TW et CW : deuil, mort, description de cadavre, incendie et souffrance animale.
Le sol était sec et le soleil de l'aube déjà chaud. Dans l'air s'élevait une odeur de fumée et de mort qui lui arrachait la gorge, les yeux, l'âme.
Elle regardait le bâtiment brûler, la tête droite et les yeux rouges. Elle avait placé sur ses épaules une couverture de toile, s'enroulant dedans : ses vêtements n'avaient pas survécus à l'incendie.
Pourquoi était-elle encore en vie ?
Sur son flanc percé pulsait une ombre qui ramenait l'un vers l'autre les bords de la plaie. Le silence était terrifiant. Quelqu'un les avaient trahies, les avait enfermées dans la bibliothèque avant d'y mettre le feu.
Ilmène... Ilmène était morte dans les flammes. Elle, elle n'avait pas été inquiétée par les événements. Elle les avait traversé comme on traverse un rêve, désespérée d'entendre les cris de sa sœur par dessus le craquement du bois mais spectatrice des événements.
Le vent soufflait sur les braises alors que la mort reprenait ses droits sur ce lieu isolé. Au fond de son crâne s'agitait la peur la plus sourde qu'elle n'ai jamais vécu mais, fermement, elle l'étranglait pour la forcer au silence.
Entre ses lèvres perçait une mélodie, douce et désespérée. Elle chantait pour tout les abandonnés de la guerre, pour toutes celles que l'ont brûlait au noms de l'église, ceux que l'on noyait, celleux que l'ont tuait.
Peu de temps auparavant ils l'appelaient faiseuse de miracle. Aujourd'hui ils avaient tenté de la tuer.
Elle ferma les yeux et appela les ombres, se drapant dedans avec dignité. Robe immatérielle flottant contre son corps, elles refroidissaient sa peau brûlée qui guérissait petit à petit. Un pas après l'autre elle se rapprocha de ce qui fut un jour un petit couvent, trop jeune et pauvre pour être entièrement en pierre. Ça et là gisaient des corps meurtris dont la vie s'était détournée, les laissant rampant dans la terre sèche. Au lointain hennissait un cheval qui bataillait pour sortir de l'écurie embrasée.
Elle s'approcha de la porte en flamme, l'ouvrant sans se soucier de ses blessures, s'écartant pour laisser sortir la pauvre bête qui, braillant, se précipita dehors. Elle jeta un dernier coup d'oeil au petit âne qui avait été prit sous la poutre. Il respirait encore mais si peu...
Elle tendit une main vers lui, l'autre vers l'entier qui brûlait encore. Une douce énergie quitta la pauvre bête et s'éloigna vers l'autre, la vidant de sa vie au profit de celui qui courrait encore.
Les yeux de la mage se voilèrent de blanc alors que sa conscience partait à l'intérieur de la dernière chose vivante du couvent. Désormais cheval en flamme, elle couru à la rivière et se roula dedans pour chasser feu et douleur. Grâce à la vie arraché à l'autre équidé, elle avait les poumon vides de fumée et des plaies propres qui cicatrisait déjà.
Elle se mit en marche en direction de son corps humain, retransformant sa conscience dedans à mi-chemin.
Ses yeux reprirent leur teinte habituelle et elle se dirigea vers le pauvre canasson dont la crinière et la queue avaient disparus. Il était en piteux état le pauvre bougre.
Elle lui sourit tristement.
Elle regarda derrière elle, indécise. Les enterrer prendrait du temps... Il faudrait attendre que le feu se taise, sortir les corps de sous les gravats, creuser et édifier les pierres. Le feu et les corbeaux feraient une bien meilleure office et, si cela ne suffisait pas au regard de Dieu et bien... Et bien c'était ainsi.
Dépassant des décombres il y avait un torse tourné vers le sol. Eglantine avait voulu sortir avant que la charpente ne lui tombe dessus.
Elle s’approcha de sa jeune comparse, s'agenouillant pour lui embrasser le crâne. Elle recommanda son âme au Seigneur, priant pour qu'il l'accueille convenablement. Elle était si jeune. C'était triste.
Elle resta debout à la regarder encore un peu puis, décidant que ce serait là son ultime acte d'amour pour sa maison, elle partit sur la route. Le claquement des sabot de son ultime compagnon la suivit, tranquillement.
Le sol était sec et le soleil déjà chaud, pourtant l'aube venait de poindre. La route venait d'embrasser deux nouveaux errants qui s'éloignaient de leur foyer et dans les arbres la brise chantait.
Ils laissaient derrière eux une traînée de sang et de cendres.
Ils laissaient derrière eux le couvent du haut Skas.