L’administration était, comme prévue, une terrible épreuve qui m’a grillé le cerveau en deux secondes d’interaction avec la secrétaire. Elle m’a demandé le numéro des apparts, je les avais oubliés. Elle m’a demandé les noms de famille des résident.es des apparts mentionnés, je les avais aussi oubliés. Heureusement, elle a opté pour une stratégie très simple quand elle a capté que je pataugeais dans la semoule. Elle a repris mon nom et elle a regardé mon dossier. Puis elle a fouillé tous les autres pour trouvé Phil. C’était plus long que prévu mais ça l’a fait.

Cette épreuve était légère par rapport à la discussion avec April et Kira. Je saurais même pas le raconter, j’étais tellement angoissé que j’ai tout oublié après leur avoir parlé. Ça revient par bribes et je fais pas confiance à ma mémoire. Ensuite, j’ai contacté Phil pour qu’il me rejoigne et qu’on emballe mes affaires. Elles étaient pas nombreuses mais éparpillées aux quatre coins de la chambre. C’était embarrassant, mais Phil a dû comprendre depuis qu’on se connaît que je suis pas un pro de l’organisation. Sa présence m’a énormément aidé, alors je l’ai remercié 100 fois pendant le rangement et le trajet. Il a pas idée de la galère que c’était quand j’ai aménagé ici. J’ai pas la force de tout porter.

Maintenant, son appart est officiellement le nôtre en attendant une troisième personne. Ça me fait sautiller de joie devant la porte, activité que j’abandonne assez vite pour cause d’épuisement. Dès que possible, je laisse tomber mes sacs pesants dans le salon et je me tourne vers Phil pour lui faire un câlin.

« On est chez nous !! »

On le sera vraiment quand j'aurais déballé mes affaires.

« Ah euh, est-ce qu'il y a assez de placards dans la chambre ? »

Je ris quand mes pieds décolle du sol. On est tous les deux sur un petit nuage, mais moi c’est littéral pendant ces trois secondes à ne plus toucher terre. Je le suis dans la chambre, curieux de savoir pourquoi le ton de son oui était aussi contradictoire avec l’affirmation. Il y a de la place mais pas trop, c’est ça ? Je suis prêt à tasser mes affaires s’il le faut, ça devrait le faire. De toute façon, la moitié finira par traîner partout. Sa prudence me fait pouffer de rire, mais la suite est mieux. J’arrive pas à me retenir de me moquer de la pile de linge qui lui tombe sur le visage.

« Ce serait pas étonnant que la majorité de nos vêtements finissent éparpiller dans la chambre alors bon… Mais pour un bon départ on peut tout organiser, oui ! »

Je sais pas comment, mais on peut ! L’avantage d’avoir bien fait mes sacs en présence de Phil, c’est que mes vêtements sont relativement bien pliés et prêts à être rangés.

« Merci pour la place, sinon ! Ça te dérange pas que je mette mes veilleuses sur ma table de nuit ? Ou je t’en prête une si tu veux ! J’ai pas besoin de trop de place à part ça je crois... »

Je réfléchis aux objets dans mon sac et secoue la tête.

« Non, c’est bon. Je pourrais mettre mes trucs et bidules dans la chambre qui servira d’atelier, ça m’évitera de les perdre par tout. »

Que d’espoir.
Quand la place est faite, je vais chercher les sacs avec mes habits pour commencer à les ranger. On avait dit nouveau départ mais bon, ça m’ennuie super vite. Je finis par tout fourrer en désordre sur les étagères. C’est bien rangé, juste très mal organisé. Des pulls sont avec des t-shirt, des pantalons avec des pyjamas… Je m’en sortirai.

« Voilà, j’ai fini ! Je vais déballer le reste, j’arrive. »

Contrairement aux vêtements qui sont ennuyants à ranger, je prends soin d’organiser ma table de nuit pour voir le meilleur quand je me réveille la nuit. Pour le reste, c’est de la décoration et encore des luminaires.

« Tu aimes les lampes galaxie ? Et les étoiles ? Ça te dérange si on colle des planètes sur le plafond ? Et la lampe galaxie c’est super beau, c’est mieux que n’importe quel autre lampe. Tu voudras voir ce que ça donne ce soir ? »

Tout lui va et à moi aussi. C’est moins pénible de faire des choix quand on peut opter pour tous. Cependant… La déco de l’appart est pas trop mal, j’essaierai de la respecter en ajoutant ma touche personnelle au fur et à mesure. Elle commence avec mes planètes et étoiles diverses que je veux coller partout sur le plafond. Ça fait rêver, presque littéralement. Et ce sera incroyable quand on aura ajouter les étoiles phosphorescentes ! J’en ai dans les yeux à imaginer la beauté du plafond quand on aura fini de le décorer. C’est une partie très importante de la chambre, à mon sens. C’est ce qu’on voit avant de s’endormir et au réveil. Faut vraiment pas le négliger.

Il revient avec un escabeau tandis que j’organise les décorations sur le lit pour les cartographier avant qu’on les colle au plafond. Notre univers. J’adore.

« Celles que j’ai brillent pas, mais t’as raison on devrait en ajouter des phosphorescentes ! On pourra les mettre sous forme de constellations ! »

Je lui tends les planètes et étoiles petit à petit en lui indiquant du doigt où elles iraient mieux, par moment. Je n’allais pas me proposer pour gravir l’escabeau, ça aurait été trop dangereux.

« C’est chouette de pouvoir faire notre univers. Oh ! On a une galaxie tropicale en fait ! C’est marrant comme mélange, on a la tête dans les étoiles et les pieds ancrés dans la réalité. »

ça me fait penser à autre chose. On aura forcément du rab d’éléments spatiaux…

« Tu as déjà essayé de décorer tes pots de fleurs ? J’ai pas fait attention… Mais si ça te dit, on peut réutiliser ce qu’il nous reste pour les mettre dessus ! »

Les cactus sont mignons avec notre touche personnelle, c’est mieux qu’un pot terne. Surtout si Phil ne les apprécie pas plus que ça. Par contre, on laissera les autres pots tranquilles pour ne pas faire d’ombre à la beauté des autres plantes. En plus, comme il dit, ça ne servirait pas à grand-chose s’il change régulièrement de pots. Il me fait rire en parlant du ménage avec les cisailles ! Ça a l’air beaucoup plus amusant qu’avec un aspirateur.

« C’est des surprises qui donneront un air d’aventure au quotidien, c’est marrant. »

Je m’installe contre lui sur le lit et me déconcentre assez vite du plafond pour lui faire des papouilles. Je m’interromps pour réfléchir quand il me demande des précisions sur mes habitudes.

« Hm… J’ai tendance à laisser les fenêtres ouvertes sinon l’intérieur devient étouffant. Ça ne posera pas de problème avec les plantes ? Je fais mes devoirs dans la pièce de vie, sinon, alors c’est possible que mes affaires de cours y traînent. Tout comme une partie de mes affaires de toilette parce que les salles de bain sont souvent petites. Autrement… Ah, j’ai souvent un sommeil agité et ça m’arrive de manger la nuit en me réveillant. J’essaierai de pas faire de bruit. Et toi ? »

Même si l’espace est organisé autour de lui, Phil a été très bienveillant avec mes besoins et je ne l’ai pas tellement entendu décrire les siens. Or, il en a forcément et notre cohabitation se passera mieux si on connaît nos fonctionnements. Ça me fait un peu peur de s’expliquer à ce point, mine de rien. Peur d’être pénible et difficile à vivre. Avec Kira et April, chacun était indépendant et pourtant je comptais énormément sur elles au quotidien. Là, on n’est que deux. J’ai pas envie de lui rajouter une charge lourde alors qu’il a sa vie à faire aussi.

« Hésite pas à me dire quand tu auras besoin de moment juste pour toi, au fait. »

Je ris à son geste théâtral, n’ayant aucun doute sur le temps qu’il doit passer à soigner son apparence. Il présenterait pas aussi bien sinon, non ? Ou alors je l’aime juste énormément et ça le rend très beau à mes yeux. Mais… J’ai la sensation que n’importe qui d’autre serait d’accord pour admettre que Phil est bg. Mon rire s’éteint en entendant ses habitudes de sommeil. Ça a l’air difficile d’en parler, j’ai pas envie de le presser et de le mettre mal à l’aise. Sans rien dire, je lui fais un câlin et le laisse s’exprimer librement sans l’interrompre. Je secoue la tête.

« J’ai passé des années tout seul, c’est pas quelque chose que je cherche. Ça me rend aussi collant et euh… J’arrive pas trop à voir quand j’empiète sur l’espace perso des autres. Ou sur leurs nerfs. Sinon j’aurais eu aucune surprise vis à vis de April. »

Mon ignorance me fait rire. Un peu. C’est mieux que d’en pleurer.

« Je me vexerai pas non plus, bien sûr. Tu peux l’exprimer comme tu le sens, quand tu le sens. Comme parler c’est pas toujours possible, on peut même chercher d’autres moyens ! Perso, je passe par écrit quand ça bloque dans ma gorge. Comme la dernière fois. Je sais pas si c’est ce qu’il y a de mieux mais bon. »

A moins de développer un don de télépathie, j’ai pas trouvé autre chose. Il y a des applis avec des images, mais je sais pas si c’est assez diversifié pour permettre un vrai échange.

« Et pour l’angoisse, si je peux t’aider pour quoique ce soit je le ferai. Tu préfères être accompagné dans ces moments-là ou tu veux continuer comme tu fais déjà ? »

C’est vrai que nos énergies matchent bien. Je le visualise comme le spider-sense dans Spiderman New Generation, quand Peter et Miles se synchronisent. J’ai souvent l’impression qu’on est littéralement sur la même longueur d’onde. C’est amusant et apaisant. Pas comme ce qu’il raconte ensuite. Ça, c’est triste. Trop triste. Terrible. Ce genre de famille ne devrait pas exister, ça me révolte. La famille, c’est censé être un cadre aimant, fait pour s’épanouir dans la vie en étant soutenu par les personnes qui comptent le plus. Pas ça. Ses parents ont perdu un fils exceptionnel et c’est tant pis pour eux. Au moins, maintenant, il est en sécurité ici.

Phil essuie ses larmes dans mon t-shirt et ça m’embarrasse. Pas parce que ça mouille mon haut, mais parce que j’ai aussi les yeux (et le visage) humides. Avec son geste, je m’essuie involontairement dans ses cheveux. Sans rien dire, je dégage un bras pour essayer de lui essuyer les cheveux. Ils se lissent, c’est déjà bien ? Je dois lui dire ? Mais comment ? « Au fait, pendant que tu me racontais ta terrible vie j’ai versé mes larmes dans tes cheveux. ». C’est pas sérieux ! Un peu paniqué, je tire sur le drap pour éponger les mèches légèrement trempées.

« E-excuse-moi, j’ai… C’était triste alors… Euh… Y’avait tes cheveux et j’ai pleuré dedans, mais c’est pas grand-chose ! »

C’est pas sorti comme je le voulais. Je repousse le drap et me remets contre lui.

« Merci de m’avoir raconté ça. Ta famille se trompe totalement dans ce qui fait la force d’une personne. Tu es déjà très fort d’avoir surmonté tout ça, ils méritent pas une aussi belle personne. Et c’est pas con ce que tu dis, c’est juste. On peut réapprendre à vivre ensemble en allant plus loin que les pensées limitées qu’on a subi. »

J’ai peur de trop m’avancer et de prendre encore de la place sans lui en laisser suffisamment.

« Pour la musique, on peut essayer doucement. On est pas obligés d’être tout le temps ensemble pour ça et si tu sens que c’est pesant pour toi, je te laisserai tranquille. »

Je lui souris.

« Je suis quand même curieux de tester cette communication. Ah et, hm… Je sais pas si c’est utile de le dire mais… Tu pourras toujours me faire confiance. »

Ses baisers communiquent tellement d’émotions, je m’en lasse jamais. C’est comme se jeter dans une mer agitée en étant sûr qu’il n’arrivera rien. Je profite du flot, des sensations qui me viennent, en répondant à son baiser avec toute la chaleur qui me traverse. Un frisson à la fois glacé et brûlant me saisit quand il s’agrippe à moi. Je sais pas ce que c’était. De la peur, de l’envie, de l’angoisse, de la passion… Tout ça en même temps ? Il s’écarte et j’aimerais qu’on retrouve aussitôt notre proximité. Mais pas tout de suite. Là, on parle. Ou plutôt, il parle et me dévisage et ça me perturbe si fort que j’oublie de réfléchir. Je regarde ailleurs. Le bout du lit, le plafond, un meuble. Je sais pas quoi dire, quoi faire. J’ai très envie de me cacher derrière un oreiller. En plus, je suis sûrement rouge comme une tomate à cause de l’embarras. Super la confiance en soi, 10/10.

Il enchaîne sur un sujet pas plus simple et j’ai toutes les peines du monde à pas montrer que toute réflexion est actuellement laborieuse. Mon regard se pose partout sauf sur lui et je commence à jouer avec le premier truc qui me tombe sous la main. C’est le genre de question qui appuie sur mon inexpérience et oppresse ma poitrine. C’est bête, je devrais pouvoir y répondre. Je ferme les yeux et essaie de respirer calmement avant de les rouvrir. Ma respiration s’est tout juste améliorée.

« Comment je quoi déjà ? Un couple ? Euh... »

Allez cerveau, mouline.

« Je conçois ça comme deux personnes qui s’aiment. Et… Pour moi c’est de l’amour. »

Je fronce les sourcils en me rendant compte que je me suis répété.

« Ah non attends, j’ai oublié ce que je voulais dire. »

C’est pas possible, pire petit ami du monde. Je sais même pas décrire dans quoi je m’embarque. Le truc que je bidouillais a pris cher.

« Tu parlais d’éviter de se faire mal. Mais. Comment on pourrait s’en faire ? Uh. Je veux juste t’aimer et qu’on passe du temps ensemble comme on le fait déjà, en s’entraidant ou en s’amusant. »

Je dis n’importe quoiiii. C’est confus, même moi je réagis intérieurement à chacune de mes conneries. Ma conclusion se fait sans assurance, avec une voix timide et une envie de disparaître. Son histoire m'avait déjà pas mal chamboulé, c'est tout juste si je me remets pas à pleurer à cause de ma confusion.

« Voilà quoi, un truc comme ça. »

Ses bisous partout me font rire et me distraient de la panique qui monte. Ma réponse n’était pas nulle, Phil dit même qu’elle était très bien. C’est rassurant, j’avais vraiment la sensation de ne rien apporter d’utile et de m’emmêler de trop dans ce que je voulais dire. Ses explications me permettent de mieux comprendre. Je crois… Je ne sais pas si sa phrase sur les gestes veut dire qu’on peut se taper sans faire exprès. Ça m’étonnerait, comme on a tous les deux un historique de maltraitance. Je me dis donc que je n’ai pas compris la formulation, et ça se confirme quand il explique la suite.

C’est un peu compliqué à assimiler, mais je crois que je vois. En gros, on peut s’aimer et aimer d’autres gens sans se délaisser l’un l’autre. J’ai eu très peur quand il a commencé à en parler, sans avoir la certitude qu’il m’aimera toujours. Cependant, je lui fais confiance et je n’aurais pas de problème avec ce fonctionnement si j’ai la certitude d’être aimé. Pourquoi je l’aurais pas, d’ailleurs ? Puis j’y pense, c’est limite logique. Un cœur est assez grand pour plusieurs personnes.

« Je serai à l’aise avec ça, je pense ? J’aime bien l’idée d’avoir plein d’amour à donner à plein de monde et si tu peux t’épanouir avec moi et avec d’autres personnes, j’y vois aucun inconvénient. En plus, aimer quelqu’un c’est lui laisser sa liberté. Il y aurait rien de pire que de t’en priver. »

Je ramasse les petits morceaux du truc déchiré pour continuer à jouer avec.

« Merci de m’avoir dit tes besoins. Par contre… me concernant… Hésite pas à me dire si ce que je fais te dérange. Je suis pas encore au point sur ce que je veux dans un couple, ça risque de venir avec les expériences. Ça ne t’embête pas ? Je t’aime aussi et je souhaite ton bonheur. »

Ça me rassure qu’il rappelle plusieurs fois qu’on peut communiquer ouvertement entre nous. Pour être honnête, c’était un sujet d’angoisse. Ça l’est toujours. Je ne peux pas mettre de côté la peur qui me bouffe à l’idée de m’affirmer pour mes besoins quand je le veux. Avec lui, j’ai la sensation que je pourrai y arriver doucement, sans me mettre dans des états pas possibles. C’est pour ça que ça me rassure. La douceur de ses baisers me fait sourire. La douceur de ses mots aussi. Mon amour pour lui est si intense que je sais pas comment le lui transmettre autrement que par les gestes qu’on échange. Je profite du silence pour organiser mes pensées et répondre à ce qu’il disait.

« Je ferai des efforts pour la communication. Je dis pas que j’y arriverai tout le temps, parfois j’acquiesce à tout par automatisme. Désolé d’avance, je vais travailler dessus. Je pense pas non plus que ça puisse aller mal entre nous mais… »

Ah.
Non.
Si ? Il souhaite qu’on communique ouvertement et ma langue est allée trop vite. J’ai pas envie de le vexer pour autant en exposant le fond de ma pensée. Agité par ma bourde, j’essaie en vain de rester parfaitement calme. C’est con quand on pense au fait qu’on est collés ensemble et qu’il peut sentir mon cœur battre à cent à l’heure.

« Uuh… J’ai pensé à plein de choses en même temps, excuse-moi. J-j’allais dire que, en gros, avec les expériences que j’ai je suis jamais sûr de rien. Je te fais totalement confiance donc ça aurait été con de le dire. Fin je l’ai dit quand même au final mais je le pense pas vraiment, c’est juste de l’anxiété je crois. C’est vraiment pas important, oublie. Je voulais même pas penser ça en plus, donc ça vaut rien du tout du tout. C’est fou comme le cerveau est bizarre tu trouves pas ? »

Aaaah allez tais-toi Eizh, t’es de plus en plus gênant. C’est l’équivalent de faire tomber l’entièreté d’un placard sur le sol en voulant prendre une assiette.

J’en ai marre de paniquer pour un rien, d’être jamais sûr de ce que je fais ou ce que je dis. Dans une vie idéale, j’aurais la confiance de dire tout ce que je pense à Phil. Les doutes seraient moindres et la sérénité une constante. Phil me rassure comme il peut, mais mes pensées spiralent et tournent en boucle sur ce qui ne va pas. Il a raison sur toute la ligne, je panique autant voire plus quand je m’exprime pas, parce que je sais pas quoi faire du bordel dans ma tête. Je secoue la tête à sa question sans répondre. J’ai une boule dans la gorge et je sens que si j’ouvre la bouche, je vais boucler sur un mot. Je sais pas si c’est marrant de dire ce qu’on pense, tout ce que j’ai appris c’est que c’est dangereux.

Ma respiration s’emballe au même titre que mon coeur. Non non non non non non non. Fait chier. On était posés, tranquilles. Pourquoi sa proposition me secoue comme ça ? Je me sens en danger, comme si ouvrir la bouche allait m’attirer de graves ennuis. Je peux pas dire tout ce qui me passe par la tête librement. Ça arrive déjà souvent que j’en dise trop sans faire exprès. Puis exprimer mes pensées… ça bloque. Je sais même pas par quoi commencer et tout semble risqué.

« Ma pensée est loin d’être bête. »
J’en suis pas sûr. Si elle est pas bête, pourquoi elle est aussi compliquée ? Pourquoi j’arrive pas à l’organiser et à être cohérent ? Pourquoi je maîtrise rien ? Je sais pas si l’intelligence joue là-dedans mais j’en serai pas surpris.

« O-ok. Hm. Je vois. J’y arriverai pas. Pas tout de suite. Merci pour ton aide par contre, c’est pas mal comme idée… Juste… ça t’attire pas des ennuis ? Dire tout tout tout ce que tu penses ça peut être très dangereux, je veux pas ça… »

Je souffle pour essayer de me calmer et décide plutôt de faire un câlin à Phil.

« ça va. J’ai tout mélangé dans ma tête euh… Me faut un peu de temps pour arrêter que ça tourne en boucle. »

Arrêter de boucler, respirer, profiter du silence. Toute ma concentration passe dans les exercices de respiration.

« Désolé. Tu voulais qu’on voit autre chose pour organiser le vivre ensemble ? »

Se changer les idées.