Etre ou ne pas être un matou extraordinaire

ft KitKat

Bon aujourd'hui, histoire d'occuper ma soirée après les cours, j'avais décidé d'aller chanter dans la salle de musique avec l'aide du piano. Oui, depuis quelques temps, je commençais sérieusement à me remettre au chant lorsque j'étais seule car ça me manquait réellement, je m'en étais rendue compte après ma petite entre vue avec Télesphore qui m'avait tant remonté le moral malgré toutes mes galères que j'avais décidé aussitôt d'aller travailler ma voix. Et ce soir là, chanter avait été une réelle libération pour moi. J'avais porté ma voix sur de telles voluptés qu'en un instant, j'avais repris confiance en moi. Mon père m'avait bridée pendant des années pour que j'arrête le chant mais c'était la seule chose pour laquelle j'avais un réel talent naturel. Ma voix était à la fois aussi douce et légère qu'une brise l'été, et aussi puissante et profonde que le grondement d'un torrent. Je faisais ce que je voulais de ma voix, couvrant aisément trois octaves, parfois un peu plus lorsque j'étais bien échauffée.

Et donc me voila parcourant les couloirs en direction de la salle de musique pour m'exercer. Mais allez savoir pourquoi, ce jour là, mon chemin passa devant la salle de théâtre. Habituellement vide à cette heure là, je ne comptais pas m'y arrêter sauf que... non, ce soir elle n'est pas vide ! J'entends clairement quelqu'un jouer sur scène, sa voix retentissant dans la salle. Je me demandai alors qui ça pouvait bien être et je poussais alors la porte de la salle et entrai dans la pièce.

Quelle ne fut pas ma surprise que de découvrir non pas un humain mais... un chat ? Un chat qui parle et qui est costumé comme un mousquetaire ? Je me pinçais le bras. Non, je ne rêvai pas, il y avait bien un chat, là, sur scène, déguisé en mousquetaire, qui semblait répéter une pièce de théâtre. Je me mis à l'écouter malgré moi, mon esprit acceptant peu à peu cette idée qu'il était possible qu'un chat puisse parler bien que cela restait tout de même invraisemblable. Mais je bougeai bien des objets par la pensée alors pourquoi un chat ne pourrait il pas parler ?

Son histoire était plutôt amusante et touchante, celle de trois mousquetaires qui devaient aller tuer une méchante sorcière pour sauver le royaume. Sauf que visiblement, au vu de sa dernière tirade, le combat, bien qu'ils en sortirent victorieux, c'était mal passé, les deux autres mousquetaires étaient morts et notre héros principal était mal en point avant de finir par s'effondrer sur le sol, inconscient. Qu'elle histoire à la fois délicieuse et tragique, son jeu d'acteur n'était vraiment pas mauvais en plus. Et j'adorai les tragédies.

Mon envie de jouer fut alors plus forte que moi. J'avais moi aussi envie de faire partie de cette pièce de théâtre. Mais que faire ? J'eus soudain une idée : jouer l'amante du mousquetaire principal, aux origines andalouses, sachant parfaitement chanter et danser et qui avait des capacités de guérison grâce à son chant. Oui j'improvisais totalement, mais je voulais sauver ce chat de cette terrible tragédie. Prenant alors mon meilleur jeu d'acteur, je me précipitai sur scène, m'arrêtant soudainement, le visage couvert d'effroi en voyant le corps sans vie du petit chat.

- Mi amor...

Je courus alors de nouveau vers lui et tombai à genoux, prenant dans mes mains le petit corps sans vie de ce chat, déformant les traits de mon visage pour feindre la tristesse. Je mis alors dans ma voix toutes les émotions dont j'étais capables, essayant vraiment de rentrer dans le personnage en empruntant un accent aux sonorités espagnol, et emplissant ma voix de peur et de désespoir :

- Oh non, mi amor... mais qu'avez vous fait ? Vous nous avez tous sauvé de cette bruja mais à quel prix ? Oh por favor, répondez moi ! Je ne puis vivre sans vous, vous êtes tous ce qui me reste sur cette terre. Que vais-je devenir ?

Je posai alors une main là où était sensé être mortellement blessé le mousquetaire et retirai ensuite ma main, la regardant avec effrois comme si elle était réellement couverte de sang. Puis je reposai mon regard sur le chat, laissant couler une larme.

- Accrochez vous mi amor ! Je vais chanter pour vous, chanter ma chanson qui guéris tous les maux en espérant pouvoir vous sauver vous aussi de ce destin tragique et ainsi permettre de nous réunir à nouveau.

Je commençais alors à chanter Hijo de la Luna qui était la seule chanson que je connaissais en espagnol, la trouvant magnifique déjà en français et voulant alors l'apprendre dans sa langue d'origine. Ma voix pure et claire retentie dans la salle, entonnant cette chanson, en ne donnant que très peu de puissance, la chantant tout doucement, comme un murmure, mais restant audible tout de même. Je laissait toute mes émotions emplir mon chant, lui donnant un aspect de plus en plus mélancolique et tragique, comme ce que racontait cette chanson, ainsi que le contexte de cette pièce. Je ne fis pas toute la chanson, me contenant du premier et du dernier couplet, ne voulant pas non plus que ma chanson dure 5 minutes. Après tout nous étions en plein dans une pièce de théâtre.

Je laissais alors peu à peu mourir ma voix sur les dernières notes avant de reposer mes yeux humides sur le petit corps du chat que je tenais toujours dans mes mains. Aller-t-il se prendre à mon jeu ? Je ne savais pas. En tout cas je venais de donner le meilleur de moi même dans ma prestation de l'amante épleuré, découvrant le corps sans vie de son héros et essayant de le guérir grâce à sa magie. Je ne savais comment continuer cette pièce autrement, hormis de mettre fin aux jours de mon personnage par amour peut être...

Etre ou ne pas être un matou extraordinaire

ft KitKat

Mais qu'étais-je entrain de faire ? Mon cerveau c'était clairement mit en off, ce n'était pas possible autrement. Me voilà à jouer une pièce de théâtre avec un chat ! Bon sang, un chat qui parle ! Mais sur quelle planète vivons-nous ? Bon, courage, j'ai une pièce de théâtre à terminer, il serait bête de lâcher son rôle dès maintenant alors que je venais de réaliser une prestation parfaite, tenant mon rôle d'espagnol amoureuse et épleuré du mieux que je pouvais.

Mon partenaire rentra alors dans mon jeu, se réveillant peu à peu et déclarant son amour pour mon personnage dans une improvisation digne des plus grands. Je me mis à lui sourire, essuyant une larme qui s'était échappée. Au moins j'étais plutôt satisfaite qu'il rentre ainsi dans ma proposition de suite pour sa pièce. C'était toujours plus sympathique de composer à deux que seul. Et comme je l'avais dit précédemment, j'avais bien aimé sa petite pièce toute mignonne, aussi essayai-je de lui donner une fin moins tragique.

Après sa demande en mariage, je le regardai, toujours à genoux devant lui pour rester à sa hauteur. Clairement, je n'allais pas l'embrasser, j'étais bonne actrice mais il restait un chat. Je me contentai de me pencher vers lui et de déposer mes lèvres en un baiser sur le sommet de son crâne avant de me reculer de lui, affichant le plus magnifique des sourires sur mon visage.

- Evidement que j'accepte. Vous ne savez pas à quel point votre demande me comble de joie.

Je posai mes deux mains sur ma poitrine pour souligner mes propos. En théâtre, la gestuelle était tout aussi importante que les paroles ou la manière de sortir son texte. Il valait mieux exagérer un peu pour faire mieux passer les émotions et les sentiments du personnage, surtout que contrairement au cinéma ou les gros plans existaient, au théâtre les spectateurs étaient loin et ne pouvaient apprécier les grands gestes plus facilement que les subtilités. Bon, continuons.

- Nous nous marierons à Sevilla avant que vous ne m'emmeniez explorer le reste du monde à combattre les injustices, soigner les malades et triompher du mal et de la corruption qui ronge cette terre. Ensemble, oui ensemble, nous triompherons des épreuves qui se dresseront sur notre chemin.

Ok Amicia, tu t'es un poil emballé dans ton texte la. De plus, il se serait tant de conclure avant que ça ne devienne vraiment trop bizarre. Parce que je te rappelle que tu donne la réplique à un chat. Un chat qui parle, certes, mais un chat. Il n'empêche que, bien qu'il ne s'agisse pas d'un humain mais d'un félidé, je ne pouvait qu'apprécier son jeu d'acteur très naturel et ses idées simples mais efficaces. Je me remis sur mes jambes. Il fallait conclure avec une sortie de scène, pas d'autre choix.

- Allons mi amor, retournons dès à présent chez moi pour soigner vos blessures avant d'affronter à nouveau notre destin.

Bon, là en temps normal, j'aurais prit son bras et nous serions sortit bras dessus, bras dessous de scène. Mais là, avec notre très grande différence de taille, ce n'était pas possible. J'aurais aimé, sincèrement, mais ce n'était pas possible. Et puis, le prendre dans mes bras ce n'était pas non plus une bonne solution, j'étais sa dame, et il n'accepterai jamais de se faire porter par sa dulciné, pas un mousquetaire avant autant d'honneur.

Aussi trouvais-je une autre solution : je repérai une planche de bois posée d'un un coin et à l'aide de ma magie, je la fis venir jusqu'à nous. Je ne savais pas trop à quoi servait cette planche mais elle allait nous être d'une grande utilité. Je déposai la planche à côté de moi et m'accroupis, tendant la main vers KitKat. J'attendis qu'il pose sa patte dans ma main et monte sur la planche avant de de me redresser lentement, faisant monter verticalement la planche pour que KitKat puisse rester à ma hauteur. Une fois complètement redressée, j'adressai un regard ainsi qu'un sourire au chat avant de me diriger vers la sortie de la scène, prenant grand soin de garder la planche à ma hauteur, parfaitement horizontal et aidant l'animal à garder l'équilibre. Voila une sortie des plus théâtrale !

Une fois hors de la scène, je reposai la planche délicatement à terre pour laisser le mousquetaire retrouver le plancher des vaches. Puis je finis par sortir de mon rôle et épousseta ma robe pour la débarrasser de la poussière qui trainait sur la scène. Une fois propre, je me redressai de toute ma hauteur et regardai le chat d'un regard nouveau, bien plus intriguée qu'autre chose.

- Et bien, quelle pièce ! Je ne la connaissais absolument pas mais je dois vous avouez que je l'ai grandement apprécié. Est-ce vous qui l'avez écrite ?

N'avais-je pas encore oublié quelque chose avant ? Certes c'était un chat mais il était doué de raison et il méritait les formules de politesse. Aussi mademoiselle Faversham, vous devriez vous présenter avant toute chose. Oui, et j'allais réparer cette erreur sur le champ.

- Au fait, je ne me suis point présentée. Amicia, pour vous servir.