C’est pas une raison ? Vraiment ? Il est marrant, et surtout loin d’imaginer l’impact du désordre sur toi. Son raton laveur n’est peut-être pas sale mais il touchait à tes affaires, c’est suffisant pour que tu décides de l’immobiliser et avoir un peu de paix. Que la bestiole soit maniaque, tu t’en fiches. C’est ta chambre, ton rangement, ton ordre et tu n’as pas besoin de lui pour améliorer l’agencement de l’espace. « On s’en prend pas aux animaux » ? Ben si, autant qu’aux humains quand ils sont trop pénibles. Tu lèves les yeux au ciel quand il demande si on vous apprend à torturer des chatons en cours. N’importe quoi, il exagère. Tu n’as que bloqué Biskit, c’est pas un drame. Il en fait tout une montagne alors que ce n’était absolument rien.

Bien, qu’il dégage, tu as une chambre à ranger et laver, en plus de te préparer, dans la courte demi-heure de tranquillité que tu auras. Ses paroles sonnent menaçantes, mais tu ne comprends pas la menace qu’il essaie d’imposer. Tâche d’être là sinon… Il se débrouillera tout seul ? C’est censé te faire peur ? Il s’est sûrement mal exprimé, car tu n’es pas inquiété. Tu es même tenté de ne jamais te présenter à la cafétéria. Après tout, il n’a toujours pas compris que tu étais derrière l’hallucination. Il a juste percuté que tu es un mage noir. Hm… Tu soupires quand il claque la porte et entreprends aussitôt de tout ranger et tout nettoyer. Puisqu’il a ramené les organismes à lui tu n’as plus grand-chose à faire, mais tu nettoies quand même partout au cas où.

Tu laisses également un mot dans la partie commune de la colocation pour t’excuser du bordel cette nuit et ce matin, puis tu vas te préparer pour aller prendre ton petit déjeuner. Tu mets plus d’une demi-heure à faire tout ça, sans forcément être stressé par ton retard. Mitre a l’air d’avoir une notion du temps très aléatoire. A vrai dire, tout ce qui te dérange là maintenant, c’est que ta routine est perturbée par tout ça. Tu t’en fiches de ne pas rejoindre Mitre à temps, mais de prendre ton petit déjeuner à 7h15 au lieu de 6h45, ça c’est chiant.

Lorsque tu arrives dans la cafétéria, Mitre n’est pas là. Évidemment. Tu n’attends pas qu’il arrive pour remplir ton plateau et t’installer à ta place habituelle. Tu peux au moins profiter qu’il ne soit pas là pour manger et boire sans être emmerdé. Quand tu le vois, tu lui fais signe de la main. En général tu n’as personne en face de toi. Ni à côté. C’est parfait, c’est calme. Là, tu vas devoir supporter une nouvelle intrusion de sa part.

« Bon, tu as déduis que j’étais un mage noir, bravo. Cependant, je n’ai pas le pouvoir de faire des hallucinations. Je préfère te le préciser pour que tu ne te fasses pas des idées. Malheureusement, je ne connais pas les pouvoirs de tout le monde ici et j’aurais donc du mal à identifier un individu précis, même si j’ai quelques idées. »

Tu t’interromps le temps de boire un peu de café, puis tu poursuis en étalant du beurre et de la confiture sur une tartine.

« Tu es toujours énervé pour ton raton laveur ? Encore désolé. Si tu veux que je t’aide tu as plutôt intérêt de mettre ça de côté de toute façon, à moins que tu veuilles poursuivre seul ? Pas de soucis pour moi, je te demanderai juste d’aller manger ailleurs. »

Il était très énervé en quittant la chambre, il l’est probablement encore maintenant. Toi en tout cas, tu lui en veux toujours pour cette nuit. Tu fais des efforts pour ne pas le montrer, mais ta voix est froide et tu ne lui accordes aucun intérêt, occupé que tu es à prendre ton petit déjeuner.

Mitre est décidément une personne très agréable. A peine installé, il brise ton petit-déjeuner paisible en te disant que t’es pas très efficace ni très réactif. Qu’il dise ce qu’il veut, il a beau répéter ce genre de choses, ça ne l’avance pas et son efficacité reste à zéro. Tu ne l’écoutes donc pas quand il dit ça. Tu soupires juste en regardant ailleurs tant ça t’ennuie. Tu es « son entrée la plus sûre dans leur petit groupe de tarés » et il rêve de t’étrangler. Très bien, vous avez au moins un but commun. Nouveau soupir quand il insiste sur le cas du raton laveur. Ce dernier veut bien mettre votre différend de côté le temps de retrouver le coupable de l’affaire. Erh… Super, il est aussi futé que son ami. Tu les regardes tour à tour, essayant de prendre en compte que le raton laveur est une partie intégrante du groupe de recherche et qu’il pourra donner son opinion dans l’affaire. En théorie. Puisque Mitre parle avec. T’as l’impression d’être dans une parodie Disney et ça t’enchante pas des masses.

« Puisque tu parles aux animaux, j’ai vraiment cru que le requin était là. C’est complètement con quand j’y pense mais c’est la raison pour laquelle je n’ai pas cherché. Et j’ai compris pour le raton laveur, c’est bon. C’est raisonnable de mettre la querelle de côté, on avancera mieux ainsi et on pourra repartir plus vite chacun de notre côté. »

Tu poursuis ton petit déjeuner tranquillement en réfléchissant à une façon de te débarrasser de lui. Vous allez voir l’infirmière donc… Si tu lui colles une nouvelle hallucination pour lui faire voir ce qu’il veut, il poursuivra peut-être les recherches de son côté, seul. Chercher chacun de son côté à partir de là peut satisfaire tout le monde. Tes tartines finies, tu reprends :

« Ce qu’on peut faire, c’est d’aller voir l’infirmière et de poser nos questions dès qu’on a fini le petit dej. Ensuite, selon ce qu’elle nous dit, je te propose qu’on cherche chacun de notre côté pendant le reste de la semaine. On met en commun… tous les deux jours par exemple ? Ça nous permettra d’explorer plusieurs pistes simultanément sans devoir se supporter. On peut se donner des nouvelles régulièrement pour voir comment ça avance. »

C’est pas optimal mais il est trop irrespectueux envers tes limites pour que tu puisses le tromper efficacement si vous restez ensemble. Tu termines ta tasse rapidement après ça puis tu arranges ton plateau pour aller le débarrasser.

« T’as fini, on peut y aller ? »

Mitre est trop déterminé. Les solutions qu’il propose le mèneront directement à toi et tu ne veux pas que ça arrive. Normal, sa vengeance ne te dit rien qui vaille et tu préfères qu’il déploie son énergie contre un ennemi invisible plutôt que sur toi. Il te demande ensuite quel est ton pouvoir, pour savoir s’il pourrait être utile. Hahaha il n’a pas idée. Il est et sera utile, mais pas pour lui. Bien évidemment, tu ne lui dis pas la vérité. Tu ne cherches même pas longtemps un mensonge et réponds avec un petit air embêté :  

« Je manipule la mémoire. Le problème c’est que je galère un peu avec ça, c’est assez aléatoire. Et je m’amuse pas à terroriser les animaux, faut se calmer. »

Tu t’es défendu contre une invasion, c’est pas pareil. « T’as pas un téléphone plutôt ? » Erh… Qui a parlé de retaper des soirées pyjama ?? Tu voulais seulement des rendez-vous réguliers, de trente minutes, le soir par exemple. Tu ne voulais en aucun cas suggérer d’autres soirées pyjama. Sérieusement, cette nuit était un enfer et si tu devais remettre ça tous les deux jours, tu finirais par tuer quelqu’un. Puis les messages ne sont pas aussi efficaces qu’un échange en face à face… Tu soupires.

« Bien sûr que si j’ai un portable. On peut faire ça, si ça t’arrange. »

Et il se démerdera à traduire tes sms. Mitre étant également prêt à partir, il te fait signe de passer devant. Il connaît pas le chemin ? Tu ne pinailles pas, ça veut dire que tu peux le balader à l’opposé de l’infirmerie et le faire à nouveau halluciner. Ton plateau débarrassé comme il faut, tu le guides hors du réfectoire, au hasard dans les couloirs. Hasard qui n’en est pas tellement. Le temps de t’assurer qu’il ne connaît pas le chemin, tu prends un petit détour. Tu prétextera t’être trompé s’il le remarque.

« Tu ne vas pas souvent à l’infirmerie ? »

Toi tu y vas assez souvent pour qu’on reconnaisse ta tête. Après… Ce n’est plus la même personne, apparemment. Il y a une nouvelle. Tu l’as aperçu rapidement, est-ce que ce sera suffisant pour tromper Mitre ? Faut tenter. Au pire le personnel de l’école est vaste. Fatigué ou pas, il faut que tu l’éloignes définitivement de la piste de l’infirmière. Alors, au détour d’un couloir, tu la fais apparaître pour que son image vous croise. Le raton laveur est dans un sac mais il reste un témoin. Puisqu’il est dans le dos de Mitre et ne peut donc pas voir ce qu’il se passe devant, tu touches son odorat. C’est pas facile, il s’agit de gérer un humain et un animal en même temps, pas pour les même sens. Va falloir être rapide.

« Madame ! Bonjour, est-ce qu’on peut vous poser une question ? Il y a deux semaines, est-ce qu’un étudiant est venu vous voir à cause d’un grand épuisement ? Une fatigue oculaire, peut-être, ou une migraine… En fait, nous avons un ami souvent sujet à ce type de problème, et il a eu une crise particulièrement violente. Il nous a dit qu’il irait à l’infirmerie, mais en deux semaines son état ne semble pas beaucoup mieux. On se demande donc s’il est bien passé vous voir ? Il venait d’aller se baigner, normalement… »

Elle semble préoccupée, affirmant qu’elle n’a rien vu de tel et qu’il ne faut surtout pas hésiter à venir la voir quand c’est comme ça. Tu lui fais avoir un baratin de médic inquiète, et quand elle demande un nom tu balances celui de ton coloc. Ensuite, elle prétexte être pressée car ses consultations vont commencer, puis elle s’éclipse en assurant qu’elle n’a vu personne mais qu’elle y fera attention. Tu as déjà mal à la tête. Tu switches l’effet visuel pour passer seulement sur l’effet auditif des pas qui s’éloignent précipitamment, jusqu’aux escaliers où tu les fais disparaître. Heureusement que tu as bu deux cafés, ça te permet de rester cohérent et surtout de ne pas avoir l'air soudainement plus fatigué. Le problème c’est que tu ne peux pas tromper Mitre indéfiniment.

« J’ai essayé de booster sa mémoire des jours qui ont suivi l’hallucination, on peut la croire quand elle a dit n’avoir vu personne. C’est fatigant comme utilisation mine de rien. »

Difficile de ne pas afficher une mine de dégoût quand il parle de composter ses mouchoirs plein de sang. Vous avez beau être mages et donc voir pas mal de trucs chelous dans cette école, la dimension « on fait joujou avec des microbes, des machins pourris qu’on collectionne » te rebute énormément. C’est juste immonde. Ta répulsion laisse plus ou moins vite place à ta susceptibilité lorsqu’il fait remarquer ta pâleur et tes cernes. …Oh putain c’est pas vrai. T’as pas dormi à cause de lui, et il parle de ta tête comme s’il n’était pas responsable. Ce type est insupportable. Tu soupires, profondément agacé par son attitude.

Ça ne s’arrange pas après l’hallucination. La tentation de le secouer et de lui mettre des claques est accentuée par la fatigue, c’est difficile. Faut rester zen, respire. Ce type est à mille lieux de la réalité, du genre à comprendre vite si on lui explique longtemps. Comment ça on sait pas si elle ment ? Même si ça n’avait pas été une hallucination, pourquoi aurait-elle menti à des élèves qui veulent s’enquérir de l’état d’un ami ? Tu prends soudainement conscience qu’il a peut-être rien capté à l’excuse que tu as inventé rapidement. Puis « reste plus qu’à fouiller son bureau »… Tu le fixes comme s’il était complètement con.

« Mitre. Comment on peut fouiller son bureau si elle y est pour des consultations ? Parce que c’est là qu’elle les fait dans la majeure partie des cas. »

Puis tu écarquilles les yeux en te rendant compte que tu le guides dans le sens opposé de l’hallu, donc à l’opposé du supposé bureau. Tu n’as jamais été aussi content d’être fatigué à ce point, ça te donne une excuse pour tes erreurs.

« Euh… Je me suis planté de direction au fait. La prochaine fois que tu veux entraîner quelqu’un dans tes idées moisies de vengeance, t’as vraiment intérêt à les laisser dormir un minimum. »

Embarrassé, tu regardes dans la direction prise par l’hallucination, puis tu baisses les yeux sur ta montre.

« En plus mon cours va bientôt commencer. On fait un récap rapide avant de se  séparer ? Parce que tu sèches les cours si tu veux mais moi c’est hors de question que j’arrive en retard. »

Par en retard tu veux dire moins de 5/10 minutes en avance. Il reste 15 minutes avant le début des cours. Tu es partagé entre garder un œil sur Mitre ou le quitter pour les cours mais… Ben tu es juste incapable de sécher ou d’arriver en retard. Même après une nuit blanche, même s’il risque de faire de la merde tout seul, l’angoisse ressentie par ton absence du moment sera pire que les représailles de Mitre. Ton sens des priorités est aussi inutile que ton instinct de survie.

« Alors : l’infirmière n’a vu personne correspondant à notre description. Je sais pas si t’as capté mais c’était un gros bobard de ma part pour obtenir une réponse en contournant comme possible le problème du secret professionnel. Avec l’utilisation de mon pouvoir on peut lui faire confiance. Le problème c’est qu’elle est déjà dans son bureau à l’heure qu’il est, et ce pour la journée. Impossible donc d’aller fouiller. Désolé de mettre trompé de chemin. »

Ou pas, ça t’a fait gagner un temps précieux. Maintenant il est trop tard pour fouiller les dossiers, il devra remettre cette idée à plus tard s’il y tient vraiment. Rapidement, tu déchires une page inutilisée de ton agenda pour noter ton numéro de téléphone dessus.

« Voilà mon numéro, envoie moi un message quand tu veux pour qu’on parle de la suite. Là je peux pas traîner. Je te promets d’être plus efficace la prochaine fois, en tout cas ! A plus tard. »

Tu le quittes rapidement pour aller à ton cours, sachant d’avance que ce sera très compliqué de suivre. Sans compter que ce gars est totalement chaotique, tu dois éviter de penser à ce qu’il pourrait faire pour ne pas te stresser inutilement.