Académie Leoska, ceci est un grand jour.

Ton enfant prodigue est de retour !

Et j'ai pas envie ! Oskour maman viens m'chercher j'suis pas prêt !

J'ai pété un câble, j'ai abandonné tout le monde, mes obligations, mon cursus éducatif...
J'ai mis en danger des gens, j'ai brisé au moins un coeur, puis j'ai fui comme un lâche.
D'abord mentalement, plongé pendant des semaines dans cet espèce de dissociation, puis physiquement, en rentrant chez mes parents.

Il est beau, le futur du monde mage, le dernier né Elinson...

Ça fait un an que je suis parti de cette école et, certes, physiquement je suis prêt à revenir et j'ai eu le temps de me remettre mentalement, mais...

Well, de toute façon, je suis déjà à l'entrée de l'école, autant continuer. Puis admettre cette nouvelle défaite à ma mère est probablement pire que tout ce qui pourrait m'arriver ici.

Elias rentrera demain. Vu qu'il a encore sa colocation avec Saph et Mordred, le réemménagement prendra moins de temps.

... Et nous avons décidé qu'il était probablement mieux qu'on ne se croise pas trop, pour commencer. Quand je lui ai dit que je préférais qu'on ne se remette pas ensemble, en tout cas pas tout de suite, iel n'a pas si mal réagi, iel a si bien progressé sur sa gestion de la colère. Avoir quelqu'un à qui parler à tout moment est probablement un plus.

Thaddeus... Je ne sais pas quoi penser de cette situation, je ne l'ai pas vu souvent et notre première rencontre...

C'est une des raisons pour lesquelles je veux prendre mon temps, c'est important qu'on se réacclimate à la vie à Leoska et c'est d'autant plus important pour ellui. Pour elleux ?

Tout a beaucoup changé pour nous en un an. Et même si j'ai pu croiser les colocs d'Elias à quelques reprises, c'est compliqué de savoir tout ce qui s'est passé pour les étudiants pendant cette année.

Je rejoindrai de nouveau le club de bricolage, je pense. En tant que simple membre, pour une fois. J'ai hâte de voir qui a repris la présidence et de lae voir en oeuvre.
Pour le tutorat, ça attendra un peu, même si j'ai suivi la formation Elin pendant un an, ma connaissance du cursus de Leoska s'est un peu déteriorée.

Allez, je ne suis pas le premier à traverser ce chemin avec des bagages psy un peu lourds, ça ne s'est pas si mal passé pour les autres, il n'y a pas de raison que ça se passe mal pour moi.

Saphirre s'est porté volontaire pour m'accueillir et m'aider à m'installer dans mon nouveau dortoir. Il faudra probablement que je passe m'excuser auprès de mes anciens colocataires pour le départ précipité de l'an dernier.

Iel est censé me rejoindre à l'entrée et m'aider à porter mes valises. Iel a aussi catégoriquement refusé de me dire où je suis censé me poser et ça me rassure si peu.

« Wesh mais ça me dit quelque chose cette vieille tronche bleue pensive, on s’connaît non ? »

Iel est là.

Saph arrive, avec un grand sourire et une mauvaise vanne.

C'est dans ces moments là où on se rend compte des trucs qui ont manqué. Parce que, sans grande surprise, l'ambiance chez mes parents est assez détachée du concept de "mauvaise vanne". De grand sourire aussi, si on a vraiment vocation à se lancer sur ce sujet.

« Tain. Ingi, profite un max j’te le dirais pas souvent, mais, tu m’avais manqué chacalos, ça fait plaisir de te revoir dans l’coin. Et avec une chier d’affaires pour se faire les bras en plus, tu m’épargnes pas salaud. »

Je... J'aurais pas voulu d'un autre accueil. Saphirre Lacey qui me dit qu'iel est content-e de me voir, qui me charrie, qui me dit directement que je lui ai manqué.

Ça m'a fait du bien, cette année chez mes parents, clairement. J'en avais beoin, c'était important que ça ait lieu, j'ai pu apprendre, ou réapprendre des choses sur moi-même, mais...

Ouais, c'était une année chez mes parents. Là, je suis de retour chez moi.

Sa posture est beaucoup, BEAUCOUP plus détendue qu'au manoir. Pas choquant, sans le regard de ma mère qui rôde. Iel se déplace différemment d'avant mon départ, iel a dû continuer son entraînement en transformation. Il y a quelque chose de plus animal. Même s'iel n'est clairement pas sur ses gardes, il y a naturellement moins de failles dans sa défense, et...

Pourquoi j'ai activé mon pouvoir ? J'en ai pas besoin, ici. Il n'y a pas d'agressivité, je ne suis pas un soldat, je suis chez moi et c'est um ami-e. La méthode Elinson n'est pas nécessaire. Je peux juste être Ingi, de nouveau Ingi, enfin Ingi.

« Accolade ? Check ? Pas check ? Clef de bras surprise ? Si tu pref’ l’absence de contact j’peux me limiter à un signe de la main super gênant ou choper direct une valise pour rattraper l’geste avec style. »

Je m'efforce de ne pas activer mon pouvoir, ni d'analyser manuellement ses propos. Je sais intuitivement que sa première proposition est probablement ce qu'iel souhaite, que le reste sont des portes de sortie, des préparations mentales où se ridiculiser soi-même lui évite d'être ridiculisé par l'extérieur, mais je mets ça de côté.

Je réfléchis une seconde à ce que moi, je voudrais.

Je n'ai vu que ma famille, et Elias, pendant un an. La majorité des salutations se font à distance, sans contact physique. Par structure sociale interne, souvent. Par gêne, parfois.

Rós et Dæja sont plus abordables à ce niveau. Mais elles vivent ici, à la maison, à Leoska.

Et Elias... C'est compliqué.

Bref, je suis en manque de contact physique.

"Accolade, Saph, s'il te plaît. Ça me fait aussi vraiment plaisir de te voir"

Je lui rends son sourire et viens dans ses bras. Je suis chez moi.

J'aime ce sentiment, je relâche la pression, le stress du retour s'en va, au moins pour un instant.

Et le soulagement. Je serre Saph dans mes bras, plus fort que je n'aurais pensé. Plus longtemps que supposé.

Et sans mes pouvoirs, sans mon analyse constante, sans le calme pragmatique de la maison Elin, la vague revient.


La joie, de pouvoir revoir mes amis, de reprendre mes études.

La peur, de les décevoir à nouveau, de faire des erreurs.

Le stress, des relations à venir, des choix à faire.

L'impatience, de pouvoir être qui je suis.


Je craque face à tout ça et plus encore.

Dans les bras de maon meilleur-e ami-e, je pleure.

Ah fuck.

C'est Saph, aka la personne la moins capable d'aider à la gestion d'émotions et je lui pleure dans les bras.

SUPER DÉPART, INGI.

Une mini-représentation d'art contemporain se passe dans cette étreinte.

Une tension, immédiate, quand Saph se rend compte de mes larmes.

Une pause, une réflexion, un progrès ? Pas de jugement, Ingi, ça n'est ni le moment ni ton rôle. Pas maintenant et plus maintenant.

Une tape dans le dos, pleine de la tendresse de deux partenaires d'entraînement, des gens plus habitués à échanger des coups que des câlins.

Une distance, ensuite. Mais un contact qui reste. Les mains sur mes épaules, une conversation qui continue.

Je soupire de soulagement. La peur de l'échec, de l'abandon, de la fin, quelle qu'elle soit.

I'm broken, I've stitched myself back, but the cracks are still fresh and will need time to heal.

" J’arrive pas à savoir si c’est que t’es content d’être de retour ou si c’est que t’as envie de taper ton meilleur demi-tour ? En tout cas si t’as besoin d’en parler… "

Iel a tellement mûri, en un an. Merci Odette, merci Philo. Peut-être même merci Mordred, qui sait.

"Heh, quand j'aurai la réponse, t'en fais pas tu seras le premier au courant. C'est juste que... Ça fait beaucoup. Revenir ici, te voir, faire face à tout ce que j'ai manqué..."

A ce que j'ai raté.

"Bon, avant que je m'effondre en plein milieu du chemin ou que je me barre de l'école en courant, il paraît que t'as un appart à me montrer. On y sera mieux, si on veut parler."

C'est pas le moment de repartir en arrière, il faut avancer, maintenant, stagner n'est plus une option.

"Ah, et, merci d'être là. Sincèrement."

Je résiste à l'envie de lui demander si je peux faire quelque chose pour ellui, ou s'iel veut s'épargner le fait de me gérer.

C'est tentant de retourner dans le rôle du soutien inconditionnel, mais c'est moi qui ai besoin d'aide aujourd'hui.

Et si iel est là, c'est qu'iel le veut.

« Gros j’sais sincèrement pas quoi te répondre, mais c’est genre, normal d’être là ? Ça me fait plaisir. »

Saph, on se sait, on se connaît, rien n'est normal chez nous, encore moins en termes de relationnel et de ce qu'on est censé faire pour l'autre. Notre amitié a commencé à grand coup de mandales et de contrecoups.

Mais ça me touche, que ça te fasse plaisir d'être là.

Et ça me fout un peu sur le cul que tu le communiques. Même si ça ne dure qu'un instant avant que ta manière de montrer ton soutien se reforme dans quelque chose de plus matériel en récupérant mes affaires.

« T’as raison on bouge, ça s’ra plus simple de discuter que dans ce vieux hall qui résonne trop. »

Bon, parce qu'il ne faut pas abuser des bonnes choses, nous voilà en chemin vers les dortoirs.

« T’inquiètes t’as pas manqué de gros truc ici, faut croire qu’on t’attendait parce que c’était tranquille. Fin’, relativement. »

Hmm ? J'ai l'impression qu'on est pas les seuls à transporter des bagages, ce "relativement" a l'air de se trimballer une charge honorable, lui aussi.

« Si, c’était calmos, mais là où je voulais en venir c’est qu’j’sais pas ce que t’a fait pour énerver la loterie, mais franchement ta coloc c’est quelque chose ? C’est un peu des bombes, mais genre, autant l’expression pour les bg que le risque d'explosion. T’as la Lisancours. Et Jenkins que tu ne connais probablement pas. »

Ah, Jenkins, ça me dit quelque chose, je crois que j'avais eu une mission "coloration post-trauma" y'a v'là longtemps. Je sais même plus comment ça s'était termin...

KYLE DE LISANCOURS ? La seule chose qui me retient de rentrer directement chez mes parents c'est que le problème sous-jacent avec notre chère homosexuelle refoulée, c'est la pression sociale causée par un environnement familial et politique qui a des racines bouffant les mêmes minéraux que ceux de ma terre natale.

Par contre, malgré le très peu de temps passé avec Scoot (Scout? Skaoût?), le combo des deux univers déjà présents dans la colocation va être... Intéressant à naviguer.

Moi qui voulais me reposer...

« À part capillairement c’est un peu l’opposé de la Lisancours j’ai l’impression ? C'qui en fait quelqu'un de relativement cool, mais l’association à l’air un peu wild. Doonc… »

Ouais, pareil.

« Donc rien du tout, mais part pas en courant à cause de ça steup’. Déjà j'galope plus vite que toi maintenant donc, try me bitch. »

Ça portait quoi, ce "donc", aussi ?
Ingi, couché. On analyse les erreurs et sous-entendus quand on est en forme, c'est pas ton cas donc tu fais pas.

"Oh, tu me connais, je cours peu. A la limite, je roule. J'ai fait 2-3 modifications à mes rollers, y'a moyen que je ne me fasse pas rattraper si facilement."

Et quand vraiment j'ai envie de fuir, apparemment je m'envole. Pas ma méthode de locomotion la plus recommandée.

« Et deuxio, je rappelle qu’y’a toujours des solutions si jamais c’est pas poss’. »

Attendons un peu avant d'envisager des solutions aux différents problèmes qui se présentent. Premièrement, quand c'est les miens, mes idées sont souvent bancales, deuxièmement, je vais attendre d'être un peu plus sevré de ma résolvite aiguë.

"Ah ouais, une coloc avec Kyle de Lisancours, je sais que j'ai un peu mis le bordel dans l'école en partant, mais c'était peut-être pas une raison pour me gâter à ce point dès mon retour. Ils ont à ce point eu du mal à trouver une 3ème personne pour cette coloc ?"

Le ton est blagueur, mais il y a effectivement moyen que je ne sois pas la première personne à être envoyée compléter cette colocation et que les autres aient vite abandonné l'idée de survivre dans l'environnement que j'imagine s'être formé au cours de cette année.

Après cette traversée de couloir pleine de rebondissements (il faudrait songer à refaire le sol, Leoska, c'est pas sérieux toutes ces bosses), nous arrivons ENFIN devant la porte de ce que j'imagine être désormais "chez moi".

Concept étrange. On s'y fera.

"Bon, bah, bienvenue, j'imagine ? Même si à ta façon d'en parler, t'as l'air de mieux connaître l'environnement que moi. Tu saurais pas laquelle des chambres est la mienne, par le plus grand des hasards ?"

Oui, la porte est ouverte, non, je n'ai pas envie de regarder à l'intérieur, du coup je me concentre sur le regard de Saph avant de devoir découvrir si le mobilier vaut le salaire annuel de 5 profs ou si Scout (probablement Scout, hein ?) a attaqué l'ensemble à grand renfort de cocktail molotov.