pour lequel t’as été déplacé ? Le dit pas à Zhenli, c’est moi qui suit au rendez-vous… J’avais besoins de changer d’air. Mais j’ai laissé le dossier sur mon bureau.. Tu peux me l’amener et me faire un résumé en même temps ? C’est monsieur Arraw.

Il y eut un silence, quelques voix s’expliquant de manière étouffées puis Fred reprit la parole.

-Ca marche. En gros, il fait partie des suspects principaux sur plusieurs pertes de mémoire parce qu’il fait parti de ceux qui ont tenté de cambrioler les dortoirs du lycée et des études sup’. Il avait à ce moment là manifesté un deuxième pouvoir et effacé sans le vouloir la mémoire de son complice.

Léo écarquilla les yeux.

-Pourquoi il est pas en classe d’aide ?

-Ils ont été protégés par les Andréatus qui se sont plus ou moins portés garant pour eux. La directrice à pas du vouloir fâcher ses profs chouchous, t'sais comment ça marche le piston. Ils sont censés être sous tutorat et pas avoir de temps libre pour éviter qu’ils fassent des conneries mais ils ont l’air d’être assez ingénieux pour y arriver quand même. T’es sur de pas vouloir retourner à ton poste, ils ont sans doute besoins de toi…

Fred arrivait au tournant du couloir. Léo raccrocha et alla vers lui pour prendre le dossier, lui souriant.

-C’est l’affaire d’une petite heure, ils vont faire sans moi.

-Tu sais comment tu vas t'y prendre ?

-Je pense. J’y retourne, merci Fred.

Son collègue fit donc demi-tours et Léo rentra de nouveau dans la salle, alla jusqu’à la table en posant le dossier sur la table.

-Bon. Maintenant que j’ai ceci en ma possession, veux-tu changer ta version des faits ? On va pas se mentir, je te fais une fleur. Je suis plutôt magnanime, je sais que c’est mon manque de rigueur qui a rendu le fait de m’enfler tentant mais ne te méprends pas : si tu ne m’a pas pas dis la vérité, ça risque de te mettre dans la mouise et plus tu vas attendre, pire ça sera.

Il lui sourit de nouveau. Il espérait vraiment qu’il lui dise la vérité. Il avait l’air d’être plein de potentiel et Léo avait vraiment envie de l’aider, mais il n’avait pas l’air partant pour y mettre du siens. Il lui laissait une dernière chance, à lui de la saisir. Il voulait vraiment faire preuve de gentillesse...
Par contre, il n’avait pas l’intention d’être laxiste pour un sous. Il lui laissait une dernière chance pour être gentil avec lui mais si il lui mentait encore...

-J’ai… bien omis des détails importants.

Leo sourit de plus belle, cherchant à être bienveillant autant que possible. Très bien, il avait l’air parti pour ne plus lui mentir. Tant mieux… Le contraire l’aurait vraiment contrarié et l'aurait obligé à appeler un des responsables des élèves qui l’aurait engueulé à cause de sa… Désertion de poste ? Ouais, plus ou moins. En tout cas, Zhenli serait mécontente.

- Ce pouvoir est nouveau donc c’est possible qu’il touche des gens sans que je le sache, d’où ma question sur le nombre de plaintes. Parce que hm… Je suis volontairement responsable de certaines pertes de mémoire mais elles ne sont pas nombreuses.

Léo se redressa, le regard de plus en plus dur. C’était dommage… Terriblement. Enfin, s’il s’agissait de cas isolés… Après ça soulevait d’autre question sur les autres pertes de mémoires s’il n’était pas volontairement responsable de la majorité d’entre ell….

-Quatre. Sept si on compte les mémoires que j’ai essayé de lire. Pas tellement une réussite.

L’adulte manqua de s’étouffer. SEPT ?! Pas NOMBREUSES ? C’était une blague ? Il avait récidivé sept fois ? Il y avait eu six plaintes en tout, de différentes intensités. Ses tentatives de lecture de mémoire pouvait-elle être responsable des amnésies ? Avait-il effacé des souvenirs de quatre personnes volontairement et de deux autres involontairement où y avait-il une autre personne impliquée ?

-Les cours de M. Andreatus sont beaucoup trop espacés, et de toute façon c’est trop dangereux de ne faire ça que sur une personne. …Sauf que ça l’est aussi de ne rien contrôler, et vu la façon dont mon premier pouvoir s’est manifesté, je ne voulais pas que ce soit pareil avec celui là.

Mais… Enfin oui, c’était compréhensible mais avec son dossier c’était… Pourquoi en avait-il parlé à aucun référent ? Avait-il si peur que ça pour que les classes d’aides soient moins terrifiantes ?

-Je ne savais pas comment faire autrement, et c’est ce qui s’arrangeait le mieux avec mon emploi du temps. …Enfin, ça, ça peut toujours s’aménager bien sûr. Je n’en ai pas parlé à M. Andreatus, vous allez le faire ?

Leo arrêta de penser un instant tant cette dernière réplique était… Suréaliste. D’emplois du temps ? Mais il n’avait conscience d’aucune réalité ? Il le regarda, bouche bée. Toute sévérité était partie, il était juste sidéré.

-Mordred, tu viens d’avouer avoir utiliser ta magie en dehors de tout contrôle, sans avertir ton garant pour les classes d’aides, sans le consentement des personnes sur lesquelles tu l’as fait… Bien sur que je vais prévenir ton tuteur. Il va bien falloir qu’il soit mis au courant... Tu te rends compte que… Enfin…

Le mage référent se passa la main sur le visage. C’était vraiment… Ubuesque. Le gosse avait échappé aux classes d’aides, il était écrit noir sur blanc que les Andréatus avait plaidé contre les classes d’aides lors du conseil et il… Il avait quand même risqué de perdre cette faveur aussi stupidement ?

-Je.. Je comprends pas. Tu es vraiment aussi... Tu le fais exprès, c’est pas possible… Tu n’as à ce point pas pensé au conséquence ? Tu as de super notes, tu as été repéré par Andréatus cadet, tu ne peux pas être aussi… Naïf ?

Naïf pour ne pas dire con. Il se massa les tempes en soupirant, rouvrant le dossier à la page des sanctions et commença à écrire en dictant à voix haute, histoire de tenir en même temps l'intéressé au courant. Il allait devoir signé de son nom et sa fonction. Il était grillé, allait se prendre un blâme… Bravo. Journée de chiotte tiens ! Là, même Zhenli ne pourrait pas le couvrir.

-Je soussigné Léo Alfieri, responsable Immatériel des pacificateur, ait fait audience ce jour de monsieur Mordred Arraw dans le cadre de plainte pour perte de mémoires. Suites aux aveux de monsieur Mordred Arraw et considérant ses précédents crimes contre notre communauté pour lesquelles des sanctions ont été prise, je demande une surveillance immédiate de l’interpellé par le personnel adéquat pour la durée de la procédure visant à décider du remaniement de la sanction.
Face au contournement de la sanction déjà en cours, il s’agit de fait aggravant demandant une révision complète de la sanction précédente.
Le tuteur de monsieur Mordred Arraw, Harold Andréatus, doit être convoqué indépendamment de l’élève pour être mis au courant des faits et des sanctions, sa participation aux délibérations du conseil de discipline est néanmoins à la discrétion dudit conseil. Sans contre-ordres des Cercles, procédé comme décrit.

Puis il apposa sa signature, soupirant d’un air épuisé. Il faudrait qu’il aille faire extraire ses souvenirs de la conversation, histoire que les aveux soient enregistrés… Ca allait etre long, chiant, fatiguant… Il n’allait pas être mis à pied pour son absence à son poste mais aurait sans doute une longue conversation avec le directeur adjoint ou pire ! Monsieur Raman. Ca ne l’enchantait clairement pas.

Plus jamais il ne remettait ça. Plus. Ja. Mais.

Il relu une dernière fois ce qu’il avait écrit histoire d’être sûr quand le gamin en face sembla se réveiller et faires quelques connections synaptiques enfin utiles.

-Je suis sincèrement désolé de vous mettre dans cette situation.

Ah ? Merci sans doute ? De toute façon c’était trop tard et techniquement Léo s’était très bien débrouillé tout seul pour se mettre dans la merde. Ce n’était pas vraiment la faute de l’élève… Il n’avait qu’à pas chercher à échapper à son rôle de responsable s’il ne voulait pas que les conséquences lui tombent dessus.

-Pour vous répondre, je n’ai effectivement pas pensé aux conséquences et je ne saurais pas trop l’expliquer… C’est… compliqué, ces derniers temps.

Bah oui mon coco. T’as littéralement cambriolé les dortoirs et récidivé dans les atteintes à la sécurité de l’école, il y a effectivement quelque chose qui cloche, pensa Léo.

-Pas seulement pour moi.

Ah ? Des aveux sur un complice ? L’adulte releva la tête, attentif.

-Plusieurs raisons m’ont poussé à ne pas en parler à M. Andreatus. Valables ou pas, je ne sais pas, mais personnellement elles étaient suffisantes pour que je ne le dérange pas. Je le pense toujours et au fond c’est purement égoïste. A mille lieux des risques réels si je lui avais effectivement parlé, aussi. Peut-être.

Quelque chose fit tiquer Léo, quelque chose qu’il ne s’attendait pas à voir ressurgir ici. Dans son métier il avait été confronté jeune à ds situations… Horribles. Si Zhenli s’occupait de la partie matérielle, lui, il gérait l’humain. Il connaissait l’humain. Il avait appris l’humain.

A mille lieux des risques réels… Milles lieux: hyperbole révélatrice ou non ? Risques réels pour qui ? Pour le professeur ou pour… Lui ? Il avait peur de quelque chose, le pondérait en supposant que les risque réels étaient éloignés de ses suppositions. Mais ce doute était effacé par le peut-être.
Quelque chose clochait avec son tuteur, quelque chose qu’il souhaitait garder sous contrôle.

Dans tous les cas, c’était la réaction du professeur qui poserait problème. Léo émis deux hypothèses: soit il voulait protéger Andréatus de lui même ou bien se protéger d’Andréatus.
Andreatus cadet était un professeur sévère, irrascible, coincé et dur. Que sa haine soit aussi portée contre lui même était une possibilité mais…

-Qu’est-ce que vous voulez dire par surveillance, le temps du remaniement de la sanction ? Elle sera permanente, visible ou non ?

Léo prit la question en note dans un coin, il y répondrait plus tard. Il était repassé dans une concentration toute autre, analysant les expressions de l’élève, cherchant à savoir ce qui clochait.
Son métier voulait qu’il s’abandonne corps et âme pour protéger l’école de l’extérieur. Qu’il creuse, cherche, modifie pour être certain qu’aucun vers n’approche de ce fruit si précieux. Il n’était pas habitué à chercher les insectes déjà en place, ce n’était pas son rôle. Mais comme il était là, ses réflexes professionnels revinrent.
Léo voulait faire ça pour la sécurité de l’école. Si Mordred était suffisamment dangereux pour faire plier un professeur (ce qui, étant donné le prof en question, aurait été étonnant), il fallait agir. Si Andréatus était maltraitant, il fallait d’autant plus avoir le fin mot. Dans les fait son rush d’adrénaline était là. La concentration aussi. Il ne pouvait plus lâcher.

-Je me doute bien que je n’aurais pas d’autres TIG, donc concrètement, qu’est-ce que ça va donner ? Est-ce totalement impossible de ne pas mettre M. Andreatus au courant ? Ou alors, pas dans l’immédiat… Je ne sais pas comment il va réagir, mais il l’avait déjà très mal pris la première fois et je ne tiens pas à l’embêter encore. Pas maintenant, puisque de toute façon c’est inévitable.

Il avait l’air inquiet et dans l’esprit de Léo les choses se précisaient. Quinze pour cent il cherchait à protéger Andréatus. Les quatre-vingt cinq pour cent restant étaient qu’il cherchait à se protéger lui. Les problème de cette analyse résidait énormément dans le fait que Léo était biaisé: ils n’aimait pas Andréatus cadet. Ni l’autre d’ailleurs mais il ne l’avait jamais eu en prof.
Il sourit une nouvelle fois, d’un air désolé.

-Ca veut dire qu’un surveillant des classes d’aides va te raccompagner à ta chambre et rester devant pour être certain que tu n’en sorte pas ni n’utilise ton pouvoir le temps que la sanction soit décidée… Quand à Monsieur Andréatus, j’ai bien peur qu’il doive être directement mis au courant… Sauf si nous avons une raison suffisante pour te changer de tuteur.

Il regarda Mordred, essayant de voir toutes les choses à prendre en compte, le moindre haussement de sourcil, la moindre hésitation.

-Je vais pas passer par quatre chemin… Mordred, pourquoi as tu peur du professeur Andréatus ?

Pas le temps de niaiser comme dirait l’autre. A vrai dire il pouvait être rappelé à l’ordre d’un moment à l’autre et ne voulait pas partir avant d’avoir eu le fin mot de l’histoire.

-Je n'ai pas peur de lui. Je préfèrerai seulement éviter de le contrarier davantage, aussi rapidement après le dernier conseil.

Il mentait. Non, pardon, il n’en avait peut être pas foncièrement peur, peut être était-ce de la crainte. S’il pouvait nier avoir peur de lui, il ne pouvait pas prétendre ne pas redouter les actions du professeur. De plus, une date se précisait : après le dernier conseil. Il s’était passé quelque chose, quelque chose que Mordred ne voulait pas voir se reproduire.

-D'accord. Tu as pourtant l'air de craindre sa réaction plus qu'on ne craint une simple contrariété.

Simple constat, difficilement contestable.

-Il n'est pas connu pour son calme.

Étonnant. Certes, Andréatus cadet n’était pas ce qu’on pourrait appeler calme mais ses colères étaient souvent froides, contenues, cinglantes à part de rares exceptions disons… Limites. Toujours mesurées mais limites.

-Et je crains aussi de perdre sa bonne opinion alors que son enseignement est très complet.

Étrange, si ce n’est incohérent. Il avait déjà perdu sa bonne opinion, il ne pouvait craindre q’une aggravation. Qu’Harold refuse de lui enseigner ? Peut être mais est ce que cela aurait lieu ? Est ce que ce mage si sur de lui accepterait s’être trompé ?

-A vrai dire je ne sais même pas exactement comment il réagira

-Il a déjà été véhément envers toi ?

Le regard du jeune homme fuit le sien alors qu’il secouait la tête tout en lui disait non. La réaction devenait physique, sans contrôle dessus. Il mentait. Andréatus avait déjà été physiquement menaçant et c’était ce qu’il craignait. Léo était presque soulagé de savoir qu’il serait pris en charge par les classes d’aides sans possibilité pour son aîné de venir lui faire cours personnellement.
Maintenant, il fallait empêcher le perce-oreille d'être libre dans le verger. Des accusations claires, des preuves… Sans ça, impossible de faire quoi que ce soit.

Sauf que voilà. Léo était Pacificateur, par psy. En cas d’urgence il allait directement chercher dans la mémoire des humains les informations nécessaire, laissant dans son sillages de faux souvenir heureux pour tenter de se faire pardonner cette intrusion, sachant cela insuffisant. Il n’était pas si doué pour amener les gens là où il le voulait, pas comme Zhenli. Il était bien plus émotif, bien plus… Pataud. Il tenta de mettre en place un protocole pour son prochain mouvement : rassurer l’élève sur ses actions, sur son soutien. Enlevé de son esprit qu’Andréatus fut la seule solution.

-Mordred, on va pas te lâcher dans la nature. T'as fais une bêtise, okay, mais c'est pas une raison pour que ton référent s'en prenne à toi. Harold Andréatus est pas le seul professeur de l'école, pas le seul référent possible. Si tu m'explique on peut trouver des solutions ensemble.

-Je viens de vous dire que je ne sais pas comment il réagira, mes craintes ne sont pas forcément fondée.

-Mais elles sont grandes et profondément ancrées, non ?

-Peut-être inutilement. Ne pouvez vous pas faire ce que vous avez à faire, et si jamais ça se passe mal je contacterai... Qui faut-il contacter en cas de problème ?

Le conseil pédagogique dans lequel Harold avait un siège. Ou bien les gardes. Ou bien eux. Il était rare qu’il s’occupent des affaires internes mais cela pouvait arriver… Boarf, modifier un peu la réalité ne ferait de mal à personne. Il sourit.

-Le plus souvent nous.

C’était vrai, simplement pas sur ce genre de chose. Ca compte comme un mensonge ? Tant pis.

-Je fais donc déjà ce que j'ai à faire: comprendre pourquoi un élève ment à son tuteur et met d'autres élèves en danger.

Ca par contre, c’était vrai. Peut être que s’il n’avait pas eu peur de son tuteur il aurait été le voir directement il était donc important de répondre à cette question.

-Pour éviter les problèmes dus à la désobéissance, c'est évident non ? Concernant le second point, je n'avais pas vu ça comme une mise en danger d'autrui.

Maltraité ou pas, son comportement et sa vision des autres était problématique. Doublé à son manque de réflexion sur les conséquences de actes, c’était exaspérant au possible. Il était si… Stupide ! Sur des choses pourtant élémentaires ! Dans sa poche son téléphone vibra. Zhenli.

Je te trouve pas à ton bureau. Réunion d’urgence, salle habituelle. Brêche secteur 6b, protocole “éminence” à mettre en place. Efface dés que reçu.

Il ferma les yeux. en soupirant. ‘Chier. Il effaça donc le message et en envoya un dans la foulée à qui de droit en résumant grossièrement la situation et en demandant qu’un surveillant des classes d’aides vienne chercher l’élève. Il eu bien vite confirmation qu’un surveillant était en route. Parfait, la seule chose bouclée de cette journée qui semblait décidée de n’en plus finir.

-Bon. Un surveillant des classes d'aides viendra te chercher, ne bouge pas en l'attendant. J'appellerais Andreatus pour lui signifier la situation. Tu risque jusqu'à un semestre de classe d'aide selon les bilans et rapports des différents partis. Des questions ?

L’élève resta silencieux, secouant la tête pour dire non. Léo aurait aimé aller au fond des choses mais là il avait… Plus urgent. Malheureusement plus urgent. Mais il n’abandonnerait pas. Il appellerait lui même Andréatus pour se faire une idée des choses… Certes, pas tout de suite, une course contre la montre venant de commencer en coulisse. Il prit cependant le temps de fouiller dans sa poche pour en sortir sa carte.

-Mordred, tout le monde a le droit à la sécurité. Quoi que t'es promis ou dit Andreatus, d'autres personnes peuvent te le fournir au besoins. On protège les autres de toi, il est de notre devoir de te protéger également. Si tu as le moindre problème, demande à ce qu'on m'appelle.

Mordred prit la carte, prêt à dire quelque chose mais se tut et ne fit que le remercier au final. Léo lui fit un signe de tête et sortit, se mettant à courir vers la salle de réunion. Arrivé au bloc des intervention, il ouvrit la porte et continua sa route. En passant il croisa les équipes de nettoyage en train d’enfiler leurs tenues. Légistes, illusionnistes, mage de la mémoire… Toute l’équipe au complet.

Il toqua à la salle de réunion et ouvrit la porte. A l’intérieur se trouvait déjà messieurs Lindelof et Hansen ainsi que les comandantes Akihito et Aydin. Zhenli l'accueilli avec un sourire froid qui indiquait qu’il était dans la merde mais que la situation repousserait l’échéance.
Apparement, il venait d’interrompre le secrétaire qui reprit aussitôt la porte refermé, l’air agacé d’avoir été coupé.

Ainsi, Léo était dans la panade, prit dans un dossier encore trop gros pour lui. Un surveillant des classes d’aides était en route vers la salle de réunion pour récupérer Mordred et l’escorter à sa chambre.

Dehors, le soleil était haut et, dans les vergers de l’école, les vers vivaient leur plus belle vie.

[Sanctions: Mordred aura une sanction d’un semaine en permanent en classe d’aide de manière immédiate et d’un semestre (6 mois) en vacataire avec sursis. De plus, un suivi psychologique aura été recommandé, à raison d’une séance par semaine.]