Il venait de sortir d'un cours pratique avec ses élèves de première année qui s'était particulièrement mal passé et là, il devait encaisser le contrecoup. Un petit con qui pensait sa magie supérieure et sa personne importante s'en était prit à un autre. Comme il était trop loin pour agir directement, il avait dirigé sa pensée ver son bras et avait tordu les fibres de son os, rongé sa moelle en esprit pour l'empêcher de frapper son camarade. L'enflure avait hurlé. Ça lui avait brisé les tympans et la patience, fou de rage il s'était levé, l'avait choppé par le col et trainé jusqu'à chez la proviseure avant de l'abandonner là. Puis, de retours en classe, il avait ordonné qu'on accompagne la victime de l'autre con à l'infirmerie avant d'annuler le cours. Même si il n'avait rien, au moins il serait pas seul alors que les amis du pisseux étaient agacés et prêts à le venger.
Puis il s'était dépêché de rejoindre les toits, rentrant ses ongles dans la paume de sa main, grinçant des dents. Il devait sortir, ne pas rester dans le brouhaha... Sortir.

Il avait grimpé les dernières marches les mains plaquées sur les oreilles pour essayer d’atténuer le bruit. Puis, arrivé en haut, il avait vérifié qu'il était seul avant de quitter ses vêtement et de revêtir sa peau de chien pour hurler à la mort.

Tuer des types, il l'avait déjà fait. Deux. Des humains, venant du dehors en couverture pour s'en prendre à l'école, vérifier que tout allait bien. Leurs morts avaient été ensuite maquillées ou alors des illusions envoyées à leur place... Et ils n'avaient jamais été soupçonnés depuis.
Il avait tué un mages aussi, mais c'était un accident. Un loyaliste qui voulait faire fuiter des informations, ce genre de choses. Mais les tuer ça n'avait pas été pareil. Y'avait pas de social derrière c'était froid, c'était brut... C'était de la défense et y'avait pas à réfléchir. Y'avait pas de conséquences. Là... Il était toujours son élève, et il devrait le... Le gérer. C'était un enfant, et il detestait ça. Dangereux pour lui comme pour les autres, persuadé de tout voir venir... La crise d'angoisse ne partait pas et il tournait en rond.

Il n'aurait jamais dû lui tordre le bras. Il était prof, il était censé être sécurisant.... Il... Un bruit. La porte qui s'ouvrait sur... Une de ses élèves. Il la regarda, toujours chien, d'un air au début apeuré puis méfiant.

Et, pour une fois fixant quelqu'un dans les yeux de ses prunelles rouges, il grogna.

L'élève en question c'était Saphirre. Maîtrise des hormones, changement d'apparence assez régulière a ses cours. Et elle avait l'air de se chier dessus. Tant mieux. Avec un peu de chance elle allait partir et le laisser tranquille. Aller, pars nom de nom... Casse toi !

-Ahem.

Grognement. Dents montrées.

-Excusez-moi de vous dérangez, je viens à propos de ce qu’il s’est passé tout à l’heure en classe.

Cette fois, Philophæ arrêta de grogner et s'éloigna tout simplement. Qu'est ce qu'elle ne comprends pas ?

-En fait, je voulais savoir comment vous aviez fait, ça m’intéresse énormément !

Soupir. Retours au contrôle.

-Retourne toi, face au mur.

Quand il parlait, sous forme chien, ça faisait toujours un effet boeuf. Apparament, c'etait à moitié terrifiant à moitié trop bizarre pour être plausible...

-FACE AU MUR J'AI DIS !

Dents dehors, oreilles couchées. Il n'était pas d'humeur a ce qu'on le contraris. Vraiment pas.
Toujours était il que la gamine fini par s'exécuter et qu'il pu regagner ses fringues.

-Tu ne te retourne pas avant que je te le dise, c'est clair ?

Retours en humain. Il faisait soudainement vachement plus frais et le mage se senti beaucoup plus... Vulnérable. C'était plus simple en chien. C'etait toujours plus simple en chien.
Il remit son costume, pièce par pièce, lissant sa chemise et son pantalon du revers de la main.

-C'est bon. Quand à tout à l'heure...

Que faire....? Mentir ? Il détestait ça. Il était extrêmement dur avec ses élèves quand ils mentaient, le faire serait hypocrite. Dire la vérité ? Certainement pas à elle, une élève qu'il ne connaissait qu'à peine.

-Ça ne te regarde pas. Si tu veux apprendre ce genre de choses, trouve toi des profs qui l'enseignent.

Tout en parlant, il secouait sa main droite pour se rassurer  La panique était toujours là. La peau de chien ne l'avait pas fait partir et depuis qu'il était de nouveau humain elle revenait. D'ailleurs, depuis qu'il était humain, il ne la regardait plus dans les yeux.

Garder sa respiration calme était difficile. Il était épuisé.
Le dos contre un mur, il se laissa tomber par terre en fermant les yeux. Se concentrer sur le stim, sur le mouvement répétitif de ses doigts.... Pas sur le reste. Jamais sur le reste.

Philo se sentit soudain heureux et.. Bien. Bien ? Comment pouvait-il se sentir bien dans un moment par... Les hormones. L'autre chieuse était en train de lui refiler au taquet d'endorphines. Enfin, il aurait été mal avisé de se plaindre tant il en avait besoins. Et en même temps, elle s'introduisait contre a volonté dans sa chimie organique.

Il grogna. Encore. Après tout, c'était son principal mode de communication. Ça et agiter la tête. Ce qu'il était par ailleurs aussi en train de faire.

- Ça va mieux ?

Philophae lui tourna ostensiblement le dos en se roulant un peu en boule sur le côté pour s'éloigner d'elle, la sortir de son espace vital. Puis, face au soleil, il s'allongea sur le sol.

- Est-ce que vous acceptez d’écouter ce que j’ai à vous dire ?

-Dégage de mon système hormonal illico ou je te brise les jambes.

Sa voix avait été calme. Grave. Sans appel.

-Tu te fais du mal. Tu vas jamais assumer le contrecoup, tu fais n'importe quoi avec tes pouvoirs. Tu veux que je t'apprenne à faire du mal aux autres mais tu maîtrise déjà pas tes pouvoirs de bases. C'est prétentieux de penser que tu peux assumer une nouvelle magie aussi facilement alors que tes bases sont pas assez solides. Je ne t'enseignerais rien.

Il s'attendait à ce qu'elle s'excuse et s'en aille. Et s'en aille. Non ? Non. Bon. Il s'appliquait à rester concentré sur sa respiration et à profiter des dernière trace d'endorphine qu'elle lui avait offert pour tenter de se calmer. Enfin non. De reporter la crise.

-OK. Soit pour le contrecoup j’imagine qu’il ne va pas être top, mais quoi qu’il arrive il y a toujours un contrecoup, que l’on fasse n’importe quoi ou pas, vous me semblez bien placé pour le savoir non ?

Oui, sauf que pour sa cicatrice il avait 12 piges et était paniqué. Pour les dents... La transformation définitive avait commencé à 40 ans, avant ça c'était juste ponctuel et douloureux. Et honnêtement, il avait appris à limiter les dégâts. Elle, elle en avait quoi, 20 ? Et elle allait passer nuit blanche pour être allée fouiller dans les neurotransmetteurs de quelqu'un d'autre.

- Pourquoi portez-vous un jugement aussi hâtif et si peu construit sur mes capacités ? Oh, c’est peut-être une stratégie douteuse de me faire perdre confiance en moi et de m’envoyer boulet. Si oui, c’est rater.

C'était pas hâtif, il l'avait en cours régulièrement. Précisément parce qu'elle gérait mal ses transition. Il était littéralement son prof de référence sur une partie des conséquences de son pouvoir... Elle pensait quoi ? Qu'il ne lisait pas le dossier de ses étudiants ? Qu'il ne faisait pas attention à eux en cours ? Ce n'était pas une stratégie douteuse, c'était la pure vérité. Ce qui était raté, c'était pas de s'en débarrasser (enfin si, un peu) mais surtout de lui faire comprendre quelque chose de logique et censé.

-Quoi qu’il en soit, faire des conclusions hâtives sur ce que je vous compte vous demandez n’est pas très pro. Je n’ai pas dit vouloir faire du mal aux autres, je souhaite juste apprendre à me défendre, ce qui me paraît bien plus légitime.

Encore une fois, ses conclusions n'étaient pas hâtives. Deuxièmement il n'avait jamais été professionnel. Enfin, pour apprendre à se défendre, fallait apprendre à faire mal. Le fait qu'elle ne se rendait pas compte que l'un impliquât l'autre ne faisait que prouver ses dires. Il se contenta donc de fixer le ciel en silence, fermant de temps à autre les yeux. Elle était pédante. Non, orgueilleuse. Persuadé d'être capable de choses dont elle risquait de perdre le contrôle assez vite. Et ce avec des conséquences... fâcheuses. Donc, si la réponse ne marchait pas, il tenterait le traitement au silence.

Philo tapait le bitume du bout des doigts. Dans sa projection mentale il manipulait une flûte à bec et ses doigts suivaient la mélodie.

-Je suis toujours là, vous savez ?

Malheureusement oui. Mais bon, elle finirait par se lasser. Et puis au moins, comme ça, il n'avait pas à parler, à élaborer des réponses, à communiquer. Honnêtement, sa présence était tellement invasive que, même si il avait eu envie de lui répondre, il n'aurait sans doute pas pu.

Aussi détendu qu'il puisse paraître son dos lui faisait un mal de... Ouais bon okay pour la blague. Un mal de chien.  

-Vous ne voulez rien dire ? Très bien. Dans ce cas je vais vous dire moi-même pourquoi ce ne serait pas une mauvaise idée de me prendre pour élève.

Pitié non.

-Déjà, je suis motivé, sinon je ne serais pas sur ce toit en train d’attendre que vous ne daigniez me répondre.

Pas motivée, insistante.

- Ensuite, si vous m’apprenez à me battre, vous aurez accompli ce que l’école attend de vous en tant que professeur, vous m’aurez appris à survivre.

Elle sortait les violons et ils étaient si petits et dramatiques que c'était gerbant. Bientôt, elle allait lui parler de destin, de grand but et tout le toutim ou bien ? Il tentait de se concentrer sur la mélodie qu'il entendait sous son crâne pour oublier l'absurde discours de son élève. Ce qui fonctionna, du moins pour un cours labs de temps car la voilà qui faisait les cents pas, semblant s'énerver... Donc forcément, son attention se retrouva focalisée sur elle et l'angoisse reprit.

Mais c'était pas vrai... A défaut de partir elle pouvait pas simplement la fermer et rester immobile ? Il commençait vraiment à perdre patience... Un peu trop...

-Les autres mages rouges sont forts. Discrets. Rapides. Bons. Et moi je peux quoi ? Juste entré dans leurs systèmes hormonaux pour au mieux causer une maladie sur le long terme et encore, à quel prix ?! Oui je ne gère pas alors pour compenser j’ai besoin de savoir me défendre. Bon sang vous pouvez bien comprendre ça !

Et la voilà qui hurlait maintenant, dans un élan puéril de jalousie et de peur. Ses poings et mâchoires s'étaient instinctivement serré à l'en faire mal, mais il arrivait vraiment à bout.

-Qu’est-ce que je dois faire à la fin ! Qu’est-ce que vous attendez !

Elle avait crié, plus fort encore et il avait refermé ses yeux dans un spasme complet de son corps. Il était vraiment au bord des larmes et tentait de contenir l'explosion prochaine. Il ne pouvait pas lui répondre, c'était au dessus de ses forces, elle était venu le voir au mauvais moment et avait insisté... Là, il avait simplement envie de lui écraser les vertèbres, de se mordre la main au sang ou de disparaitre. Il ne pouvait pas faire le premier pour deux raisons: le contrecoup et la déontologie. Le deuxième risquait de le mettre encore plus à mal vis à vis de son élève. Et le troisième était hors de sa portée.

-Enseignez-moi. S’il vous plait.

La voix était plus calme. Suppliante. Philophae rouvrit les yeux, roulant sur le côté pour se relever malgré son mal de dos. De sa main droite coulait un léger filet de sang: ses ongles s'étaient plantés dans sa main sans qu'il ne s'en rende compte.

Il allait devoirl lui réponde quelque chose. Il le savait. Il fallait lui dire de partir...

Alors les yeux fixé sur le sol, des larmes de fatigue, de colère et de panique commençant à rouler sur ses joue, il répondit.

-Casse-toi. Maintenant.

Puis, se tournant vers elle, le visage couvert de rage.

-MAINTENANT J'AI DIT !

Elle était enfin partie. Enfin. Il ne l'avait même pas entendu s'excuser et à vrai dire il s'en fichait éperdument. Il était seul, définitivement seul, enfin. ENFIN !

Il inspira grandement, souriant, contrit mais soulagé avant de fondre en larme d'autant plus violement. Elle était partie, c'était tout ce qui comptait. Il se rassit contre le mur, reprenant petit à petit la maîtrise de lui même, avec quelques difficultés. Sa paume lui faisait mal et il sanglota en se rendant compte qu'il s'était lui même blessé. Ravalant ses larmes, il nettoya sa main d'un coup de langue.

Le calme retombait peu à peu mais c'était pas encore gagné. Fouillant dans son sac, il en sortit des bouchons d'oreilles qu'il mit. Puis, il redescendit dans les couloirs, marchant rapidement pour sortir des bâtiments de cours et aller chez lui. Là où il serait au calme.

*Le lendemain*

L'émotion était redescendue. Saph avait été insensible, violent, insupportable mais cela traduisait vraiment ses difficultés et il aurait été stupide de ne pas écouter son appel à l'aide. Car s'en était un, c'était évident même pour lui.

C'était sans doute une immense erreur. Si ça lui coutait trop, il devrait y mettre un terme mais voilà. Il avait décidé de l'aider.

Devant son ordinateur, il ouvrit son mail.